Parce que je t'aime

Chapitre 9

"Hum... Peter Smith... Quinze ans..."

Le dénommé Peter se tourna d'un geste, comme un voleur pris dans le sac, irrité. Il connaissait cette voix, il l'avait entendu bien trop de fois.

L'homme qui venait de parler tenait un portefeuille ouvert dans une main et une carte d'identité dans l'autre. Il fixait le jeune homme qui se trouvait avec lui, d'un air un peu réprobateur.

"Vous allez me laisser tranquille ? demanda l'adolescent, sèchement, en s'avançant pour rattraper son portefeuille. Comment vous m'avez suivi ?"

L'homme leva le bras pour ne pas que l'autre parvienne à l'atteindre au moment où il tendit la main.

"Quel est ton problème ? Tu ne reconnais pas quelqu'un qui veut t'aider ? Que s'est-il passé exactement dans cette impasse ? J'ai vu les traces de sang séché, je devine la bagarre qui s'est produite avant que Sandrine te trouve. Je ne cherche qu'à t'aider, et tu ne fais que me mentir. As-tu fait quelque chose de répréhensible ? es-tu recherché par la police ? ou es-tu une victime que tes agresseurs recherchent ? Dis-moi. Je ne dirai rien à personne. Je ne suis qu'un médecin de bonne foi qui t'a vu dans le pire des états, et je ne supporte pas de savoir un enfant comme toi seul, vagabondant dans la rue, et retournant sur les lieux d'un crime commis il y a plusieurs mois de ça, et qui prend, en plus de cela, énormément de risques. Je ne comprends pas. Explique-moi et je t'aiderai, dans la plus stricte des confidences.

-Vous n'avez pas répondu à ma question, répondit seulement l'adolescent, agacé.

-Pourquoi es-tu si agressif ? soupira le médecin avant de répondre. Je t'ai revu passer devant la maison de Sandrine au moment où j'en sortais, et je t'ai suivi jusqu'ici, c'est tout. J'avais besoin de savoir ce que tu fabriquais. Je ne pensais pas que tu venais de si loin."

L'homme se tut, espérant qu'une réponse allait venir mais son interlocuteur ne cillait pas et attendait qu'il lui rende le portefeuille. Il soupira de nouveau et sembla réfléchir. Il avait cru comprendre qu'il n'aurait pas de réponse s'il ne parvenait pas à trouver la bonne question.

"On t'a poignardé... finit-il par avancer, espérant une réaction.

-Et alors ? lui rétorqua toujours méfiant, l'adolescent.

-Pourquoi ?"

Il n'eut qu'un soupir pour réponse. Peter baissa les yeux et abandonna finalement son portefeuille. Il fallait qu'il retrouve autre chose.

Le médecin le regarda un instant faire puis se mit à chercher aussi, quelque chose qui pourrait leur servir. Alors il trouva un autre portefeuille, mais celui-ci était vide. Il n'y avait même plus de cartes sans importance. Il continua ses recherches et finalement retrouva lesdites cartes coincées entre les barreaux d'une grille d'évacuation d'eau, à la verticale. Au milieu de l'une d'elles se trouvaient un autre carte d'identité au nom de Clément Martin, quinze ans lui aussi. Les deux adolescents venaient de la même ville. Il était évident qu'ils avaient un lien, ou alors c'était une sacrée coïncidence. Il releva la tête, inquiet et grave, sur Peter qui retournait toute l'impasse dans laquelle ils se trouvaient. Cet autre jeune homme... Où était-il ? Qui était-il par rapport à Peter ? Et que cherchait Peter ? Il semblait regarder chaque mégot de cigarettes, toutes les bouteilles vides et les vêtements déchiquetés et délavés, que cherchait-il ici ?

Toute la ruelle passait au peigne fin de son regard aiguisé, mais il ne retenait rien de ce qui passait sous son regard, et il parut au médecin d'avoir discerné une expression de plus en plus impatiente et énervée. Il était résolu à l'aider. Il ne lui ferait pas croire qu'il n'avait besoin de rien ni personne. Il décida d'aborder le problème autrement. Il s'approcha de lui, posa sa main sur son épaule et lui tendit ses papiers et ceux de son ami.