Partie III : Chapitre 32

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Un an.

Des cris. Les cris d'un homme qui lutte.

Un visage contracté, contrarié.

Un esprit en navigation libre.

Le frottement, le tranchant des bracelets en métal sur ses poignets, et ses chevilles.

Trop serrés. Trop coupants.

D'autres cris. Des grognements.

Et ces pensées, noires, haineuses, assassines ; puis le découragement.

Un an qu'il était seul. Il en donnait plus de cent ans.

L'avait-on oublié ? Personne donc ne le cherchait ? Quand sortirait-il ? Jamais ?

Il s'énervait sur ses liens. Ses poignets n'étaient plus que moignons douloureux. Il était attaché à quelque chose. Il ne pouvait pas bouger du mur.

Encore ces cris, cris d'impuissance, de rage, d'épuisement.

Peter... Tout lui était revenu. Ou alors tout n'était qu'un rêve. Il ne pensait plus qu'à lui, à celui-là qu'il chérissait plus fort que tout. Il ne pensait plus qu'aux sourires, au soleil et au bonheur. Il s'inventait une vie, une autre. Loin, ailleurs. Pour faire passer le temps. Pour faire passer le goût amer dans la bouche, les nausées et le dégoût.

Les idées étaient plus claires. Après une millième absence. Juste avant la faim, et la folie. Il avait quelque chose en moins, dans son esprit. Des drogues. Indubitablement.

Il revoyait, par flashs, ce qui s'était passé. Il avait des images fixes et floues. Ou des traînées de choses qui n'avaient pas de noms. Mais il savait. Il savait pourquoi. Pour ça, il les haïssait. Ces traînées floues.

Il était coincé là à cause d'elles. La Nature, l'extérieur, l'herbe et le vent. Il ne savait plus ce que c'était. Il pensait savoir que ça existait, mais il croyait l'avoir rêvé, un jour. L'amour aussi. Peut-être l'avait-il inventé, comme toute sa vie dans sa tête. Sans même se souvenir pourquoi.

Trois jours. Il savait qu'au bout de trois jours, sans eau, il était impossible de vivre. Les hallucinations, elles, il aurait parié qu'elles étaient réelles, et qu'elles apparaissaient dès quelques heures. Un cycle sans fin. Il ne s'y habituait pas.

Un an, cent ans, mille ans. Combien de temps encore...?

Les réponses lui étaient apparues. Le bruit de la porte qui s'ouvre, la lumière qui entre. Un semblant de sourire qui se dessine sur ses lèvres.

Puis la déception, la haine et la terreur. Eux. Eux trois. Toujours les mêmes.

Se débattre, encore plus, leur cracher au visage tout ce qu'il a encore de salive.

Un mouchoir sur le nez, le noir réapparait.

Pour toujours.

--


Au poste, pendant l'interrogatoire, on l'avait cru quand Peter avait affirmé qu'ils s'étaient trompé sur sa carte d'identité, qu'il avait bien dix-huit ans, et non quinze.

L'acte de naissance l'avait prouvé. Même sur celui-ci, on avait fait une erreur. Evidemment, cent dix-huit ans, c'était absurde. Où avaient la tête les officiers d'état civil à ce moment-là ?

Alors, dix-huit ans. Majeur. Adulte. Même jugement, et mêmes peines que les deux autres.

Tant pis. Au moins, le problème était réglé. Plus personne ne chercherait de tuteur légal, ou d'établissement qui aurait pu l'accueillir. Son passé était trop long pour que des fonctionnaires y mettent le nez...

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant