Partie I : Chapitre 1

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Il entra dans le train, bousculant les personnes qui sortaient. Il chercha le siège le plus éloigné de la porte et s'assit, essoufflé. Il se tenait le ventre. On l'insultait, mais il ne répondait pas. Il retenait des reflux intempestifs de son estomac, avec difficulté. Il respirait fort. Plusieurs personnes vinrent s'asseoir à côté de lui. Il baissa la tête, levant les yeux rapidement pour les détailler. On ne s'occupait pas de lui. Il referma les pans de son manteau sur lui, se recroquevillant un peu plus. Il jeta un regard à la fenêtre, puis reporta son attention sur son ventre. Il resserra son étreinte sur lui, manquant de s'évanouir.

"Vous allez bien, jeune homme ?"

Une femme s'était approchée de lui, inquiète. Il ne s'y attendait pas, il sursauta et manqua de lui cracher ce qu'il retenait au fond de la gorge.

"Vous êtes tout pâle."

Il hocha la tête, incapable de dire un mot, tentant de sourire, pour qu'elle aille se rasseoir. Il sentit peser son regard sur lui tout le long du trajet.

Il resta un instant ainsi, sans se préoccuper du ballet des montées et des descentes des voyageurs. Il laissa passer plusieurs stations. Il ne savait pas où il allait. Il partait.

Au troisième arrêt, il vit les contrôleurs à la fenêtre. Ils allaient rentrer. Il eut un hoquet exaspéré, et attendit que les portes s'ouvrent pour se lever de son siège et détaler à l'extérieur, bousculant les contrôleurs qui l'interpelaient. Il fit un dernier effort et sauta par-dessus le portillon pour s'évader. Il s'était faufilé trop vite, les contrôleurs avaient abandonné.

A court d'énergie, il s'arrêta non loin, au milieu du trottoir, crachant ses poumons, les mains toujours serrées sur son ventre.

Il prit quelques secondes pour ravaler ce qui lui remontait dans la bouche et pour se calmer, puis releva la tête, cherchant un endroit où aller.

On le regardait, avec une expression tantôt inquiète tantôt amusée. Il surprit les regards. Il baissa de nouveau la tête et avança dans un cul-de-sac désert.

Et on l'oublia. Et il s'oublia.


Une dame se penchait au-dessus de lui. Elle l'appelait.

Son réveil était difficile. Ses yeux le piquaient, sa vue était brouillée. Il ne voyait que des formes floues. Son ventre le brûlait.

Elle lui prit la tête, s'asseyant à côté de lui, l'appelant toujours pour qu'il se réveille.

Tout le sang qui était resté au fond de sa gorge s'en échappa. Et il toussa.

Elle avait déjà son téléphone à la main, et composait le numéro des urgences.

Il essaya de parler en la voyant faire, s'affolant, agitait les bras.

Elle lui prit la tête pour qu'il puisse évacuer plus facilement. Et elle lui expliqua ce qu'elle faisait, et ce qu'il avait, pour le rassurer.

Il écarquilla les yeux de douleur et gémit, entendant la sonnerie.

"Non...! Ne faites... pas ça...!"

Il tentait d'articuler, entre deux renvois. Mais elle ne l'écoutait pas. Elle ouvrit la bouche, pour expliquer ce qui se passait à son nouvel interlocuteur, et il trouva la force de s'asseoir et de lui prendre le téléphone, pour le jeter un peu plus loin. Une nouvelle toux le prit. Son bras qui le retenait céda. Il s'écroula de nouveau. Il était trop faible pour faire un seul mouvement de plus.

"Ne les... appelez pas. Il ne faut pas... que j'aille là-bas."

Considérablement surprise par ce qu'il venait de faire, elle resta un instant sans rien faire, à le regarder, la bouche ouverte. Puis, elle eut un sourire, et posa sa main sur ses cheveux, pour le calmer. Elle allait dire quelque chose quand il la coupa, faisant un geste pour qu'elle enlève sa main.

"Non... vraiment... je ne peux pas... Ne... les rappelez pas... Vous... n'avez qu'à... me ramener... chez vous si vous y... tenez tant... Mais pas... l'hôpital..."

Elle le fixa encore, stupéfaite, ne sachant quoi faire. Elle le voyait se vider de son sang et voyait s'évaporer son âme sur ses genoux. Elle se sentait le devoir d'agir. Elle tendit le bras pour ramasser son téléphone portable quand il soupira. Il la regarda avec des yeux qui s'emplissaient de larmes, de douleur et de fatigue plus que de tristesse.

"... J'ai peur... de l'hôpital..."

Il ne put plus retenir la nausée qui l'avait pris, et se laissa retomber sur les genoux de la femme, inconscient.

Bouleversée, elle regarda autour d'elle, avant de reposer les yeux sur lui. Il semblait dormir, mais la mare de sang qui tachait toujours plus ses vêtements prouvait le contraire. Il fallait qu'elle agisse vite. Elle ramassa son téléphone qui n'avait pas une rayure, le rangea dans sa poche, et entreprit de soulever l'enfant qu'elle avait trouvé. Elle enleva le long manteau qu'elle avait sur elle pour le poser sur lui, pour le réchauffer et dissimuler sa blessure.

Elle n'habitait pas loin. Elle n'eut pas à marcher cinq minutes pour rentrer.

A l'intérieur, elle le posa sur un lit dans la chambre d'ami, et appela immédiatement un médecin qu'elle connaissait et en qui elle avait confiance. Elle lui expliqua la situation et il lui recommanda de faire quelques gestes importants pour le sauver.

Il ne mit pas longtemps à les rejoindre.

Parce que je t'aimeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant