Cela faisait plusieurs semaines maintenant qu'Elfie enfilait chaque matin son déguisement de Jane. Depuis qu'elle s'était mise en tête que c'était son costume d'espionne, elle vivait beaucoup mieux le fait de ne plus porter de lunettes et de laisser libre court aux mouvement capricieux de ses longs cheveux bruns. Ses fossettes se creusèrent dans ses joues lorsqu'elle fit un sourire à la belle Jane qui était en face d'elle dans son miroir avant de partir au travail.
Elle avait enfin prit le temps de s'acheter un manteau digne de ce nom et s'emmitouflant dans sa laine bleu foncé, elle brava la brise gelée. Mais malgré toute sa bonne volonté, elle restait très gênée par cette nouvelle chevelure encombrante. Dans l'air frais de l'hiver qui n'était plus loin et les décoration de Noël qui ornaient désormais les vitrines et les panneaux publicitaires, elle allait travailler le cœur léger et l'esprit perdu dans ses dernières lectures.
- Jane, j'ai besoin de votre aide, c'est urgent ! entendit-elle la voix de Félix résonner au téléphone lorsqu'elle arriva à son bureau.
- Mon portable n'est plus synchronisé à mes mails ! maugréait-il. J'ai absolument besoin que vous alliez sur mon ordinateur.
Elfie inspira profondément. Son ordinateur ? Elle sentit son cœur s'accélérer. Voilà une opportunité bien imprévue et parfaite pour l'apprentie espionne qu'elle était ! Prenant son courage à deux mains, elle monta les marches de l'escalier. Les mains tremblantes d'appréhension, elle ouvrit le macbook posé sur le bureau de son patron.
- C'est bon vous y êtes, s'impatientait la voix à l'autre bout du fil.
- Oui ! répondit Elfie déterminée.
Il lui dicta une suite du chiffres et de lettres qui n'avait à priori aucun de sens. C'était son mot de passe.
- Et ne vous faites d'illusions, je le changerai dès mon retour !
Un rire cristallin s'échappa de son téléphone. Se moquait-il gentiment ou ne lui faisait-il réellement pas confiance ? Il lui donna alors une série d'ordres et de consignes pour qu'elle retrouvât et lui transférât sur son téléphone les documents dont il avait besoin. Elfie s'exécuta sans difficulté et une fois qu'il eut ce qu'il voulait, il raccrocha sans autre forme de politesse.
- Et merci bien sûr, s'agaça Elfie.
Maintenant seule, elle s'assit sur le siège confortable de Félix avec une certaine excitation et devant la session ouverte de l'ordinateur, elle entreprit de fouiner. Elle parcourut du regard ses boîtes mail et en repéra une qui attira immédiatement son attention :
- Comme on se retrouve ! s'enflamma-t-elle.
Avec rapidité, elle fit défiler les mails essayant intuitivement en lisant l'objet, l'expéditeur ou l'aperçu de décider sur lesquels cliquer. Elle en choisit plusieurs de Richard de Trannoy et apprit ainsi que la mère de Félix, Karolina, était dans une clinique privée en Allemagne et d'après les recherches qu'elle fit, il s'agissait d'un centre spécialisé dans le soin des personnes alcooliques. Elle fut prise d'une réelle compassion pour son patron. Elle ne savait que trop bien les dégâts que pouvait faire l'alcoolisme dans une famille et les souvenirs de son beau-père ivre la hantait encore la nuit quand elle était seule. Elle comprit aussi quelques mails plus tard, que Félix n'avait pas approuvé l'envoi de sa mère dans cet institut à l'étranger, bien que ce fut dans le pays natal de sa mère, il avait l'impression que son père se débarrassait de sa mère. Cette fois, ce fut une certaine admiration qui naquit dans le cœur d'Elfie. Ce devait demander un certain courage de tenir tête à un père aussi imposant que Richard de Trannoy.
Mais bien qu'elle fut heureuse d'en connaitre plus sur les sombres secrets de Félix, tout cela n'aiderait sûrement pas pour la mission qu'elle devait mener auprès de Rummage. Aucun scandale ne semblait poindre derrière cette histoire, elle était d'ailleurs déjà connue du grande public au vu du nombre d'articles sur internet faisant référence au sujet.
L'apprentie espionne opta alors pour une autre stratégie et alla dans les mails marqués d'un petit drapeau. Le dossier contenait beaucoup de messages concernant l'entreprise, de dossiers à boucler ou de mails n'ayant pas encore reçus de réponses. Elle continua de descendre remontant les années peu à peu. Elle tomba bientôt sur une correspondance fort intrigante datant de cinq ans plus tôt dont l'objet se nommait très sobrement : « Départ ». Il venait de la « Baxter family » d'après l'adresse de l'expéditeur. Le mail était entièrement rédigé en anglais, mais Elfie n'eut aucun mal à le comprendre. Il disait en somme :
Mon cher et tendre Édouard,
Nous avons appris que tu travaillais maintenant pour ton père. Nous supposons que vos relations se sont apaisées. Nous nous réjouissons pour vous.
Nous avons une nouvelle importante à t'annoncer mais comme nos appels restent toujours sans réponse, nous sommes contraints de le faire par écrit.
Depuis la mort de notre petit perle, notre unique cadeau du Ciel, la vie est devenue lourde et pesante pour nous, comme tu t'en doutes. Nous avons pris la difficile mais salutaire décision de revenir sur notre terre natale en Angleterre. Nous regrettons de ne pas avoir la force de rester là où nous avons tout bâti mais qui nous rappelle trop sa douce présence.
Mais, sache que nous ne te souhaitons le meilleur. Nous t'avons toujours considéré comme notre propre fils et nous désirons vraiment que tu trouves enfin la paix et le bonheur. Alors nous espérons de tout coeur pour que tu rencontres une aimable et belle jeune fille avec qui tu pourras faire ta vie.
Nous prions bien pour toi et nous te souhaitons une bonne continuation et de belles réussites.
Nous t'embrassons et espérons que tu viendras nous rendre visite un jour.
Anna et William Baxter
PS : Nous t'enverrons notre nouvelle adresse dès que nous l'aurons.
Elfie ne trouva aucune trace de réponse de Félix. Intriguée, elle relut ce mystérieux mail deux fois et s'apprêtait à le lire une troisième fois lorsqu'elle entendit des bruits de pas dans l'escalier. Elle avait été tant absorbée par ce qu'elle lisait qu'elle en avait perdu toute notion de temps et de prudence. Elle savait alors qu'elle n'avait que quelques secondes pour justifier sa présence ici qui s'éternisait. En un clique, elle quitta la fenêtre des mails et referma le clapet de l'ordinateur, puis, elle fit deux grandes enjambées silencieuses vers la bibliothèque. D'un geste déterminé, elle saisit un livre, n'importe lequel devrait faire l'affaire. C'était une bande-dessinée et elle se mit à la lire. Sur le coup, il lui sembla qu'il valait mieux argumenter sur le fait qu'elle avait été absorbée par la lecture d'une BD plutôt que par les mails de son patron. Mais, à peine eut-elle poser le regard sur les pages qu'elle sentit ses joues rosir. C'était un livre érotique ! Aurait-elle pu faire un pire choix ?
Elle entendit alors la voix sévère de Judith s'élever :
- Que faites-vous donc ?
Elle n'eut même pas besoin de faire semblant de sursauter tant le livre qu'elle avait dans les mains l'avait surprise. Elle reposa alors vivement et maladroitement la bande-dessinée sur l'étagère. Elle était rouge comme une pivoine, au moins elle n'avait pas besoin de feindre la honte d'être prise en flagrant délit. Comment ne pas se sentir humiliée d'être en train de lire un livre érotique dans le bureau de son patron ? Qu'allait-il penser d'elle ? Elle n'osait qu'à peine se l'imaginer.
Elle suivit Judith les épaules basses et sans un mot. Au moins ne pensera-t-il pas qu'elle fouillait dans ses mails, essayait-elle vaguement de se rassurer. Quoiqu'il en soit, ce Félix était vraiment habile, il avait bien sûr pensé à envoyer Judith vérifier qu'elle ne s'attardait pas trop dans son bureau. Elfie soupira, elle n'avait visiblement pas encore gagner sa confiance et il fallait qu'elle fasse bien plus attention à l'avenir. Elle avait encore beaucoup à apprendre pour devenir Elfie, la parfaite espionne.
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La nouvelle Jane (En réécriture)
Spiritual« Mademoiselle Elfie Vuarnet ?... Ici vous serez Jane ». Voici la première phrase que Félix de Trannoy dit à sa nouvelle assistante, Elfie. Tout juste diplômée en commerce, elle vient de conclure un marché risqué avec Rummage, célèbre parfumeur pou...