À la fourchette dorée

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- Plus décontractée, plus décontractée... C'est moi qui vais le décontracter ! ronchonnait Elfie en rentrant chez elle d'un pas vif. Mais pour qui se prend-il ce satané de Trannoy !

Dès la sortie de la réunion avec Monsieur Hofman et d'autres investisseurs, Elfie avait immédiatement rattaché ses cheveux sous le regard réprobateur de Félix. Pourtant, il avait clairement été très satisfait de la façon dont la réunion s'était déroulée et du sérieux d'Elfie qui avait noté minutieusement les échanges. De temps en temps, il jetait des regards vers ses notes pour être certain qu'elle n'avait pas manqué une phrase importante et un signe d'approbation discret lui rappelait régulièrement qu'elle faisait du bon travail. Monsieur Hofman, riche rentier allemand, ami de la famille de Trannoy, était un des investisseurs de Vandenesse les plus importants. Il n'avait pas hésité à soutenir la nouvelle branche du groupe lors de sa création et semblait très heureux de continuer à soutenir Félix dans sa progression au vu des résultats et des preuves de réussite qu'il lui avait fourni lors de l'entretien.

- Votre présence a certainement joué, affirma Félix avec un sourire satisfait à la sortie de la réunion. Avoir quelqu'un de confiance qui prends les notes à ma place me permet d'être plus disponible. Je vous prendrai plus souvent avec moi.

Elfie avait envie de rétorquer : « Non merci, je n'aime pas être... décontractée. » Mais elle savait bien que cette réponse aurait déclenché une tempête bien inutile. Elle se contenta donc de sourire bêtement et d'acquiescer et sur ces paroles, ils se séparèrent.

Pendant tout sa route de retour, Elfie rageait et maugréait contre ce patron qui se servait d'elle comme d'une potiche faisant valoir son entreprise en jouant de son corps, une vulgaire prostituée. Et tandis que sa conscience lui rappelait violemment qu'elle n'était pas loin d'en être une à cause de marché passé avec Dubois, elle vit apparaitre le loup.

À deux rues de chez elle, il était là avec son air de chevalier victorieux adossé nonchalamment à une vitrine, elle eut un mouvement de recul. Dès qu'il la vit, il se jeta sur elle avec son sourire parfait et sa coiffure impeccable. Elfie soupira, il ne manquait plus que lui pour parachever sa journée.

- Ma belle Elfie ! lança-t-il d'un ton enjoué et les yeux pétillant de joie.

- Que veux-tu ? répondit Elfie en coupant court à toute la forme de politesse et tous discours inutiles.

Elle obtint l'effet attendu, faire disparait son sourire insupportable.

- Nous n'avions pas conclu de processus pour la remise des compte-rendus hebdomaires de... ta mission et je ne voulais pas faire cela autrement que de visu.

- Effectivement ! reconnut-elle sèchement.

- Maintenant que je suis là, Je t'invite un boire un verre et tu pourras me raconter ta première semaine.

Il ponctua sa phrase par un clin d'œil et sans attendre sa réponse, lui posa une main sur l'épaule pour la faire entrer dans la brasserie qui se trouvait juste derrière lui.

- Nous serons tranquilles ici, je connais le patron.

Elfie jeta un regard à la devanture : « La fourchette dorée » lut-elle en entrant. Si l'extérieur était accueillant avec ses auvents rouges, ses petites tables bien dressées et ses plantes vertes, l'intérieur ne transpirait que luxe et raffinement. Une immense lumière au plafond en forme de puits de lumière et aux motifs d'art nouveau donnait une ambiance très chaleureuse à l'espace tandis que des bouquet de fleurs fraiches très élaborées étaient placés très élégamment dans toute la grande salle. Les tables décorées de nappe blanches et de bougies attendaient patiemment les clients, tandis que deçà et delà, des petits groupes de personnes discutaient. La moindre boisson ici devait sûrement couter un bras et malgré la proximité à son appartement, cette brasserie faisait parti des lieux où Elfie n'aurait jamais osé mettre le pied. Alexandre quant à lui était dans son milieu et son sourire parfait n'était que le reflet de la magnificence du lieu. Il l'entraina à une table au fond de la brasserie et lui demanda d'un air fier :

- Que veux-tu boire ?

- Un diabolo menthe, lança Elfie impatiente.

Alexandre ne put retenir un petit rire moqueur. Appelant le serveur il commanda :

- Un Cosmopolitan et un demi.

Puis se tournant vers elle.

- Alors ta première semaine ?

Elfie, qui voulait en finir au plus vite, lui fit un résumé très professionnel de ce qu'elle avait vécu. Elle y avait déjà réfléchi alors ce ne fut pas un exercice bien difficile.

En somme, elle savait maintenant qu'il serait compliqué au travail d'apprendre plus sur la vie privée de Félix de Trannoy, vie qui était vraiment très privée. Les employés, qu'elle décrivit sommairement, n'y connaissaient pas grande chose, elle n'avait pas eu vent d'une quelconque relation avec une femme ni avec des amis d'ailleurs. Il semblait littéralement passer sa vie au travail au point d'habiter au siège même de Vandenesse. Alexandre l'écoutait attentivement en bougeant la tête d'approbation du temps en temps.

Elle s'interrompit une minute le temps que le serveur posât leur verre devant eux. Elle se retrouva avec une boisson rosée dans un verre allongé où des glaçons transparents dansaient. Curieuse, elle y trempa les lèvres, elle ne put cacher son plaisir et en but un peu plus. Cela fit rire Alexandre.

Mais, sans se laisser perturber le moins du monde par son attitude, elle reprit. Elle lui raconta sa mésaventure aux archives, qu'elle avait parcourut les dossiers du service après-vente et il lui semblait qu'il n'y avait pas grand-chose à trouver de ce côté non plus. Elle le rassura aussi en lui disant que si elle s'y prenait bien, elle pourrait y avoir accès plus souvent par la suite. En tant qu'assistante personnelle, elle avait déjà une vision générale sur la majorité de mails professionnels, ainsi, si elle voyait la moindre anomalie, elle le lui dirait.

Alex avait sorti un petit carnet et notait maintenant méticuleusement ce qu'Elfie lui décrivait. Il lui fit aussi répéter les nom de ses collègues.

- Bien, ponctua-t-il. Je n'en attendais pas autant pour la première semaine, tu semble bien organisée et tu as déjà balayé pas mal de sujets... Tu fais une excellente espionne, je suis impressionné !

Malgré son arrogance dont il ne semblait pouvoir se défaire, il avait l'air sincère dans ses compliments et Elfie lui rendit pour la première fois son sourire. Elle était heureuse d'être face à quelqu'un de transparent et qui ne retenait pas ses compliments, contrairement à son patron. C'en serait presque reposant s'il n'était pas Alexandre Dubois-Saint-André !

- Pour la suite, je te propose de laisser ici les courriers avec mon nom. Je viendrai les chercher régulièrement. Peut-être s'y croisera-t-on quelque fois...

Cette fois, son sourire confiant fit place à un sourire clairement séducteur. Elfie ne put retenir sa surprise, il la draguait maintenant ouvertement. Comment pouvait-il penser à cela en de telles circonstances ? Elfie, habituée aux avances, coupa court à tout espoir :

- Mieux vaut qu'on ne se voit plus physiquement, ce sera moins risqué.

Le sourire du beau chevalier s'effaça à nouveau. Satisfaite, Elfie se leva et quitta la table sans finir sa boisson, cela lui valut un petit pincement au cœur mais elle savait par expérience de serveuse, que mieux valait mettre rapidement fin à toute tentative de drague avant que cela n'allât plus loin. Alexandre la regarda partir sans la retenir, lui aussi savait par expérience que les jeunes filles farouches de sa trempe avait besoin de temps pour faire confiance. Il la salua amicalement tandis qu'elle quittait le restaurant.

La nouvelle Jane (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant