Après leur moment d'intimité dans le bureau de Félix, Elfie prit également du temps avant de retrouver son calme habituel. Devant son ordinateur, elle voyait et revivait la scène, la rejouait en boucle dans sa tête et appréhendait le moment où elle serait à nouveau face à son patron.
Heureusement, Félix avait une journée chargée et partit quelques heures plus tard de son bureau. Il ne s'attarda qu'à peine en passant devant son assistante, lui lançant un vague « à demain » avant de s'enfuir. Lui non plus, se savait plus comment se comporter en face d'elle.
Elfie ne put s'empêcher d'en vouloir à Alex et ses idées saugrenues. Jamais, elle n'aurait tenté le moindre rapprochement sans sa suggestion et voici que maintenant, alors que leur relation était au beau fixe ou du moins avait atteint une certaine forme d'amitié, elle venait en un instant de regresser de plusieurs semaines. Elfie en était effondrée, bien plus qu'elle ne l'aurait pensé. Elle tenta tant bien que mal de travailler malgré le poids qui pesait sur son coeur. Bientôt les employés commencèrent à quitter les locaux pour aller déjeuner tandis que des discussions commençaient à s'élever dans la salle commune.
Elfie avait besoin de se changer les idées et elle ne connaissait pour cela qu'un seul moyen. Elle alla donc à son endroit favori pour lire. Personne ne s'étonnait plus maintenant de sa présence silencieuse dans le fauteuil de l'entrée, tous avaient compris son besoin d'espace et sa réserve et ses collègues n'insistaient maintenant plus pour qu'elle vint se joindre à eux. De temps à autre, Sam venait s'enquérir de sa journée mais leurs discussions ne s'éternisaient jamais. Ainsi dans un silence relatif, bercée par les discussions et les quelques éclats de rire lointains , Elfie avait rejoint un autre monde.
Cependant dans cet espace commun, son esprit ne pouvait s'évader entièrement et restait inconsciemment en alerte, c'est ainsi qu'elle remarqua deux silhouettes qui discutaient dans le couloir : Philippe Ducarme et Cédric Marcoux. Autant Philippe, imposant et autoritaire se baladaient souvent dans les bureaux, vérifiant de-ci de-là le travail des uns et des autres, supervisant les équipes et rapportant le moindre problème à Félix ; Elfie s'était très vite habituée à le voir marcher fièrement dans les bureaux et monter de temps à autre dans celui de Félix ; autant, jamais encore, elle n'avait vu Cédric participer aux bruits de couloirs, quand il sortait de son bureau c'était pour marcher d'un pas hâtif jusqu'à la sortie. Si elle pensait avoir le super pouvoir d'être transparente en groupe, Cédric en était le maitre absolu ! Depuis leur discussion lors de sa première semaine de travail, elle n'avait jamais retrouvé l'occasion de lui adresser la parole et il se débrouillait très bien pour que personne n'ait cette occasion.
Elle ne put donc arracher son regard à cet échange insolite. Cédric se tenait courbé et avait le regard fuyant mais pour ce personnage austère et d'une timidité maladive, il n'y avait rien d'extraordinaire. Ce fut le comportement de Philippe qui attira beaucoup plus la curiosité de la jeune fille, il avait l'air stressé, se passait frénétiquement les mains dans les cheveux. Voici une mission pour Elfie l'espionne, se réjouissait-elle intérieurement, une bouffé d'adrénaline emplissant toute sa personne. Pour la première fois de sa vie, elle se dit gaiement que son super pouvoir de discrétion lui serait profitable. Quittant donc furtivement son poste d'observation son livre à la main, elle alla se placer sur un fauteuil beaucoup plus près d'eux et fit à nouveau mine de lire, aucun de deux ne remarqua sa démarche.
- Pensez-vous qu'il faut que j'aille en parler au patron ? demandait Cédric en soufflant d'un air inquiet.
- Non, ne vous inquiétez pas pour cela. C'est mon travail, je lui en ferai part moi-même, déclara Philippe déterminé. Mais avant cela, il faut que je sache exactement de quoi il en retourne. Vous comprenez, il n'y a pas de raison de surcharger Félix avec des broutilles.
- Ça fait deux semaines maintenant que nous recevons des plaintes comme celles-ci. Ce n'était jamais arrivé auparavant. Mes équipes n'ont jamais eu autant de travail, je m'inquiète.
- Envoyez-moi les plaintes les plus délicates. Je les traiterais personnellement, lui dit-il en posant un geste rassurant sur l'épaule de Cédric qui semblait réellement soulagé de se débarrasser du problème. Allez en pause maintenant. Je reviendrai vers vous si j'ai d'autres questions.
Les bribes d'informations qu'Elfie avait pu saisir semblaient indiquer qu'une nouveauté venait d'apparaitre du côté du service-client. Que s'était-il passé ? Toujours très silencieuse, elle laissa passer Philippe Ducarme et Cédric Marcoux qui sortirent des locaux, certainement pour aller manger. Elle retourna à son bureau pour prendre le temps de réfléchir. Il fallait qu'elle tire cette affaire au clair. Le mardi aurait été plus propice à cela, mais elle ne pouvait attendre cinq jours car Philippe Ducarme aurait soit résolu le problème soit parlé à Félix. Elle se dirigea alors vers les salles communes, passant négligemment devant le pôle dédié au service-client.
Personne... Mais, le risque de passage dans les couloirs était grand. Peu importait au fond car le grand patron et le second n'étaient pas présents, elle devait en profiter. Tel un ninja, elle alla à pas de loup au fond de la pièce, cherchant du regard un ordinateur qu'un employé peu consciencieux aurait oublié d'éteindre. « Bingo ! » se dit-elle en voyant un ordinateur allumé qu'un stagiaire certainement, qui n'avait pas encore subit les foudres de Félix très à cheval sur la sécurité, avait oublié d'éteindre. Une poignée de secondes devrait suffire, elle sélectionna tous les messages non traités et les transféra sur l'adresse générale de Félix à laquelle elle avait accés. Si elle n'avait pas le temps de tout gérer avant son retour, elle pourrait toujours plaider la fausse manipulation de la part de ce stagiaire visiblement tête en l'air. Elle ne prit pas le temps d'attendre que tous les mails soient envoyés avant de quitter la salle, le coeur battant vérifiant que personne ne l'avait repéré.
Quelle aventure ! Celle-ci était bien plus excitante encore que celle des archives car le risque était bien plus grand. Elfie appréciait plus qu'elle ne le souhaitait ce rôle d'espionne. Un sourire satisfait sur les lèvres, elle vint s'installer devant son bureau et commença avec avidité à éplucher les mails qu'elle venait de recevoir. Elle prit conscience du nombre faramineux de messages que Vandenesse devaient recevoir par jour, car elle en compta plus d'une centaine sur la sélection qu'elle s'était envoyé. Passés les premiers mails assez banals, elle ne tarda pas à tomber sur des plaintes beaucoup plus intéressantes. Elle trouva dans un premier temps, une dame fort polie qui demandait s'il y avait eu un changement récent dans la composition d'une crème hydratante. Quelques mails plus tard, ce fut un homme bien moins courtois qui les accusait d'être à l'origine d'une allergie. Ensuite, une personne leur demandait un remboursement car l'odeur de son nouveau parfum était différent de celui qu'il avait eu le mois précédent... Elle en trouva ainsi plus d'une dizaine. Cela semblait peu mais sur la courte sélection qu'elle avait eu entre les mains cela représentait presque 10% de plaintes, cela n'était pas négligeable... Sans attendre, elle transféra ces mails sur son téléphone et les envoya à Alex en lui faisant part de sa découverte. Elle ne savait pas encore ce que cela cachait mais un avis extérieur pourrait certainement l'aider à creuser dans la bonne direction. Avant que la pause déjeuner ne soit terminée, elle avait déjà supprimé les mails qu'elles s'étaient envoyés. Les preuves ainsi effacées, elle sentit un poids partir de ses épaules.
Mais devant cette découverte, elle n'avait pas l'esprit tranquille. Visiblement Félix n'était pas encore au courant de ces nouvelles plaintes. Devait-elle lui en parler ? Mais, elle refoula ses pensées se disant que Philippe Ducarme en discuterait certainement très vite avec Félix et que moins elle s'impliquait dans les affaires de Vandenesse mieux, elle s'en sortirait.
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La nouvelle Jane (En réécriture)
Spiritual« Mademoiselle Elfie Vuarnet ?... Ici vous serez Jane ». Voici la première phrase que Félix de Trannoy dit à sa nouvelle assistante, Elfie. Tout juste diplômée en commerce, elle vient de conclure un marché risqué avec Rummage, célèbre parfumeur pou...