La fin d'une pseudo-amitié

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La journée avait été longue et peine de rebondissements. Elfie était bien heureuse de retourner chez elle et de redevenir Elfie pendant quelques heures. Son rôle de Jane était à la fois grisant et pesant. Parmi les éléments de son costume d'espionne, ses nouveaux pieds étaient une épreuve encore plus contraignante que les autres. Comment faisaient ces femmes qui passaient leur vie en talons hauts ?

À peine fut-elle sortit de l'immeuble de Vandenesse qu'elle se débarrassa de ses talons hauts peu pratiques pour prendre le métro et marcher dans les rues agitées de Paris et renfila ses ballerines bien confortables, retrouvant ses pieds d'Elfie. Et pourtant, elle devait bien avouer que voir le monde avec douze centimètres de plus lui donnait une certaine prestance qu'elle appréciait beaucoup. Elle glissa ses nouvelles chaussures dans un grand sac en toile où elle avait aussi mise les autres paires que Félix lui avait données.

Alors qu'elle marchait d'un pas tranquille, son téléphone sonna et le nom « Sacha » s'afficha. C'était le nom de code qu'elle avait choisi pour Alexandre Dubois-Saint-André. Elle avait créé spécialement pour lui une histoire parallèle en cas de nouveaux questionnements de son patron : un cousin maternel avec qui elle avait reprit contact récemment. Lorsque son esprit divaguait, Elfie aimait à ajouter des anecdotes à la vie de Sacha : il était cuisinier, avait voyagé dans quelques pays d'Europe pour parfaire sa culture et apprendre de nouvelles techniques, il avait le rêve d'ouvrir un bistrot gastronomique à Paris... Il y aurait certainement peu de chances qu'elle ait besoin de raconter ces détails à qui que ce soit, mais elle aimait inventer la vie de ce cousin imaginaire, n'ayant elle-même eu aucun contact avec ses quelques cousins réels.

- Ton travail du jour est parfait, annonça la voix enjouée d'Alexandre à l'autre bout du fil. J'ai transmis les informations à Rummage.

- Merci, mais je t'avoue que je ne sais pas trop ce que cela cache. J'aimerai en savoir plus mais je ne sais pas dans quel sens chercher...

Alex réfléchit un moment.

- Je crois qu'il faut que tu te concentres sur les procés en cours car si les plaintes deviennent sérieuses et passent à un niveau juridique, ce sera plus tangible et les preuves seront plus faciles à rassembler. D'autre part, si tu pouvais découvrir s'il y a réellement eu un changement de produit, ce que semble indiquer les messages, ce serait idéal. As-tu accès aux commandes de produits, à la logistiques, aux laboratoires,... ?

- Pas vraiment, souffla Elfie contrariée. Malheureusement, les laboratoires ne sont pas à Paris proche de mon lieu de travail et les équipes de logistiques non plus, je doute que j'y aille prochainement. Ici, il n'y a que les laboratoires d'essais mais je n'y ai jamais mis les pieds...

- Je vois... J'en parlerai avec Amy Gardiner. Elle aura peut-être une idée pour te guider dans tes recherches. Mais je crois qu'on tient le bon bout, tonna-t-il d'une voix joyeuse. Tu fais du bon boulot, continue comme ça.

Cette appel avait rendu Elfie très fière d'elle. Peut-être parviendrait-elle encore plus vite qu'elle n'imaginait à faire tomber Vandenesse. Cela faisait presque 3 mois qu'elle travaillait pour Félix de Trannoy et elle avait l'impression que ce jour marquait un tournant important dans sa quête.

Le cœur joyeux, elle pénétra dans son appartement et entreprit de mettre ses nouvelles acquisitions dans le placard à chaussures de l'entrée. Mais ce fut sans compter sur Ambre qui déboula du salon pour la rejoindre. Elle la détailla de la tête aux pieds et son regard froid se fixa sur ses nouvelles chaussures noires qu'elle s'apprêtait à ranger. Cette fois, elle ne fit aucun effort pour contenir sa jalousie et une flamme mauvaise brilla dans ses yeux de glace tandis qu'elle lui lança avec un air de dédain :

- C'est ça que tu fais de ton salaire ?

- Comment ? s'étonna Elfie.

Elle n'était pas du tout préparée à dégainer face à une nouvelle attaque d'Ambre. Cette dernière lui fit un geste de mépris vers ses nouvelles chaussures.

- Des Louboutins ! Tu es sérieuse ?

Elfie ne connaissait pas grand chose à la mode, mais elle devina aisément qu'elle parlait de ces chaussures qui apparemment valaient une somme certaine. Elle hésita à lui dire que ce n'était pas elle qui les avait acheté mais avouer qu'elles provenaient de son patron ne lui sembla pas une meilleure option.

- Je t'ai déjà proposé de payer la moitié du loyer maintenant que j'ai un vrai salaire, préféra-t-elle dire tentant de changer de sujet.

Ambre éclata d'un grand rire ironique :

- Tu crois vraiment qu'il n'y a que l'argent qui m'intéresse ? Pour qui me prends-tu ?

Elfie sut à cet instant que quoi qu'elle dise, cela serait retenu contre elle.

- Ce sont des chaussures d'occasion. J'ai besoin de représenter dignement Vandenesse maintenant que Félix me demande de l'accompagner à ses réunions d'affaires, tenta-t-elle de se justifier d'une voix faible.

- Félix ceci, Félix cela, à croire que tu t'es entichée de ton patron. Tu es pitoyable !

Cette remarque était gratuite et sans fondement, et pourtant Elfie se sentit à nouveau profondément blessée par ses propos. La tête baissée et les larmes aux yeux, elle fila dans sa chambre, faisant bien attention en prenant le sac à ne rien révéler de ce qui se cachait à l'intérieur. Qu'aurait dit Ambre si elle avait vu les autres paires de chaussures qui y étaient rangées ?

Même si elle avait refusé de le reconnaitre, Elfie savait très bien depuis le jour de leur remise de diplôme qu'Ambre voulait qu'elle vint travailler chez son père pour pouvoir profiter un peu plus de son sérieux et la faire travailler à sa place, comme lorsqu'elles étaient étudiantes. Elfie se devait aujourd'hui d'être lucide et admettre qu'Ambre ressemblait bien plus à Anastasie, demi-soeur exécrable de Cendrillon, qu'à Margaret, fille du docteur March. Son affection ne valait que lorsqu'Elfie acceptait de faire ses caprices et désirs, elle était finalement exploitée pour ses capacités, comme la pauvre Cendrillon forcée à faire le ménage et le repassage. Mais avec son travail chez Vandenesse, Elfie s'était émancipée, elle n'avait plus besoin d'Ambre, de son argent et de sa fausse charité pour vivre dignement. C'était cela qui perçait chaque jour un peu plus le coeur gelé de la belle blonde ; elle rageait en sentant sa prise, son petit animal de compagnie docile, prendre son envol. Elle arrivait de moins en moins à contenir sa haine pour cette nouvelle Elfie.

Il fallait qu'Elfie se rendît à l'évidence, elle devait tirer une croix sur cette pseudo-amitié et cela impliquait irrémédiablement de se trouver un nouvel appartement. Cependant, sans garant et avec uniquement trois mois d'activité chez Vandenesse, ce ne serait pas une mince affaire. Dans sa chambre, la jeune fille laissa un long soupir désespoir s'échapper de ses lèvres. Pourquoi fallait-il que ce soucis de plus vint s'immiscer dans sa vie déjà bien complexe ? 

La nouvelle Jane (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant