La nouvelle Jane (En réécriture)

La marraine fée

Ce matin de mars, Elfie était plus que déterminée que jamais à enfiler son costume de Jane. Elle devait absolument parler à Félix. Elle n'avait pas encore pris de décision concernant son dilemme mais elle ne voulait pas le laisser tomber en même temps que Vandenesse. Il fallait qu'il sache que Philippe le trompait, pour cela elle comptait simplement lui faire remarquer ce qu'elle avait lu sur le registre, lui mettre sous les yeux que c'était Philippe qui signait depuis quelques semaines le registre espérant que cette information suffise à lui mettre la puce à l'oreille pour lui faire mener sa propre enquête. De toute façon, elle ne pouvait que difficilement lui en dire plus. Elle ne pouvait lui parler des dettes de Philippe car il était impossible de justifier qu'elle fut en possession d'une telle information et elle ne voulait pas non plus mentionner les dates d'expiration qui pouvaient faire tomber Vandenesse et lui faire atteindre son objectif personnel. C'était bien peu et elle s'en voulait terriblement de ne pas pouvoir en dire plus à son patron mais elle devait garder le cap.

Alors, comme chaque matin, Elfie enfila cérémonieusement chaque pièce de son costume avec un pincement au cœur et un renoncement certain. D'abord ses yeux, elle retirait ses lunettes avec délicatesse et les remettait dans leur boîte. Puis, elle lâchait solennellement ses cheveux qui semblait heureux de retrouver leur liberté et envahissaient son espace vital, elle revêtait bien sûr ses vêtements d'assistante parfaite, des robes ou des jupes sobres, élégantes et de bonne qualité qu'elle s'était sentie obligée d'acheter pour être en accord avec l'image de Vandenesse. Mais lorsque vint le moment d'enfiler ses nouveaux pieds, ce fut plutôt de la joie que le renoncement qui domina. Décidément, malgré les douleurs à la fin de la journée, elle avait un certain plaisir à être sur des échasses. Elle se fit une joie d'essayer les unes après les autres les différentes paires de chaussures que Félix lui avait offertes. Elle opta ce jour-ci pour une paire de bottines grises foncées, elle étaient moins hautes que les autres et très confortables.

- Au revoir Elfie, lança-t-elle à sa glace. Au boulot, Jane !

Elle s'était répétée en boucle le discours qu'elle lui dirait à son arrivée mais tous les mots s'envolèrent au moment où elle aperçut Félix l'attendant avec un sourire espiègle aux lèvres. Il était manifestement de bonne humeur. Elle ne savait pas encore s'il fallait plutôt se méfier de ses jours de bonne ou de mauvaise humeur. Qu'avait-il encore inventé ?

- Ce soir, je vous invite à diner ?

Elfie resta sans voix, toutes ses bonnes résolutions de lui parler s'était volatilisées par ces paroles inattendues. Leur relation en était-elle arriver à ce niveau d'intimité ? Mais, il explosa d'un rire gai faisant retomber un peu la pression.

- C'est un gala de charité... professionnel bien sûr, se sentit-il obligé d'ajouter en reprenant son sérieux. Je vous emmène chez une amie à 16h, elle vous préparera pour l'occasion.

Comment voulait-il qu'elle travaillât convenablement le reste de la journée, après lui avoir lâcher une telle bombe ? Impossible de retrouver une contenance suffisante pour lui parler du sujet si grave qui accaparait son esprit le matin-même. Elle n'était jamais allée à ce type d'évènements et un nombre de scénarios incalculables se dessinèrent dans sa tête l'empêchant de penser à autre chose. Que penseraient les gens d'eux ? Comment allait-il la présenter ? Était-il normal d'emmener son assistante à des galas de charité ? Les autres membres de Vandenesse étaient-ils invités ? Ne donneraient-ils pas l'impression d'être en couple ? Et d'ailleurs qui était cette amie ? Que voulait-il dire par « elle vous préparera pour l'occasion » ?

À 16h, Elfie tremblait d'appréhension, sa gorge était sèche et son esprit embrumé par ses questions sans réponse. Félix fit mine de ne rien voir mais affichait toujours ce sourire narquois sur les lèvres. À croire que la torturer ainsi le mettait dans un état d'euphorie.