La nouvelle Jane (En réécriture)

La Cendrillon d'un soir

Plus que jamais, elle se sentait Cendrillon, princesse d'un soir, transformée par sa marraine fée, joyeuse et excentrique. Il ne lui manquait que son prince charmant, se dit Elfie en rougissant de cette pensée.

De son côté, Félix avait quitté le salon de coiffure avec un pincement au cœur. Non qu'il avait peur pour Elfie, mais il se remémora de la dernière fois où il avait mis les pieds ici. Nathalie était la coiffeuse personnelle de sa mère lorsqu'elle habitait encore à Paris et c'était naturellement là qu'elle lui conseilla d'amener Jane pour leur soirée de fiançailles. Jane était toujours élégante, toujours pétillante et pourtant Nathalie eut ce talent incroyable de la rendre encore plus radieuse. Saurait-il en faire de même avec son assistante ? Il n'en doutait pas.

Félix tourna en rond comme un lion en cage pendant les deux heures qui suivirent. Il prit le temps de rentrer et se préparer lui-même, noeud papillon veste et pantalon bleu gris et chemise à manchette blanche. Fidèle à lui-même, il aimait la couleur mais sans tomber dans une excentricité excessive.

Le cœur battant d'appréhension, il pénétra dans le salon de Nathalie. Cette dernière vint l'accueillir avec son exubérance habituelle et d'une voix stridente mais enthousiaste cria :

- Ma chérie ! À toi d'entrer en scène...

Le cœur au bord des lèvres, le pas tremblant, Elfie passa la tête puis le corps par la porte avant d'apparaitre devant son prince. Félix en eut le souffle coupé lorsqu'il aperçut sa belle compagne de la soirée tout de rouge vêtue. Nathalie courut vers lui à petits pas très satisfaite de son travail et s'agrippa à son bras pendant.

- Ferme la bouche Édouard, tu baves ! se moqua-t-elle allègrement en voyant le regard hébété de Félix.

Et effectivement, Félix en avait la bouche asséchée et ne put sortir qu'un râle vague. Elfie de son côté, était clouée au sol. Devant son prince charmant qui la dévorait des yeux, elle eut aussi du mal à déglutir. Elle secoua la tête pour chasser cette pensée de son esprit, il était son patron ! Mais Jane, la belle princesse resplendissante de la soirée, lui criait : « Juste pour cette nuit, juste pour ce gala, laisse-moi être la princesse de tes rêves, laisse Félix être ton prince charmant. » Sa volonté n'ayant que peu d'impact dans cette tenue et face au séduisant homme en face d'elle, Elfie y consentit sans grande résistance.

Sans un mot, les joues en feu et le cœur battant à la chamade, Elfie saisit le bras qu'il lui tendit en prince galant.

« Juste pour une nuit... » se répéta-t-elle.

Il la fit entrer dans un taxi noir qui les attendait en double file à l'extérieur. La nuit commençait à tomber avalant dans des couleurs flamboyantes les dernières gouttes de jour tandis que les premiers lampadaires art nouveau s'allumaient à l'unisson. Dans la circulation dense de la fin de journée, Elfie n'entendait que son sang battre dans ses tempes. Elle n'osait regarder Félix tout aussi intimidé qu'elle.

Ils arrivèrent bientôt devant un de ces grands palaces parisiens, un hôtel étoilé, où un valet de pied vint ouvrit d'un geste respectueux la porte de leur carrosse les laissant sortir avec grâce. Félix en un mouvement se retrouva près d'elle et lui tendit à nouveau le bras. Elfie vivait un vrai conte de fée.

Elle qui détestait habituellement les foules et les évènements solennels, se fondit dans la masse sans peur s'accrochant à son prince et laissant toute place à Jane, la parfaite assistance et princesse d'un soir. Bien sûr, dès son entrée, Félix se fit saluer par des hommes et des femmes tous plus éclatants les uns que les autres. Poignées de mains par ci, hochement de tête respectueux par là, bises pour les dames les plus tactiles et accolades viriles pour les amis proches de la famille... Elfie se sentait un peu perdue, mais Félix ne la lâcha pas une seconde, la présentant poliment à tous ceux qui venaient à lui.