Durant les quelques jours qui suivirent, Elfie se plongea maintes fois dans la lecture attentive du contrat qui devait sceller son avenir chez Félix de Trannoy. La clause de non-concurrence stipulait, avec une rigueur implacable, qu'en cas de démission ou de licenciement, travailler au sein d'une autre entreprise de parfumerie, française ou étrangère, était proscrit. Les laboratoires produisant fragrances, huiles essentielles ou tout autres ingrédients entrant dans la composition des parfums Vandenesse, étaient aussi formellement exclus de ses options professionnelles. Cependant, aucune disposition ne spécifiait le cas de la faillite ou la liquidation de l'entreprise. Elfie mena une investigation sur la toile concernant ce vide dans le texte, qui se révéla une faille salutaire, confirmant les propos d'Alexandre : en cas de disparition d'un des partis signants, le contrat devenait, de facto, caduc et la clause également.
Sa détermination renforcée par ses recherches, mais le cœur lourd de scrupules, Elfie se rendit au lieu de rendez-vous défini par Alexandre, un café moderne et élégant de la ville Lumière. Face à la devanture du « Café des Anges », éclairée par des lampadaires aux couleurs chatoyantes, Elfie inspira profondément ; jamais encore elle n'avait mis les pieds dans un café si distingué, et ce serait dans cet écrin de luxe que se jouerait son destin. À peine entrée, elle fut accueillit par les arômes de café fraîchement moulu et par le sourire professionnel d'un serveur à la tenue irréprochable, qui la délesta de son misérable manteau, contrastant avec le faste du décor. Elfie en rougit de honte, et distraite par les murmures étouffés des clients, peina à prononcer le nom du Dubois-Saint-André. La respiration saccadée d'appréhension, elle se fit conduire à travers les allées du bistrot jusqu'à une table ronde au fond de la salle.
La jeune fille ne put réprimer une grimace en voyant Alexandre lui faire un grand geste de salut. Il revêtait à nouveau son sourire étincelant de Monsieur Parfait et sa coupe de Playmobil impeccable ; le guerrier téméraire et fougueux avait repris de son panache. À ses côtés, une femme blonde d'une cinquantaine d'années et en léger surpoids, qu'Elfie aurait pu reconnaitre entre mille tant elle avait espéré la revoir, était installée, le dos droit et le regard soucieux. Il s'agissait de Mrs Amy Gardiner, responsable des ressources humaines d'Alen Rummage, celle qui, par pitié, l'avait reçue quelques semaines auparavant à Londres. Alexandre n'avait pas menti en lui disant avoir des contacts influents chez Rummage.
Avec la courtoisie d'un gentilhomme et la galanterie d'un chevalier, Alexandre tira une chaise pour qu'Elfie s'y installât. Mrs Gardiner, quant à elle, lui souriait tristement derrière ses fines lunettes noires.
— Ne perdons pas de temps, voulez-vous, lança-t-elle en anglais en réajustant ses lunettes et en faisant glisser le document devant Elfie. Êtes-vous sûre de votre décision, Mademoiselle Vuarnet ?
Elfie avait le cœur au bord des lèvres, si bien qu'aucun son ne put sortir de sa bouche. Un acquiescement solennel fut sa seule réponse.
— Conformément aux dispositions convenues avec Monsieur Dubois-Saint-André, vous accéderez au poste d'assistante personnelle d'Alen Rummage, lorsque la faillite de Vandenesse sera actée ou que l'entreprise mettra fin à ses activités, annonça la femme avec aplomb.
À ces mots, Elfie resta interloquée. Assistante personnelle d'Alen Rummage ! Saisissant les papiers avec empressement, elle relut la mention au moins trois fois, allant jusqu'à douter de sa compréhension de la langue de Shakespeare et vérifier sur son téléphone le terme « executive assistant », tant cette nouvelle semblait irréelle. Même dans ses fantasmes les plus fous, elle n'accédait jamais à ce poste. Un sourire, spontané et indomptable, éclaira son visage, creusant ses fossettes.
— Après cet entretien, vous et moi, n'échangerons plus jusqu'à votre intégration au sein de l'entreprise, poursuivit Mrs Gardiner. Monsieur Dubois sera votre unique interlocuteur. Vous devrez consigner toutes vos activités et les rapports me seront transmis par l'intermédiaire de Monsieur Dubois. Je vous laisse définir avec lui d'un protocole pour la remise des documents. Nous désirons être informés en détail des actions et des projets Monsieur de Trannoy. Cependant, à mon sens, seules deux évènements pourraient entrainer la fermeture de Vandenesse : un scandale majeur compromettant la réputation de Félix de Trannoy, et donc, de son entreprise, ou bien la révélation du secret de sa recette prétendument 100% française. Alen Rummage est convaincu qu'il s'agit d'un pur mensonge, mais il nous faut des preuves pour attaquer. Examinez attentivement toutes les plaintes qui vous parviendront, mais recueillez aussi le moindre détail sur la vie personnelle du directeur. Avez-vous des questions ?
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La nouvelle Jane (En réécriture)
Spirituale« Mademoiselle Elfie Vuarnet ?... Ici vous serez Jane ». Voici la première phrase que Félix de Trannoy dit à sa nouvelle assistante, Elfie. Tout juste diplômée en commerce, elle vient de conclure un marché risqué avec Rummage, célèbre parfumeur pou...