Diagnostic

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Un bébé nait. Les docteurs se montrent rapidement inquiets. Ils enchainent les tests,
les examens, les radios, les scanners... Les conclusions sont irrévocables. Ils convoquent les parents. La mère prend la parole la première :

— Alors, Docteur ?
— Écoutez, après les nombreux examens effectués, les résultats semblent sans appel, mais la science exacte n'existe pas...
— Venez-en au fait, je vous en prie. Soyez clair et brutal ! Qu'arrive-t-il à notre enfant ?
— Bien. Votre enfant va mourir.
— ... Que... Qu'est-ce que...
— Les symptômes semblent clairs et inévitables bien qu'il soit difficile de dire quand. On peut cependant être définitif en affirmant qu'il va mourir.
— Mais... Mais, comment est-ce possible ? Combien de temps peut-il vivre ?
— Difficile à dire. Un jour, un mois, un an, parfois beaucoup plus. Les statistiques varient beaucoup sur le sujet.
— Qu'a-t-il donc ? Vous m'aviez affirmé que son développement intra-utérin avait été parfaitement normal !
— Oui, nous le savons, mais il apparait clairement, désormais, que ses cellules se multiplient. Il développe des hormones de croissance, de mémoire, d'adaptation, et même de mimétisme. Cela va aller vite avant qu'il ne grandisse et qu'il meure, tout au plus quelques jours ou quelques années.
— Ne peut-on rien faire ?
— J'ai bien peur que non. Il va traverser des épreuves difficiles. Il subira la frustration, la moquerie, la cruauté, puis viendra peut-être l'adolescence, la rébellion, l'acné, l'incommunicabilité, la passion éphémère, l'inconstance, l'amertume, la conscience politique, la désillusion, l'aliénation, les crises de vieillissement, le sentiment inébranlable d'avoir raté sa vie, d'avoir vécu pour rien, la solitude et la mort. Je suis désolé : c'est une condition que l'on comprend encore à peine. Il existe des traitements expérimentaux, mais rien de définitif. Gardez à l'esprit que la fin sera inéluctable : la mort.
— On peut espérer le prolonger longtemps.
— Je vous l'ai dit. On ne sait pas bien encore. Dans le meilleur des cas, il ne vivra tout au plus que quatre-vingt-dix ou cent ans, en tout cas guère plus.

Dévastés, les deux parents signent la décharge et rentrent avec le nourrisson. Ils tenteraient tant bien que mal de lui faire vivre une existence normale. Il leur restait à décider, dans le cas où il vivrait assez longtemps, s'ils lui mentiraient ou non.

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