Une femme croise un homme le long de la digue déserte d'une station balnéaire.
Il était d'une beauté simple, abordable. C'était un homme évident qui la regardait du coin de l'œil comme pour démontrer son intérêt. C'est à ce moment-là que l'imagination de la femme s'emballe et que le réel s'éloigne. Elle imagine les paroles timides et charmantes qu'ils échangeraient, les approches maladroites, mais conquérantes, puis les ébats, puis la vie commune, puis la rencontre des belles-familles. Elle se représenta les enfants qu'ils auraient et la maison dans laquelle ils construiraient une vie de famille, simple, avec ses difficultés et ses bonheurs. Elle se vit vieillir sous le regard de cet homme, finir ses jours avec lui, délicatement, sous la tranquillité de l'ombre d'un pommier... Tout cela se produisit à la vitesse de la pensée et avec une précision émotionnelle qui lui donna l'impression d'avoir expérimenté réellement ces situations. Son imagination était si puissante qu'elle en ressentait les effets. Ses cellules nerveuses sécrétaient des neurotransmetteurs de satisfaction. La dopamine et l'ocytocine comblaient son cerveau de tout l'affect de ces souvenirs fictifs. Son âme fut alors satisfaite. Il n'était donc plus la peine d'aller plus loin dans la vraie vie.
Avant même d'entamer quoi que ce soit avec cet homme, elle l'abandonna : elle avait déjà tout vécu intérieurement.
Elle finit de le croiser avec la plus parfaite indifférence.
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Arborescence et autres histoires
HumorLes grenouilles sont-elles heureuses dans un aquarium de luxe ? Est-ce une bonne idée de porter un costume de Mario à un rencard ? Comment un insecte écrasé au milieu d'un livre peut faire voyager dans le temps ? Peut-on écrire quelque chose d'origi...