La métamorphose

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L'odeur sécrétée par sa transformation ne dérangeait plus Nirman. Il s'était fait aux manifestations de ce qui allait être sa nouvelle chair. La métamorphose avait débuté il y a deux jours et se développait rapidement. Son épiderme noircissait et se solidifiait. Il sentait sa peau devenir aussi forte qu'une armure. Des poches de la couleur du charbon avaient gonflé de chaque côté de ses cuisses. Elles contenaient un mélange visqueux de gaz et de liquide. Il lui suffisait de les percer pour faire gicler cette mixture létale qui faisait fuir le moindre rat qui s'introduisait dans sa cellule.

Isolé dans les fins fonds nauséabonds d'une prison de Calcutta, Nirman avait attendu ce moment patiemment, dans la poussière, la crasse, l'obscurité et la violence de son quotidien. Il allait finalement pouvoir s'évader de cet enfer. Il s'était concocté une recette occulte basée sur un vieux rite védique. Après s'être introduit un mélange d'ammoniac et de nitrate obtenu à partir de déjections humaines dans un orifice artificiel, il avait invoqué Yama, le dieu de la mort, pour lui accorder certains de ses pouvoirs. La transformation n'avait pas tardé à débuter. Ses jambes avaient désormais la couleur et la force des statues ancestrales en bronze qui ornaient les palais.

Cette pourriture que produisait son corps était le premier signe du pouvoir de destruction qui allait bientôt être le sien. D'ici quelques heures, aucun barreau ni aucun garde ne pourraient calmer sa colère. Il serait libre et plus puissant que n'importe quel mortel.

Un gardien le retrouva mort quelques heures plus tard. Il était rongé par une gangrène gazeuse qui avait nécrosé ses membres inférieurs jusqu'à provoquer des cloques bouillonnantes et empoisonner le reste de son organisme. Nirman s'était rendu compte un peu tard et à ses dépens qu'il n'est de métamorphose que la mort.

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