10. Bleutée

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Je finis par m'endormir et quand je me réveille, au milieu de la nuit, il fait froid. Un plateau est disposé avec ce qui semble être des pâtes avec une sauce orange étrange, au bout du lit sur lequel je suis allongée et je regarde autour de moi.
Je n'aurais rien entendu ?
Est-ce que c'est Marisa ou est-ce lui?

Je caresse la place tiède à côté de moi en cherchant une peau lisse.
J'appelle Abby, mais en vain.
Merde.

J'espère qu'elle ne s'est pas enfuie quand la personne du plateau est entrée.

Elle fait ça des fois. Heureusement, dans mon appartement à New York, elle devait traverser le couloir, l'ascenseur et le hall avant d'arriver dehors. Ici, c'est directement un terrain de jeu gigantesque.

En sortant dans le couloir, après avoir enfilé un gilet en laine beige, je tourne ma tête à droite et à gauche.

Aucune trace d'un poulet nu en surpoids.

Olala si Abby était dans ma tête pour entendre ça, elle me grifferait si fort que je tremblerais de douleur.

Je me dirige vers les escaliers et m'arrête avant de descendre. Je n'entends rien. La maison est dans un calme olympien, et arrivée devant la porte d'entrée, je m'arrête une nouvelle fois pour écouter si j'entends son miaulement. Elle pourrait s'être coincée quelque part.

Soudain, une voix empreinte d'agressivité remplace le silence et je la suis jusqu'à la salle à manger d'où je suis partie la veille. Je m'arrête devant la porte entrouverte et appuie mon oreille contre elle.

— Non Julian, enfin, je ne savais pas ! J'essaye de te joindre depuis samedi !
Silence
— Tu ne veux pas savoir crois-moi.
— Je sais.
— Écoute, elle s'en remettra, finis ce que tu as à faire pour Rohan, il faut juste faire attention Cassio la cherche.
Je bloque ma respiration quand il nomme mon frère.
— Ouais ça, c'est autre chose.
— Ecoute, je n'ai pas pu le voir parce que j'étais en train de baiser à l'hôtel !
— Non, non.
— Elle n'est pas au courant.

Je m'approche encore plus, le cœur tambourinant dans ma poitrine, comme si quelque chose allait me tomber dessus. Je ne comprends pas pourquoi il mentionne mon frère et non mon père. Il devrait parler de lui. Pourquoi est-ce qu'il ne parle pas de lui?

— Oui.. Je... écoute, cette nana est.. Insupportable mais elle a l'air d'être proche de son paternel, si elle apprend sa mort, ça va la...

Je place ma main devant ma bouche pour m'empêcher de crier sur le coup, je reste figée alors que ses mots s'imprègnent en moi. Sa mort.

Co...
Comment ?
Soudain, tout devient logique. Les hommes qui s'en prennent à moi, son téléphone qui ne sonne même pas.
Père est mort.
PERE EST MORT !

Le chagrin me submerge comme un raz-de-marée et mes yeux se remplissent instantanément de larmes, mes jambes deviennent trop tremblantes pour que je puisse rester debout, et ma gorge se serre si fort qu'elle ne pourrait plus laisser passer un petit pois.

Père est mort.
Victor De Luca n'est plus.

Je comprends enfin. Motesine. Il veut m'épouser. Il veut prendre la place de mon père, il veut... Non. Non. NON.

Quand je sors de mon brouillard de colère, je suis en train d'avancer vers mon lit et de me baisser pour récupérer mon sac sous le lit.
Mes mains tremblent, mes jambes flageolent, la sueur envahit le creux de mes omoplates et mes mains moites.

Père est mort.

Je ne peux pas, je ne...
Qu'est-ce que je vais faire sans lui?

C'était la seule personne qui m'aimait, qui me maintenait en vie, un homme que j'admirais. Je n'ai même pas pu lui dire au revoir, lui dire à quel point il comptait pour moi.
Ma vison est saccagée, mon rythme respiratoire effréné, comme si je faisais une crise d'asthme, mais je l'ignore, je continue à récupérer toutes mes affaires.

Le MotesineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant