Le Motesine

20 - Agora

Il est vingt et une heure quand j'entre dans la salle à manger. J'ai passé la journée seule, Cassio et Matteo sont partis faire une course en ville toute la journée et m'ont laissé dépérir dans cette affreuse maison qui renferme un trop gros nombre de souvenirs. Concernant Tonío, il avait disparu au petit matin.

— Gabrielle, entre, je t'en prie.

Mes sourcils se froncent en constant leur accoutrement. Mon frère est en chemise blanche et Matteo dans un costume trois pièces bleu canari. Les boucles de Cassian sont amenées en arrière avec du gel et ils sentent le gel douche et le parfum hors de prix.
— Euh.. J'ai manqué un truc pour ce soir ouuu?
Je baisse la tête sur mon pyjama avec des hamburgers dessus, il y a quelque chose qui cloche là.

— Nous organisons une soirée de dernière minute, va te préparer, nous partons.
— Quoi ? m'offusqué-je en les fusillant du regard. Je connais mon frère que depuis deux jours et je sais déjà qu'il prévoit quelque chose qui ne va pas m'enchanter.

— Je t'avais dit que l'idée ne la ravirait pas, balance Matteo.
Sans blague.

— Non, c'est clair, en quel honneur ?

— Bon, je vais voir si la voiture est prête ! L'ami de mon frère disparaît derrière la porte et je lui tire la langue. Bien consciente d'agir comme une enfant.

— Tu veux t'asseoir ? Commence Cassio.
Ça s'annonce pire que tout ce que j'imagine si même lui prend des pincettes.

— Je suis très bien ici, merci.
Je sers mes bras autour de ma poitrine en attendant la sentence.
— Tes prétendants vont venir.
— Quoi ?? Je m'étrangle. Je n'ai pas vraiment entendu ce que je viens d'entendre là ? J'ai pris un coup sur la tête à notre partie de chasse d'hier ?

Il part se resservir du whisky à la table d'appoint au loin et je fixe son dos,
— Tu sais que tu dois en épouser un, et Nikolas a hâte de te voir.

Je dois être devenue toute blanche vu comment je viens de me pétrifier. Il continue à vouloir que j'épouse Nikolas.
J'ai l'impression d'être le petit lapin d'hier et que le piège se renferme autour de moi.
— Tu savais déjà pour cette soirée, c'est ça ?
— Et bien non ma sœur, j'ai pris ma décision il y a quelques minutes et j'ai fait passer l'info, c'est encore plus distrayant, ceux qui veulent vraiment t'épouser feront en sorte d'être là, crois-moi.
Je sens ma gorge se serrer, je suis incapable de ravaler mon angoisse.
— On a fait déposer deux robes dans ta chambre.

Ma chambre.
J'imagine que Tonío n'était pas dedans à ce moment là, sinon il se ferait déjà cuire à la broche en ce moment même.

Je n'arrive toujours pas à réaliser.
Je vais rencontrer mes prétendants.
Quel mot horripilant. Je ne veux pas de prétendant que je rencontre à une soirée dans un club, encore moins d'un homme qui veut m'épouser sans même me connaître juste pour régner sur un cartel.
Où est la fille qui était prête à ça à une époque ?? J'en suis totalement incapable, j'ai oublié mon devoir, ma place de femme comme m'a si bien rappelé mon frère hier.

Cassio m'a dit qu'il n'y aurait que la crème de la crème en matière de futur mari. Utiliser ces adjectifs pour parler de membres de la royauté passe encore, mais pour décrire des tueurs et passeurs de drogues...
L'idée de créer une soirée de dernière minute permet de voir qui est vraiment motivé, même quand l'homme est à l'autre bout du monde, il est censé se débrouiller et avoir assez de ressources pour être là à l'heure.
On attend au moins deux candidats. Je me demande si Tonío est au courant, j'imagine qu'il a reçu, lui ou Mr Spring une invitation.