12 - La cuisinière

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Je suis réveillée par un vrombissement qui hurle dans mes oreilles, j'ouvre les yeux et essaie de me mettre sur mes jambes pour aller voir d'où vient ce bruit. J'ai juste le temps d'apercevoir un blouson en cuir noir qui s'éloigne sur une moto.

Tonío a une moto?

Je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, il faut que je pense à demander une horloge, ou au moins un réveil. Le soleil semble être haut dans le ciel, ce qui signifie qu'il est plus de dix heures. Je n'ai jamais autant dormi de ma vie, mais j'imagine que c'est dû à mon état suite aux derniers événements. C'est le cœur gorgé de chagrin que je me traîne jusqu'à ma commode où est déjà posé un plateau avec un petit-déjeuner. Je regarde la porte -qui est fermée- avec suspicion. Décidément, mon sommeil n'est pas comme d'habitude, je n'ai même pas entendu Marisa entrer. J'attrape une tartine beurrée avec de la confiture de mûres et en prends une bouchée. Hmmm. C'est délicieux.
Je ne sais pas encore si mon estomac est prêt à avoir quelque chose de solide dedans, mais on va y aller petit à petit. Je viens m'asseoir sur mon lit en mangeant d'une main et de l'autre caresser le ventre tendu de Abby qui se met sur le dos pour que je la gratte plus fort.

Après avoir avalé le thé à la camomille que Marysa a dû me servir, et une unique tartine, je décide d'aller dans le jardin.

Des fleurs.

J'ai besoin de ramasser des fleurs.

Parce qu'il les aurait aimés.

Je suis surprise quand j'actionne la poignée de la porte d'entrée et qu'elle s'actionne, peut-être que je m'attendais à ce que l'espoir d'avoir un peu plus de liberté pendant ma captivité soit une vaste blague de la part de Tonío. Ce serait plus simple de le détester. La porte est ouverte et quand je regarde derrière moi l'escalier, personne ne semble prêt à me sauter dessus pour vouloir m'échapper.
Il n'a pas tué le mari de Marisa sans raison.
Il ne veut pas me forcer à l'épouser.
Il me laisse aller dans le jardin et dans la bibliothèque.
Il n'a pas l'air d'être le monstre que j'ai dépeins, et cette idée m'énerve.

Je mets un pied dehors, et toujours rien. Pas un bruit. Le manoir a l'air vide comme l'air.

Je marche à pas de chat, essayant de ne pas attirer l'attention de qui que ce soit, en face, il y a la forêt qui s'étend à perte de vue, le chemin de gravier part sur la gauche et disparaît derrière un portail bleu en métal macif avec un M forgé au-dessus, puis sur la droite, il y a une grande plaine qui monte si haut que le soleil disparaît derrière elle.

Je m'y aventure, montant jusqu'a ce que mes genoux me fassent mal et que ma respiration devienne plus rapide, je prends assez de hauteur pour voir le manoir de haut. Il est encore plus imposant que ce que j'imaginais, des grandes pierres grises comme mur, un toit en tuiles noir avec des sortes de donjons à certains endroits, le lierre a commencé a dévorer certaines façades, ce qui donne un charme légèrement abandonné, je crois que j'aime ce style gothique. Ce qui me frappe, c'est le non-entretien de toute la végétation autour, les sapins du côté opposé à la porte d'entrée sont presque brun, comme s'ils avaient trop pris le soleil. Les arbustes poussent avec une liberté débordante, ce qui me fait penser à un fouilli désordonné.

Ce manoir n'a pas eu de visiteurs depuis longtemps.

Très longtemps.
Que représente cet endroit pour Motesine ? Est-il à lui?

Je reporte mon attention aux fleurs à mes pieds, il y a des boutons-d'or, des marguerites et des pissenlits, j'en prends plusieurs de chaque et commence à façonner une couronne de fleurs. C'était quelque chose que j'aimais faire petite, mon père avait l'habitude que je lui en offre une, puis j'ai grandi et j'ai arrêté. Avec du recul, j'aurais dû continuer. Putain, j'aurais dû continuer chaque attention qui était devenue "une habitude". Parce que maintenant qu'il n'est plus là, ses habitudes sont la chose la plus précieuse qu'il me reste.

Le MotesineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant