Chapitre 20 : Olivier

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Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout.

Guy de Maupassant

Rien ne s'était déroulé comme prévu, tout s'était effondré dès le moment où la jeune femme avait franchie la porte et que Noé c'était évanoui dans les rues de Paris avec elle. La porte à peine refermée Roland était tombé par terre comme terrassé par une obscure maladie, il s'était élancé à ses côtés le plus rapidement possible qu'il avait pu mais ça n'avait rien donné. Son ami s'était effondré de nouveau dans un endroit dont lui seul avait la clef pour s'extraire.

Dieu, il était prêt à tout pour l'aider à retrouver ses esprits, mais il n'était que là, inutile, coincé dans une pièce trop vide sans la présence solaire de Roland. Il croyait presque entendre les murmures de reproches venant des autres chasseurs, voyait Astolphe le regarder avec mépris, sentait l'odeur aigre de la honte l'atteindre partout et l'enserrer autour de sa gorge de telle manière qu'il ne pouvait plus distinguer le monde qu'il avait pris l'habitude d'aimer, de celui qu'il s'était forgé.

Quand il était petit, Olivier avait pris l'habitude d'envisager chaque possibilité à une situation, d'en décoder chaque moment pour après trouver au mieux une solution au problème qu'il affrontait. Il regardait les gens auxquels il tenait de façon presque mathématique. Mais parfois ses ambitions s'emmêlaient à tel point qu'il ne pouvait se résoudre à voir une bonne réponse à ses ennuis supposés.

Roland le sortait généralement de ses réflexions trop lourdes d'un simple sourire, d'un rire gêné pour l'informer qu'il allait être puni, d'une embrassade un peu trop longue, d'un regard toujours trop désireux. Et c'était ça qu'il le faisait sentir vivant, et lui permettait de sortir de sa spirale et de s'inscrire dans la réalité. Mais là, là, le monde s'écroulait : les yeux qu'il cherchait s'étaient cachés derrière des paupières opaques. Et le flux de pensées ininterrompus n'arrêtait pas de revenir le torturer.

Il allait se réfugier dans sa cellule lorsque l'un des délégués du premier paladin fit interruption devant lui. Il l'arrêta dans sa course, poussa négligemment ses cheveux et sa cape d'un mouvement gracieux en arrière avant de finalement s'adresser à lui : " Le premier paladin vous demande dans son bureau.". Le message aussi sec qu'il paraissait intriguait et inquiétait encore plus le jeune homme.

La prononciation, le ton de la voix, et le style de la phrase indiquait sans doute que quelque chose de terrible allait se passer dans ce bureau. Mais pour l'instant, le pire pour le chasseur restait sans doute de devoir se séparer de son ami blond, de quitter le chevet de l'homme qu'il aimait. Et pourtant il empruntait déjà le chemin conduisant aux appartements de Charles.

Toujours un chien à suivre les ordres de son maître sans jamais penser à ses actions avant. Ridicule.

﴾ ﴿

"- Ah vous êtes enfin arrivé ! Moi qui croyais vous avoir perdu dans ces longs couloirs. Peut-être faudrait-il penser à refonder ce vieil édifice, quand dites-vous ? J'en parlerai à votre responsable, il doit déjà se douter de quelque chose Antoine. Il a toujours été capable de grande chose, j'espère que vous suivrez ses pas. Mais je n'en doute pas, d'ailleurs prenez un siège, installez-vous." l'endroit en plus d'être non-spacieux était oppressant. Olivier avait l'impression de sentir les icônes qui peuplaient les murs, le juger silencieusement, leurs orbites vides se déplaçant pour le rencontrer.

Un portrait de Sébastian trônait dans un coin de la pièce. Le martyr percé de flèches, avait sa tête tournée vers l'arrière, ses cheveux volaient autour de lui presque comme en extase, et ses traits au lieu d'être couverts d'horreur et de souffrance semblaient profiter de l'instant, de la morsure des armes. Il ne l'avait jamais vu comme ça; mais le portrait était beau.

Les souvenirs d'un ArchivisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant