Chapitre intermédiaire (1) : Le Sénat

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La pièce circulaire était peu éclairée, au milieu de la pénombre on parvenait néanmoins à distinguer quelques silhouettes. Des murmures pressés et colériques se faisaient entendre de partout, la construction du lieu se servant d'habiles moyens pour faire résonner chacune des pensées de ses hôtes. Les plus puissants vampires étaient tous réunis ici, ceux qui avaient le pouvoir de changer le destin de leur monde.

Au centre du conseil se tenait un vampire aux cheveux rouges, son unique œil transpirait la suffisance, ses riches habits l'orgueil. Le sénateur* Rutheven venait de se lever, et réclamait la parole d'un simple geste de la main. Il paraissait être la nonchalance même, pourtant, sa posture décrivait une certaine agressivité.

À peine obtenue, il se redressa, et se posa en grand prédicateur. Un aura malfaisant survolait chaque personne de la pièce, quelque chose d'exécrable envahissait leur bouche : le goût de la défaite. Cependant, personne ne savait encore à quoi ce parfum était du. Et soudain, la voix du vampire Oriflamme remplit l'espace, et transperça le silence :

"- Nous avons été dans l'ombre pendant trop longtemps, nous vivons comme des parias, alors que nous sommes l'équivalent de leurs dieux ou prophètes. Notre destin si magnifique, ce cadeau de Babel est devenu une honte, une chaîne que nous devons traîner avec souffrance. Et comment en sommes nous arriver là ? Comment, je vous le demande mes amis ! Nous avons baissé notre garde, nous nous sommes enivrés dans des plaisirs faciles, des bals sans fin, et des merveilles factices, sans avoir fait attention à ce qu'il y avait à côté. la haine transperçait chacun de ses mots, ses yeux brillaient d'une lueur mauvaise. Il avait l'air d'un fou possédé par une quelconque parole divine.

- Et comment avons-nous pu exciter leur ressenti ? Nous nous sommes toujours montrés agréables avec eux, nous avons rattrapé les vampires qui dérogeaient à nos règles de conduites envers les humains. Alors comment aurions nous pu les amener à nous haïr ?

- Avez-vous lu leurs dernières œuvres littéraires, ou étiez vous trop occupé à écrire des poèmes de mauvais genre господине* Plogojowitz ? Les vampires sont devenus les fantasmes des Hommes, nous sommes devenus des séducteurs sans foi, des monstres avides de sang. Vous même connaissez une certaine célébrité : le premier cas de "véritable vampirisme" vous auriez tué pas moins de 9 personnes en lançant une malédiction sur la santé des jeunes enfants. Même moi, j'ai hérité d'une certaine célébrité : le héros d'un roman le Vampyre. J'y suis dépeint comme un être aux mœurs dépravées, qui ne désire que souiller la bonté du monde au lieu de le sauver. Et, la liste est encore longue de toutes ces œuvres parlant de nous ! Dans combien de temps pensez-vous leur haine dépassera les simples écrits ?

- Mais il n'y a rien de dangereux pour le moment, l'Eglise se fait la seule barrière à nos idées, et nous aide même parfois !

- Et les chasseurs qui nous tuent dans le monde humain ? Et cette histoire de Chronos ? tout le monde c'était arrêté dans la pièce, les regards suspendus au moindre des gestes de Rutheven.

- Chronos. hoqueta une petite voix dans le fond. Du haut de son trône, un petit garçon perdu regardait la scène se dérouler sans rien faire. Il avait trop peur d'agir...

- Chronos, reprit l'Oriflamme, est une menace. Non pas pour les Hommes, mais pour nous. Les humains ont monté un complot contre nous ! Ils ont fait croire qu'un monstre vampire sévissait dans leur monde, pour mieux nous exterminés. Nous ne pouvons pas nous laisser faire. J'ai envoyé des espions pour vérifier l'authenticité de ce "supposé vampire", et je n'ai rien trouvé prouvant son existence. On nous ment pour mieux nous éliminer. Même notre population commence à se méfier des siens ! Avez-vous vu l'article de la Gazette du vampire ? Nous devons agir les premiers. des mots se tenaient dans l'air, des phrases non prononcées, mais clairs pour chacun des sénateurs.

- Mais, Chronos est un maudit. Nous n'avons pas en nous en faire, il sera appréhender et juger pour ses crimes.

- N'avez vous rien compris Harppe*, ce Chronos n'existe pas. C'est une excuse pour nous persécuter. Nous devons nous battre, nous devons lancer l'attaque les premiers. Il en dépend de notre survie.

- Et comment voudriez vous lutter grand-père ? intervint une voix tendu sur la droite du Lord. Le jeune homme aux doux traits, et aux cheveux éclairés, semblait sérieusement intéressé par l'issu de ce plaidoyer.

- Antoine, je propose une guerre. Une guerre pour notre liberté et notre vie. Nous avons besoin de mesures exceptionnelles pour sauver le peuple de cette crise majeure. Ainsi, je demande la destitution de la reine Faustine elle n'a pas su sauvegarder la paix pour notre peuple; et à même inciter involontairement à sa destruction sous la forme de Naenia. la salle était horrifiée par ces accusations, mais personne ne pouvait contredire ce dont on l'accusait.

- Et comment le peuple saurait l'histoire de notre reine Faustine ? Comment serait-il au courant de ce que nous lui dissimulons ?

- Comment ? le vampire aux cheveux rouges s'autorisa un petit rire glaciale avant de reprendre la parole. Des bruits courent, ne me dites pas que vous ne les avez pas entendu. Les plus grandes familles de nobles le savent déjà, combien de temps avant que leurs domestiques ne le devinent ?

- Nous n'avons pas à craindre d'une quelconque émeute chez les vampires !

- Pas à craindre une émeute ? Je crains une révolution, ou un coup d'état Lord Lestat*. ajouta Lord Rutheven en coupant la parole de l'autre sénateur. L'Europe humaine vit depuis plusieurs années dans une instabilité politique*, qui à peu à peu conquise le monde. Alors je vous le demande, pourquoi y échapperons nous ? De nombreux nobles voyagent dans plusieurs pays, rapportant de nouvelles idées dans leurs périples, nous serons bientôt au pied du mur, contraints par le changement. Nous devons réagir, et vite ! Nous devons établir un nouveau héritier pour le trône.

- Et qui ?

- Mon neveu, Luca est en âge de prétendre au trône. Son frère Loki étant lui-même maudit à une époque, il ne pourrait qu'augmenter la peur, le ressentiment, même la défiance de ses sujets. Nous devons voir plus loin, et donner la sécurité aux vampires, nous devons leur promettre un avenir. Je demande au vote de commencer."

Le silence se fit, et le vote se mit en marche. La salle paraissait encore plus sombre qu'auparavant. Comme si l'horreur de la situation avait rattrapé tout ces nantis, et avait avalé le peu de lumière restant. D'ailleurs, l'aura ne survolait désormais plus le lieu, mais c'était bien déposé dans l'urne aux scrutins.

Une minorité avait compris les machinations de Rutheven, son désir d'accéder au pouvoir par l'appui de son neveu. Mais, même ce petit groupe se rendait bien compte de la nécessité d'avoir un vrai monarque, surtout quand le moment était si dramatique. Les maudits avaient été une crise importante, mais qui avait pris une fin. L'arrivé de Chronos, et la découverte du mensonge des humains était pire que les précédentes actions des vampires contaminés. Si auparavant c'était eux les monstres, désormais c'était les hommes avec leurs mensonges.

Le verdict tomba quelques instants plus tard.

Il est étonnant de voir comment un simple mensonge peut transformer le monde. Que dire d'une vérité alors ?

Les souvenirs d'un ArchivisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant