Les souvenirs d'un Archiviste

Chapitre 26 : Vanitas

"Dieu est mort."

Nietzsche

Vanitas avait peur, et il était en colère, ce qui, soyons honnête dans son assez courte existence, n'était pas un mélange d'émotions inconnues. Il avait flirté plus de fois qu'il n'aurait dû avec l'effroi; sauf que cette fois-ci il était amoureux de Noé. Et donc l'objet de terreur devenait nouveau, il était autre, il était plus dangereux et inquiétant. C'était beaucoup plus difficile maintenant de combattre parce qu'il y avait désormais la peur de perdre quelque chose, alors qu'avant il était le seul concerné le goût du danger et de la mort était même plutôt réconfortant et agréable.

Chronos était une ennemie plus dangereuse que tous les autres, car elle voulait une justice comparable à ses idées, et qu'elle en était même presque désireuse de mourir pour ça. De plus, elle était un être complètement déséquilibré avec un usage parfaitement contrôlé de ses pouvoirs. Elle avait largement eu le temps de les perfectionner, pour les rendre mortels auprès d'autrui et délicieux pour elle..

Noé par pitié, sombre idiot, tiens bon, j'arrive.

L'humain arrêta finalement sa course effrénée devant le bâtiment qui se trouvait en face de lui, c'était l'endroit que Dante avait repéré. L'église était impressionnante, les vitraux malgré la nuit montraient une explosion de couleurs sur les scènes de saints se sacrifiant. Le pourpre de leur sang illuminait bizarrement le lieu comme une sorte de voile démoniaque. Les gargouilles et les statues décrépites à l'extérieur du lieu, lui donnaient une impression de jugement, leurs yeux sans pupilles le parcourant continuellement dans l'attente. Des sourires sardoniques se pressaient autour de leurs bouches immobiles.

Vanitas savait qu'il inventait une grande partie de ce qu'il voyait, et que les ombres de la nuit s'amusaient à l'abuser. Mais il savait également qu'à l'intérieur de cette antre de Dieu, le diable s'y reposait et qu'il allait devoir l'affronter. Il entra dans l'église, les lourdes portes en chênes se refermant bruyamment derrière lui. Il était enfermé. Il s'était jeté dans la gueule du loup.

﴾ ﴿

Vanitas s'était attendu à beaucoup de choses en arrivant dans ce nouvel espace, du sang principalement sur un autel, mais certainement pas à trouver le cœur illuminé par plusieurs cierges et la figure de la jeune Archiviste dansant avec grâce au milieu de cette atmosphère étrange. La vampire ne semblait pas prêter la moindre attention à l'humain devant elle, elle continuait simplement à exécuter les pas qui suivaient la mélodie de son esprit. Elle valsait, seule, parmi les prières silencieuses de milliers de fidèles depuis des siècles. Et puis soudain, elle s'arrêta, ses yeux violets transperçant directement le regard haineux de Vanitas. Il s'approcha plus près d'elle, pendant qu'elle détournait la tête, amusée :

"- Ça t'arrive souvent de capturer des vampires et de provoquer des guerres civiles entre dimensions, ou c'est juste quelque chose de récent ?

- Seulement tous les 4 matins, il paraît que c'est bon pour la forme, et j'adore être présentable. Tu devrais essayer un jour, tu as une allure horrible mon cœur.

- Hahaha, très drôle maintenant sorcière. Où est Noé ?

- Doucement mon gentil, le joli Archiviste est ici, pas besoin de s'énerver. Tu peux le récupérer, nous avons eu notre petite discussion, mais je doute néanmoins qu'il veuille repartir avec toi.

- Ce qui garde ta conscience tranquille; maintenant sorcière amène le ici.

- Comme tu veux mon mignon ! Noé, mon chaton, vient avec nous. Il y a quelqu'un ici qui voudrait te parler." Chronos s'écarta pour laisser paraître la forme reconnaissable du vampire aux cheveux blancs, il serpentait silencieusement dans les ombres. Vanitas retint son souffle alors qu'il croisa de nouveau le regard de son amant. Il vit les yeux de l'autre briller puis la peur surpasser cette émotion, avant de se tourner vers une attitude différente : un masque d'ennui et de lassitude.