Chapitre 17 : Roland

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"L'amour est une lumière venue du ciel, une étincelle de feu immortel que les anges partagent."

Lord Byron

Le réveil avait été difficile malgré le silence qui résonnait dans l'espace. Et il détestait le manque de bruit dans une pièce. Il avait presque l'impression que c'était comme vivre étouffé. L'absence de mots étant vécu comme une seconde mort, parce qu'il savait que c'est ce qui l'attendait au final : le silence. Dieu, comme il avait détesté ces temps où il attendait dans l'égout et où il ne pouvait former mots. Même la prière n'avait pas réussi à l'aider.

Dieu, un bruit plus qu'un signe, je veux quelque chose pour contrer le silence.

Roland avait affronté la mort a du multiples reprises mais là il y a quelques temps, il l'avait réellement embrassée. Le spectre des ombres était venu pour le goûter. Le songe factice de ses souvenirs venait encore le hanter.

Fais les partir s'il-te-plaît. Je n'en peux plus.

La peur est une émotion difficile, assez abstraite et pourtant rien de tout cela ne nous est plus que familier. Roland l'avait côtoyé pendant tellement longtemps, l'avait étreinte et embrassée si souvent qu'il avait oublié qu'elle était tapie en lui. Elle n'attendait qu'une seule occasion pour ressortir et il semblerait que la capture de Chronos avait été le point décisif. 

Le pire sans doute de tout ça, était qu'il ne parvenait pas à se souvenir de ce qui l'effrayait : la morsure de Chronos avait altéré sa mémoire, ses souvenirs s'entrelaçaient et valsaient jusqu'à former une ronde bien trop vive et rapide. Et parfois surgissait brusquement, sans préavis et sans raison un fragment de douleur.

Le sang.

Un rire.

Un cri.

Des yeux violets, et des cheveux blancs.

L'horreur.

AIDE MOI !

﴾ ﴿

Lorsqu'ils étaient plus jeunes, c'était toujours Roland qui faisait le plus de bêtises et qui s'assurait de couvrir son acte en faisant punir Olivier. C'était le plus âgé des deux, et donc évidemment le plus facile à accuser.

En réalité, ils s'étaient connus un peu à cause du hasard, un peu à cause du destin. Ils avaient été élevés dans le même village, et presque dans la même maison, tant leurs familles étaient proches.  Ils étaient comme les deux parties d'un même cœur, alimentant la vie, et créant l'existence de l'être.

Personne ne pouvait imaginer les voir séparer, ils étaient unis. Ainsi, personne n'avait été surpris de les voir tout les deux s'engager dans les Ordres, la religion étant une de leur principale passion.

Roland s'était même épris à penser pendant un temps qu'Olivier et lui seraient plus que de simples amis, plus que les simples morceau d'un même cœur. Mais le regard que l'autre jeune homme lui avait adressé lors de son jour d'admission chez les chasseurs lui avait fait complètement changé d'opinion. Comme quoi, les contes de fées ne détenaient pas toujours la vérité, et même certaines prières ne pouvaient changer la réalité du monde.

﴾ ﴿

Son cri imaginaire c'était perdu dans les méandres de son esprit. Il avait heureusement pu reprendre conscience lorsqu'Olivier était rentré dans la pièce, et l'avait forcé à se réveiller. Il avait pu voir de nouveau le papier décrépit de l'endroit, et l'odeur humide et renfermée du lieu. Il se serait encore noyé dans ses pensées s'il n'avait pas eu le temps de capter les paroles de son ami.

« -... des inconscients !

- Olivier ! Je m'inquiétais de ne plus te revoir !

- Tu sais que le monde des vampires est au bord d'un révolution ? Les journaux humains sont sur le point d'en faire mention. Et s'ils le font dans quelques jours, ce sera la guerre.

- Ravi aussi de te voir. "Toi aussi tu m'as manqué Roland. Tu vas bien ?" les mimiques que faisaient le blessé étaient assez fantastiques à voir (surtout la moue dédaigneuse, signature normalement de son compagnon).

- Chronos est une plaie ! Pas seulement pour nous les humains, tes amis sont en danger !

- Depuis quand tu t'en soucies ?! le blond c'était rapidement relevé de son lit pour toiser du regard le plus grand.

- Ce n'est pas le bon moment pour en parler, tu es toujours malade !

- Je suis malade et en tort ? Alors que c'est toi qui a dénoncé Noé ! Qui l'a exposé aux pires évènements possibles ! 

- Je pensais agir pour ce qui est juste ! Et on n'a toujours aucune preuve contre lui ! Il y a même une témoin qu'il faudrait que tu rencontres qui semble bien le connaître !

- Juste ! Ce qui est "juste" ? Tu ne reconnaitrais même pas la justice alors que c'est ton devoir !" 

- Tu n'as pas réfléchi aux conséquences! Tu as agis encore sans réfléchir, et regarde toi, tu es blessé ! Encore un jour dehors ainsi, et l'infection te laissait pour mort !

- Pourquoi tu t'inquiètes autant ? Tu n'as pas besoin de le faire, c'est pas parce que nous sommes des connaissances, que tu peux te moquer ainsi de moi ! Quand j'étais dans les ombres, mon seul espoir c'était toi ! Je n'existais plus que dans l'espoir de voir ton sourire ! Et toi, toi tu me dédaignes. Comme si, comme si je n'étais rien. Et l'autre moitié du temps tu me critiques, tu m'insultes et me cries dessus ! J'aurai sans doute dû rester là-bas si c'était pour recevoir ce genre de réflexions."

Les larmes amers dévalaient les joues du jeune homme. La lumière brillante qui éclairait normalement ses yeux, c'était ternie. Elle était noyée sous l'abat des larmes, et de la tristesse de son cœur. Il ne détourna pas cependant le regard des yeux de l'autre.

"- Tu penses, que j'aurai pu vivre sans toi ? la voix du chasseur plus âgé c'était cassée sur les derniers mots.

- Mais c'est évident ! Tout le monde sait que tu ne m'apprécies pas, et que tu me laisses rester seulement par pitié, et parce que je suis un bon élément. Autrement, tu m'aurais abandonné il déjà de cela longtemps.

- Tu penses ça de moi ?

- Comment pourrais je croire le contraire ?

- Roland, comment en es-tu arrivé à penser cela ? Chaque jour que Dieu a fait je le passe à penser à toi ! Mon cœur cri quand tu n'es pas là, et ma tête tordue entre mille tourments ne trouve du repose qu'entre tes bras. J'ai peur chaque matin, peur de ne plus croiser tes yeux, peur que tu disparaisse, peur que tu ne sois plus là. J'étais aussi effrayé à l'idée que les autres auraient pu te haïr pour mes pensées. Et si tu savais combien de fois j'ai prié dans l'espoir fou de te voir. Mais à chaque fois que tu venais, avec le bonheur sur ton visage, je ne pouvais pas. Et si tout cela n'était qu'un rêve ? Et si mon amour pour toi n'était que pur invention de ma part ?» le regard de Roland s'élargit face à l'explosion de son ami. Et plus précisément face aux derniers mots employés par Olivier. 

Il désirait le rattraper et le serrer dans ses bras, mais l'autre avait déjà fui l'espace. De son passage, seuls ses mots étaient encore témoins, et dans le silence ambiant, ils commençaient déjà à disparaitre. Roland se rapprocha instinctivement du lit, une curieuse sensation d'étranglement dans sa mémoire.

Puis il entendit la voix d'Olivier résonner une dernière fois dans l'espace lorsque ce dernier lui prévint, qu'il l'attendrait dehors pour l'accompagner voir l'autre victime. Un sourire fleurit à la commissure de ses lèvres en comprenant que malgré tout, le jeune homme serait quand même présent pour lui.

﴾ ﴿

Le sourire de la jeune fille, et ses yeux remontèrent en lui toutes ses peurs les plus profondes. Il sentit une boule d'horreur écrasée le fond de sa gorge. La personne devant lui, qui disait connaître le vampire tueur, était Chronos. Il voulait se dépêcher d'avertir Olivier qui peinait à le regard depuis tout à l'heure, mais les seuls mots qui franchirent la porte de ses lèvres furent : "Vous êtes en sécurité mademoiselle, plus rien ne pourra vous arriver ici.".

Sa phrase à peine achevée, il eut le temps d'apercevoir le rictus amusé qui couvrait son visage, et l'expression cruelle de son regard.

Les souvenirs d'un ArchivisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant