Chapitre 5 : Noé

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"Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle."

Emile Zola

Le salon était plutôt agréable à cette période de l'année. Mikhaïl et Noé avaient décidé de se mettre en face à face pour faciliter la discussion qui les attendait. Et la charmante Amélia avait eue la gentillesse de leurs apporter une tasse de thé et des sucreries. Le service dépareillé contenant toutes ces douceurs semblaient légèrement jurer avec l'harmonie des couleurs de la pièce.

Mikhaïl grimaça en prenant son thé, il n'avait jamais trop apprécié cette habitude des anglais qui venaient envahir tranquillement les français. Il préférait de loin le café noir et sans sucre, c'était assez violent comme mélange pour le réveiller pour toute la journée. Et, le jeune homme trouvait que cela avait plus de goût que cette eau chaude parfumée. Il respira profondément avant de mettre un sourire factice sur son visage, et de remercier la vampire pour son amabilité.

Noé de son côté semblait être l'incarnation du bonheur tant ses yeux étaient illuminés par la présence des gâteaux. Le thé avait d'ores et déjà était rempli de trois carrés de sucre et de lait. L'eau chaude de Mikhaïl, était devenu l'antre de la joie pour le vampire. Un sourire béat éclairé son visage, ne laissant pourtant pas voir ses canines.

Le jeune homme aux yeux violets pouvait bien voir l'impatience qui agitait le jeune garçon en face de lui, mais il ne la comprenait pas. Il y avait évidemment quelque chose que Mikhaïl attendait de sa part. Cependant, qu'est-ce que c'était ? Il eut rapidement la réponse lorsque le jeune homme l'interrogea. 

"- Noé, tu as vu mes souvenirs, non ? Ne serait-il pas juste pour moi de connaître ton passé comme tu sais tout du mien ?" les mains du vampire se plissèrent face à la question, il n'avait pas voulu boire son sang, et pourtant il avait une dette envers lui.

- J'imagine que oui." annonça-t-il finalement.

Le regard du vampire était perdu dans un autre temps. Ses yeux nostalgiques exprimaient vivement le désir de revivre le passé. Il avait envie d'avouer tout ce qu'il avait sur le cœur, de ses nuits sans repos, à ses jours sans joies. Mais il avait quoi devant lui ? Un gamin ayant vu et fait déjà trop de choses à son âge, un enfant privé d'enfance. Il n'avait pas le droit de lui imposer ça. Alors Noé sourit lentement et raconta à coup de demis mensonges son passé nuageux, des orages sombres avaient parcouru sa jeunesse.

Mais pouvait-il se résoudre à inventer des mystères, lorsqu'on lui réclamait la vérité ? Certes non, d'autant que l'humain le devinerait de suite, il devait alors jouer avec les mots. Ce n'était pas vraiment difficile, son maître lui avait appris, il lui avait appris comment un simple adjectif pouvait changer le sens d'une phrase et tourmenter quelqu'un pour le restant de ses jours. Il n'aimait pas cependant employer cet outil qu'il jugeait fourbe, mais cette fois-ci, il le devait.

« J'avais pour famille à mes 2 ans, seulement mes grands-parents. Ils étaient italiens tu sais ? » raconta-t-il avec un petit rire « Pas très instruits, mais ils étaient bons avec moi, ils faisaient semblant de lire le journal à voix haute en remplaçant les nouvelles par des contes du terroir. C'est de là-bas, sans doute, que j'ai hérité de ma dent sucrée, Nonna préparait toujours les meilleurs desserts, et aussi de mes meilleurs chansons italiennes. » si le vampire avait tendu un peu plus l'oreille, il aurait surprit Mikhaïl prononcer un « Pourtant tu chantes faux », mais il ne le fit pas, ou plutôt il s'abstint de faire tout commentaires.

« - Ils n'étaient sans doute même pas mes grands-parents, ils étaient humains, eux. Cependant, ils ont eue la bonté de m'élever malgré ma nature. Tu y crois toi à la bonté humaine ? Eux, ils n'existaient que pour la prouver, et pour l'enseigner. Ils étaient incroyables." la voix du vampire se fendilla lorsqu'il prononça sa dernière phrase.

- Et alors, que leurs est-il arrivé ?" le manque de tact du jeune homme fit sourire Noé.

- Ils sont morts, et je me suis retrouvé dans une sorte de voyage dans toutes les villes de l'Altus. Jusqu'à ce que le maître me trouve et me ramène dans son châteaux. C'est là où j'ai connu Domi.

- Une sorte de voyage ? Qui aurait pu t'emmener si tu n'avais plus de famille ?" la franchise du garçon avait de quoi être perturbante, peut-être ne voulait il pas perdre de temps à poser de futiles questions se disait Noé.

- Disons, que j'ai été blessé et que des gens m'ont récupéré, et m'ont fait visiter le monde des vampires comme cela leurs était bénéfique.

- Si tu le dis. Mikhaïl était loin d'être convaincu, mais il était près à laisser passer cette information.

- Dans la maison du maître, il y avait Louis. C'était mon premier ami, mon premier souvenir heureux, mon premier rire depuis mes grands-parents. Il était tout le temps malheureux, il avait un secret terrible qui le rongeait de l'intérieur, suçant son bonheur jusqu'à la moelle. Et c'était trop tard lorsque l'on s'en est rendu compte. Il y a eu un accident avec des maudits impliqués, et il est mort pour nous sauver, Domi et moi. Je ne sais pas ce qu'est l'amour, mais je crois que j'aurais pu l'apprendre avec lui. 

- L'amour ?" répéta Mikhaïl comme si le concept lui était étranger. J'aimerais bien l'apprendre aussi. La voix de Luna lui revenait à l'esprit "l'amour, c'est l'acceptation de l'autre comme une partie de soi."

Noé s'était rendu compte que l'avis que je le jeune garçon avait sur lui, avait changé. Son regard était plus amicale, et ses poings moins serrés. 

Mikhaïl ne voyait rien de mauvais dans le vampire en face de lui, et ça ne l'exaspérait plus tellement. Il y avait encore des mystères à résoudre, des secrets à révéler, mais il pouvait peut-être se reposer un peu ? Il semblait avoir souffrir, ses lèvres ne racontant que partiellement la vérité, mais ses yeux ne cachant pas la tristesse de ses souvenirs. 

Et ça le frappa soudain, il voulait aider le vampire, comme le vampire avait aidé son frère. Noé avait justement le plan parfait pour aider son jeune ami à se racheter, ou du moins à se sentir moins coupable. Le remord bordant le contour de ses yeux.

Le cuisiner avait demandé à Amélia de préparer une tournée de gâteaux pendant son absence (un mariage d'un magnat du charbon avec une jeune fille de la rue), la cérémonie devait être splendide, et on avait confié la charge du dessert à l'hôtel. Il était impératif que non seulement la commande soit bien réalisée, mais qu'elle soit un véritable délice.

﴾ ﴿

La cuisine de l'hôtel Chouchou n'avait jamais été aussi mouvementé. Aux côtés d'une Amélia catastrophée, aux vêtements tachés et à la chevelure rempli de farine, s'agitait un petit garçon aux cheveux blancs. Ses habits étaient également recouverts de pâte à gâteaux, et sa bouche recouverte de chocolat noir. Un rire s'échappait de ses lèvres face au carnage qu'il avait causé.

La jeune femme avait les yeux écarquillés face au carnage qui venait d'être réalisé. Elle les avait laissés seuls dans la cuisine pendant seulement 1 h 15, et la paisible organisation de la pièce (de ses pots étiquetés, à ses herbes correctement  suspendues) avait été complètement chamboulé.

Le vampire aux yeux violets était non seulement recouvert de farine des pieds à la tête, mais avait également le nez plongé dans un vieux livre de recette à la couverture rouge soyeuse. Il ne cessait de marmonner des "Je ne comprends pas, c'est le dosage écrit." et des "Oooh, mes mettre les œufs, signifie casser les œufs avant de les mettre ! Mais on les met dans quoi ?". Ses joues rougis par la concentration trahissaient son énervement (celui de ne pas réussir une simple recette de madeleines aux chocolats).

Murr regardait la scène d'en haut d'une des étagères du lieu, un air ennuyé sur le museau. Vanitas qui venait d'entrer dans la pièce avait également le même air, du moins, selon quelqu'un ne le connaissant pas, mais si on était dans son entourage proche, on se serait aperçu rapidement que ses yeux brillaient d'amusement, et étaient tournés vers les deux têtes aux cheveux blancs. 

Les deux nouveaux venus étaient hors d'atteintes de toutes nourritures ne voulant pas subir le même sort que les cuisiniers en herbes.

Et si le cœur de Vanitas battait plus vite qu'à l'accoutumé en rencontrait un regard violet, il n'y avait rien là d'extravagant, compte tenu du bazar qu'il avait fait, cela pouvait être de la colère après tout...

Les souvenirs d'un ArchivisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant