Chapitre 10 : Luca

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"Tous les hommes font la même erreur, de s'imaginer que bonheur veut dire que tous les voeux se réalisent."

Tolstoï

Ça n'avait jamais été facile de grandir dans ce milieu là. Vivre avec la famille royale, c'était accepté de recevoir n'importe quelle critique sans jamais répondre, et de toujours garder la tête haute même lorsque les larmes tombaient de son visage. Il avait appris avec le temps comment faire, comment sourire à la bonne occasion, comment rire avec le bon ton, et comment utiliser les mots adéquats. On le croyait si naïf qu'on se servait de sa personne comme d'une poupée. 

Pourtant, il voyait clair dans leur jeu, leurs sourires factices étaient un peu trop grands, leurs excuses envers sa grand-mère un peu trop ironiques pour être vraies, les félicitations pour son règne un peu trop vives, mais il fit ce qu'on lui avait appris, il était un membre de la famille royale, il sourit, et les remercia alors que les phrases prononcées lui écorchaient la bouche. 

Il était complètement seul, presque tout le monde qu'il aimait était parti, presque tout le monde l'avait abandonné. Seul son frère et Rutheven restaient près de lui. Nennia était dans un autre endroit (un lieu qu'il ne connaissait pas, et dont il ne possédait aucune information). Jeanne était ailleurs, en mission sans doute. Elle lui manquait.

Le bourreau lui avait appris bien des choses, elle avait été sa confidente en même temps que sa garde du corps. Elle l'avait aidé à sortir de sa solitude, et il l'avait admirée. Il n'avait pas vraiment peur de l'avouer : elle avait été sa seule joie pendant longtemps (depuis qu'on lui avait interdit de voir son frère en réalité). Et il n'avait souhaité que le meilleur pour elle, bonheur qu'elle ne trouverait certainement pas aux bras de ce Vanitas, mais peut-être auprès de ceux de quelqu'un capable d'aimer. Il se surprit à vouloir imaginer un monde meilleur, où tout le monde serait heureux, et libre.

Et puis, la réalité le frappa de nouveau.

L'annonce de la destitution au trône de Faustine, et son couronnement prochain l'avait durement frappé. Il avait beau être dans la pièce lors de la précédente réunion, et du vote, jamais il n'aurait pensé que son oncle voulait terminer le règne de sa grand-mère, et commencer le sien. Planifier une guerre était la pire des choses à faire en ce moment, et il le savait bien. La guerre promettait de réaliser plus d'instabilité au sein de l'Altus. Si les livres d'histoires racontent souvent que l'effort patriotique est le moyen de rassembler un peuple composé de diverses tribus, le jeune Luca savait que ce ne serait pas le cas pour les vampires. Ils étaient bien trop diminués, et trop accoutumés aux plaisirs pour ne pas haïr celui qui les condamnait.

Et puis, une guerre contre les humains à cette époque ne serait sans doute pas du meilleur éclat. La paix venait juste d'être promulguée, et les Hommes avaient promis d'édifier un monument à leur intention lors de l'exposition universelle* pour célébrer la paix, et prévenir le monde de leur existence. Mais tout était entrain de s'effondrer, à cause  d'un moment de lâcheté.

S'il avait compris plutôt, il aurait peut-être agis. Non, tu avais trop peur pour le faire. Un sentiment de culpabilité l'étouffait complètement, il avait l'impression de sentir des mains serrer autour de sa gorge. Il aurait pu changer le destin, et il ne l'avait pas fait. Il était resté sur son trône à regarder la scène se dérouler sans rien faire. Il prit sa tête entre ses mains tentant vaguement de trouver une quelconque possibilité pour son avenir, mais rien n'apparaissait c'était le noir complet.

Et juste comme ça, Luca comprit qu'il était entrain de rêver.

﴾ ﴿

Des musiques de différents lieux résonnaient de tout parts, c'était assez effrayant car il semblait ne pas y avoir de réel début à leurs échos. Et, il était de nouveau tout seul sur cette route pavée, il ne parvenait pas à reconnaitre le lieu où il se trouvait. Le monde était encore sombre, mais il réussit à distinguer un lampadaire au milieu de cette obscurité profonde. Se rapprochant de la source, il parvient à les voir.

Les souvenirs d'un ArchivisteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant