Chapitre 8 : Elle court, elle court, la belette d'Ewilem !

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Sous un ciel nuageux d'hiver, tandis qu'Ewilem s'endormait paisiblement et que ses lumières s'évanouissaient dans une douce obscurité, ses souterrains au contraire s'éveillaient brusquement dans un joyeux tintamarre.

La lune étincelait au-dessus de la ville, il était l'heure pour le Pavillon de sauter du lit et d'accueillir à bras ouverts ceux qui dormaient le jour. Ses nombreuses portes cachées s'ouvrirent ; les clients nocturnes jaillirent des ténèbres ; les verres de sève s'alignèrent sur le bar ; les tambours vibrèrent en chœur sur la scène. Les habitués se réunirent : des curieux, des fêtards, des crapules, des notables... Tous dans leur plus belle tenue de soirée buvaient de tout leur saoul, pariaient aux jeux de plateau, dansaient au rythme des percussions.

Au dehors, l'on parlait de guerre et de parcage des non-purs dans des prisons à ciel ouvert, mais dans le Pavillon, tout n'était plus qu'illusion. Dans le Pavillon, plus rien n'avait d'importance, le monde pourrait bien sombrer qu'ils continueraient de boire à la santé de leurs paradis artificiels.

Pour Oliver, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

« BAM ! TRIPLE SIX ! J'VOUS DÉMONTE TOUS ! HAHAHA !

- Mais ferme ta grande bouche Oli ! Tu veux pas aller réveiller tout l'Amarok pendant que t'y es ? »

Mais Oliver ne se renfrogna pas pour autant. Avec sa petite mine satisfaite, il se vautra sur la table et empocha toute la mise, ses dés triomphants dans le creux de sa main. Les autres joueurs se renfoncèrent dans leur chaise, au mieux juste contrariés, au pire carrément furieux, en fusillant du regard ce petit rouquin se jouer d'eux et faire le petit coq de basse-cour.

« Hahaha ! Se gaussait-il en passant une main arrogante dans ses cheveux. Si vous voyiez vos gueules. Ça va les gars ! La vie est belle ! Allez danser un coup ! »

Puis il s'éclipsa de la table des joueurs en comptant son butin, disparaissant dans la foule en fête.

« J'te jure que lui, s'il était pas dans les petits papiers du chef du clan de l'hermine, j'lui referais le portrait. »

Beaucoup juraient ce genre de choses, après s'être pris le bec avec Oliver la belette, mais ne passaient jamais à l'acte. Ils avaient raison : la belette était trop bien entourée, avait trop de connaissances dans les bas-fonds de la ville pour qu'on vienne lui reprocher tous ses méfaits. Il était jeune, à peine vingt-et-un hivers, et se comportait comme tel, tout en entretenant une chance phénoménale, bien suffisante pour jouir d'une vie de cocagne et de beuverie.

Oliver était de ces jeunes de rue qui passaient entre les gouttes parce qu'ils étaient des roublards. Il était petit et musclé, souple grâce à sa deuxième forme, souriant, pétillant même. Il aimait son corps, son corps de garçon impulsif et séducteur qui fricotait avec de jeunes hommes. Il avait gardé la marque qui le rattachait encore à sa famille : des cheveux roux et flamboyants, des yeux marrons comme l'écorce, et un visage constellé de taches de rousseur. Il portait toujours une grande attention à ses vêtements, à l'association de couleurs sur sa tenue. Ce soir, il avait une belle chemise bleue ciel, certainement pas adaptée à la saison et un peu trop grande, un pantalon teinté de rouge, et une paire de chaussures qu'il ne quittait en aucun cas.

Personne ne s'était jamais demandé pourquoi il portait toujours ces chaussures.

« Hey Akis ! Tu me sers un verre ? »

Il s'empara de la chope et la porta à ses lèvres en s'appuyant sur le comptoir du bar. Il croisa le regard d'un jeune homme au centre de la piste de danse. Ils s'observèrent longtemps, un sourire au coin des lèvres, le cœur palpitant d'excitation. Après un dernier regard suggestif, Oliver se détourna enfin et en revint à sa chope, se promettant intérieurement qu'il irait danser avec ce garçon une fois sa boisson finie.

Legend of Shapeshifters (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant