Chapitre 27 : La bataille d'Ewilem

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C'était une véritable symphonie de carillons qui retentissait dans la nuit. Sitôt que les cloches du Minotaure s'étaient mises à chanter, celles du Skvader avaient répondu, renchéries encore par celles d'Arion. Tous les habitants s'étaient cloîtrés chez eux, la garde prenait les armes. La bataille d'Ewilem venait de commencer.

Des bateaux, à l'Ouest de la ville, avaient jailli les troupes lourdes guidées par l'égérie. Profitant du peu de gardes stationnés près de la mer protectrice, les escouades étaient à présent profondément enfoncées dans le quartier suivant : le Minotaure. La masse armée et organisée avançait dans la rue, soutenue par les escouades légères sur les toits. Les patrouilles déferlaient de tous côtés, alimentées par les diverses casernes de la ville. Mais alors que les forces puristes pensaient que le gros des troupes ennemies marchait vers le ghetto, de nouveaux groupes rebelles perçaient au Nord, en direction d'Arion.

Au devant de la première escouade lourde, Aaron dégaina son épée. Marchant sur l'avenue de l'Amarok, ils brandissaient boucliers et béliers pour percer les lignes. Les flèches tombaient, les fracas retentissaient de toutes parts. Un feu de détermination brûlait dans les cœurs, plus rien n'arrêtait cette marche mortelle dans ces boulevards d'habitude si paisibles. Les cris de souffrance, de colère et de terreur fusaient.

Au bout de la place du marché, l'arme d'Aaron était déjà souillée par le sang.

***

« Aux armes ! Tous en rangs, ils remontent vers Arion ! »

Les cris de Jakob couvraient le brouhaha des armes entrechoquées et des pas précipités. Dans la caserne principale au Nord, les troupes étaient en ébullition. Alastor s'était blotti dans un coin de l'armurerie dans le souci de ne gêner aucun soldat. Il faisait mine de tenir la situation en main, mais au fond de lui, il était effaré : il ne comprenait tout simplement pas comment l'armée ennemie avait pu pénétrer dans la ville sans passer par les murailles.

« Les gardes de l'Ouest nous informent qu'ils viennent du port. Ils s'avancent vers l'Est comme dans du beurre, indiqua un capitaine-cerf en entrant à la hâte.

- C'est impossible, balbutia Alastor. Armés comme ils sont, ils n'auraient pas pu rejoindre les pontons à la nage sans couler au fond de l'océan !

- C'est là que l'histoire devient incompréhensible, rétorqua le capitaine. Les patrouilles parlent de machines noires qui auraient surgi de la mer...

- Alastor ! »

L'intéressé tressaillit. Jakob venait de se vêtir de son armure de poitrail et s'adressait à son beau-père.

« Restez caché dans la caserne, lui ordonna-t-il. Je n'ose imaginer ce qui se passerait s'ils mettaient la main sur un membre du Conseil.

- Ma vie importe peu. Veillez sur le quartier du Tarasque quoi qu'il en coûte. » Rétorqua Alastor dans un frémissement.

Jakob laissa transparaître dans une grimace son inquiétude pour la sécurité de sa femme et de ses enfants, mais se reprit bien vite. Il sortit avec ses troupes de la caserne, le poing levé et les pans de son uniforme flottant au vent.

***

Les cris de la bataille enflaient, emplissaient la ville comme une sinistre clameur. Sur les toits, les soldats rebelles redoublèrent d'ardeur. Guidée par son escouade, Lyanna tâchait de se ressaisir. Elle était hébétée, tétanisée par sa rencontre sanglante. C'était la guerre et pourtant, elle ne parvenait pas à justifier sa confrontation avec des civils. Elle se concentrait sur le plan, sur sa mission, ressassait les étapes pour ne pas perdre le fil. Elle ne pouvait pas se permettre de se laisser déconcentrer. Un seul faux pas pouvait lui coûter la vie. Mais en réalité, dans le chaos de la bataille, tout ne formait plus qu'un brouillard informe.

Legend of Shapeshifters (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant