Chapitre 18 : L'ultimatum

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« Laissez-nous sortir !

- Pitié !

- J'ai des enfants à nourrir !

- Abattez les murs ! »

Les flèches pleuvaient aux pieds des suppliants. Les Ragnokiens enhardis par la colère n'avaient d'autres choix que de ravaler leurs plaintes et de se carapater dans l'enceinte de la ville. Les soldats ewilemiens au sommet des murs avaient pour ordre de ne laisser personne s'approcher des palissades. Un élan, dans une tentative désespérée, avait essayé de fragiliser un pan de la muraille à grands coups de sabots, et il était reparti avec le crâne en sang.

« Ils ne protesteront pas longtemps, prévint Numa en circulant derrière ses archers. Tenez bon. »

Elle avait aperçu la milice de Ragnok passer entre les bâtisses, éclairée par ses flambeaux, mais elle savait pertinemment qu'avec son nombre restreint, elle ne représentait aucune menace.

« Nos changeurs se posent des questions, Générale, lui dit son sous-fifre Skott une fois descendue des remparts. J'ai peur qu'ils remettent en cause les opérations en entendant toutes ces plaintes.

- Le siège ne durera pas indéfiniment, répondit-elle avec patience. Cette manœuvre tiendra le temps que la Rébellion se disloque, et que les Ragnokiens se soumettent. Mais ces ours sont tellement orgueilleux qu'ils seraient capables de protéger leurs hybrides rien que par esprit de contradiction... »

Elle fit signe à son sous-fifre de la suivre. Ils traversèrent tous les deux le camp en surveillant le travail des soldats. Ils se dirigeaient vers les quartiers personnels de Rainyd, dans une tente à l'écart, protégée par la pinède.

« Pour cela, Rainyd a toute ma confiance, assura Numa, le regard éclatant. Nos soldats ont besoin de sa détermination et de son intelligence. Je ne doute pas un seul instant que le printemps verra la fin de la guerre. Personne ne résiste à sa volonté bien longtemps. »

Lorsqu'elle parlait de son chef, son corps semblait s'animer d'une force nouvelle. Numa vénérait Rainyd, car c'était lui qui l'avait repérée parmi les rangs de la milice, et qui l'avait personnellement aidée à monter en grade. Elle voyait en lui toute sa réussite, et tout l'avenir du continent.

« Vous verrez, ajouta-t-elle en arrivant à destination. Bientôt, nous serons de retour chez nous. Votre compagne a mis bas il y a quelques jours, si je me souviens bien ?

- Oui, sourit Skott. D'une petite f... »

Les chaussures des deux guerriers émirent soudain un bruit spongieux. Ils retinrent leur souffle. Une coulée de sang dévalait la pente, depuis les quartiers de Rainyd. Numa écarquilla lentement les yeux, puis bondit. Elle avala la distance qui les séparait de la tente. Son cœur affolé rata un battement : des corps ensanglantés en jonchaient l'entrée.

« RAINYD ! » Hurla-t-elle.

Son cri attira l'attention de ses soldats qui coururent à elle. Numa trébucha contre les corps, chassa les pans de la tente, et dans un frisson d'horreur, découvrit la scène macabre.

Rainyd était allongé sur le flanc, baignant dans son sang. Un tigre était étendu non loin de lui, inconscient lui aussi.

Numa tomba à genoux, cria à ses soldats de s'emparer des premiers bandages qu'ils trouveraient, ôta sa propre écharpe d'un coup sec et la pressa contre la gorge de Rainyd. Ses doigts plongeaient dans le sang chaud et gluant. Le cœur battant, elle palpa sa fourrure souillée, fit glisser ses mains dans les plis de son cou.

Elle retint un hoquet en sentant une pulsation presque imperceptible.

« Il est vivant. »

Sans même accorder un regard au tigre qui gisait non loin, elle se tourna vers ses gardes et s'écria :

Legend of Shapeshifters (T3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant