Le vent souffla fort ce matin. Le ciel s'était revêtu de son plus beau manteau gris et les nuages formaient de jolies arabesques. Je n'avais pas vu d'oiseaux sur mon trajet, chose plutôt rare à vrai dire. J'ai toujours eu pour habitude de regarder les corneilles planer durant mes trajets de train. Le moteur de la locomotive s'évanouit aussitôt arrivé à bon port. Quelques passagers s'extirpèrent de l'appareil et s'engagent sur les quais d'embarquement. Les bruits de pas sur le gravier étaient les seules choses qui m'accompagnaient sur ce trajet. Mes mouvements résonnaient sur ce quai de gare presque abandonné. La seule agitation qui animait le quai était le son provenant d'un téléphone. Une mélodie bien trop familière à mes oreilles retentit à travers mes écouteurs. Je me mis donc à fredonner les paroles si bas qu'on aurait cru entendre des chuchotements.
I wanna be your :
I wanna be your vacuum cleaner
Breathing in your dust
I wanna be your Ford Cortina
I will never rust
If you like your coffee hot
Let me be your coffee pot
You call the shots babe
I just wanna be yours
Je repris mon souffle après avoir sauté à mon tour du train en voyant la pancarte désignant ma destination : Charleston, ville de plus de 150 227 habitants n'a rien à envier à Columbia ou Miami. Malgré sa petite gare qui ne dessert que trois grandes villes : Savannah, New-York et Miami, Charleston n'en reste pas moins une magnifique ville commerçante. C'est l'une des raisons de ma présence, cela faisait plus d'un mois que je travaillais dans cette jolie cité. Cela me troublait toujours autant, moi qui venais du petit comté de Lancaster. Deux villes totalement opposées. L'une est clairement un tremplin professionnel de par sa diversité et sa richesse culturelle. Tandis que Lancaster restera toujours cette bourgade de 23 979 habitants, fondée par des colons écossais et des membres de la tribu des Iswa, où tout le monde se connaît, ou la vie est y était plus calme que la rivière Catawba.
Je déplaçais l'une de mes mèches rousses derrière l'une de mes oreilles avant de reprendre la route. J'avais tenté de coiffer mes cheveux en une tresse soigneusement ajustée malheureusement, les deux mèches qui encadrait mon visage avaient décidé de se mouvoir devant mes yeux, me coupant une partie de ma vue déjà réduite par l'absence de mes lunettes. J'avais choisi de ne pas les porter aujourd'hui, fatiguée du poids de ma monture. Mes yeux allaient encore souffrir aujourd'hui... Pas grave pensais-je. Je n'aurais qu'à mettre mes lunettes plus tard, avaler un cachet et éviter quelque temps les écrans. Je regardai rapidement l'heure à mon poignet et vit huit heures cinq. Vu l'heure, seul le propriétaire de la boutique, Riad, devrait être arrivé. Je pris donc tout mon temps pour dévaler l'avenue marchande avant d'arriver devant la devanture de l'échoppe.
Arrivée devant le studio photo, j'ai pris le temps d'admirer pour une énième fois la devanture de la boutique. La façade était d'un blanc immaculé, cette dernière était habillée par des moulures claires et une belle vitrine donnant vue sur le studio photo. La porte d'entrée arborait une cloche qui indiquait la présence d'un éventuel client. Après cette observation, je me décidai enfin à rentrer par l'arrière-boutique. Aussitôt arrivée dans le vestiaire, je me suis revêtu ma tenue de travail qui se composait d'un badge nominatif accroché à une maigre épingle à nourrice et rien d'autre. La musique que j'écoutais plus tôt sur le quai résonna maintenant dans la pièce de dix mètres carrés. J'arrête ma playlist Spotify et rangeais mes effets personnels hormis mon téléphone et fermai la porte de mon casier. Je m'empresserai d'attraper la fiche posée sur la table non loin, de signer la feuille de présence en y mettant mon nom et prénom, l'heure d'arrivée et de fluorer ces informations.
Prénom : April
Nom : Gilmore
Il ne manquait plus qu'une bonne tasse de café pour commencer cette belle matinée de travail et je serais prête à attaquer cette journée. Un faible cognement se fit entendre à la porte des vestiaires. Une jeune femme d'une vingtaine d'années rentra dans la pièce et se précipita vers le casier à côté du mien.
- Bonjour April ! Tu es là vraiment tôt ce matin ! s'exclama-t-elle en jetant un coup d'œil à sa montre.
Elle me lança un bref regard avant de sortir une petite clé de sa poche arrière et d'ouvrir son casier, y rangeant ses effets personnels.
- Salut Aria ! Avec les trains, je n'ai pas eu d'autres choix que de venir plus tôt. Vaut mieux-être à l'avance qu'en retard dis-je en riant face à sa mine dépitée.
J'ai pu voir de légères cernes arborer son visage, déjà structuré pas de bonne joues, deux longues mèches blonde encadrant ses dernières et faisant ressortir une mâchoire légèrement carrée.
Aria avait été embauchée en même temps que moi. Depuis lors, nous avions tout de suite accroché. La majorité des personnes travaillant dans la boutique sont des jeunes adultes d'une vingtaine d'années. Il y avait en tout quatre employés fixes au sein du magasin. Il était fréquent de voir des étudiants venir en renfort lors des périodes de vacance. Pour le moment, la seule étudiante qui était présente s'appelait Elisa. Lorsque nous avons eu fini de s'apprêter, nous rejoignîmes le point de vente. Monsieur Hassan avait d'hors et déjà ouvert les stores et la porte du studio photo. Il était là, près du comptoir en train de vérifier le carnet de tâches d'un air plus que concentré. Il releva la tête et nous adressa un sourire avant de nous adresser un mot.
- Bonjour les filles, comment allez-vous ? Une journée chargée nous attend aujourd'hui dit Monsieur Hassan avec un sourire qui se voulait rassurant.
Son sourire n'avait pas suffit à me rassurer, ça n'avait pas marché du tout. À la vue des dizaines de cartons posés sur le trottoir, j'ai vite compris qu'effectivement une commande attendait d'être déballée et qu'un bon nombre d'articles devait être remis en réserve. Aria s'était déjà attaqué à la tâche de manœuvrer la palette et de la faire rentrer par l'arrière-boutique. Pendant ce laps de temps, le gérant nous informa de l'effectif présent.
- Aujourd'hui, vous ne serez pas seules sur le point de vente. Ian, Charlie et Arthur seront là aujourd'hui.
J'avais déjà eu l'occasion de travailler avec Ian et Charlie. Je les avais rencontrés avant de commencer à "travailler", toute l'équipe s'était réunie comme la boutique à déménagé récemment dans ce local. Pour ce qui est d'Arthur, je ne l'avais pas encore rencontrée. Je ne l'ai jamais vu. Lorsque je suis arrivé, il était en vacances d'après les dires de Charlie. Je n'avais eu presque aucune information sur lui à part qu'il a un autre boulot. Toutes ces miettes me viennent de discussions autour d'un café donc quasiment que des bribes d'informations par-ci par là. En attendant l'arrivée de nos homologues masculins, Aria et moi nous sommes mises au boulot. Ma collègue finit d'arranger le stock tandis que j'accueillais les premiers clients. Mon rôle était de renseigner les clients, de répondre à leurs demandes et de les photographier dans l'espace réservé. Ce qui était pour moi, ma partie préférée. J'ai cette impression qu'il était possible de distinguer l'âme à travers l'objectif d'un appareil photo.
"Mais de quoi son âme est-elle faite ? Je ne sais pas à quoi il ressemble, mais si le visage est le miroir de l'âme, les yeux en sont les interprètes et j'en suis sûr, ses yeux reflétaient les plus belles merveilles du monde".
VOUS LISEZ
Ink and Paper
RomanceEt si l'amour ne se trouvait pas sur un trottoir mais sur un ticket de cinéma et derrière de multiples clichés provenant d'un photomaton ? Et bien, c'est comme ça que l'amour frappa à la porte d'April, une jeune fille travaillant chez un photographe...