"Elle l'aimait, mais ce n'était pas le coup de foudre. Un coup de foudre, ça éclate et ne dure qu'un instant. Elle l'aimait, et c'était une pluie. Une caresse de pluie. Constante. Irréversible. Elle l'aimait d'un amour qui n'aveugle pas. D'un amour qui rend la vue. Elle l'aimait d'un amour qui n'abime rien. D'un amour qui se construit. Elle aimait d'un amour qui s'imprègne, qui pénètre lentement, goutte par goutte jusqu'à faire germer des fleurs inconnues et oubliées. Des fleurs qu'elle ignorait avoir en elle. Des fleurs qu'elle pensait devoir cacher. Voilà. C'est comme ça qu'elle l'aimait. Et ça dure toujours. Ça grandit. Peu importe le temps qu'il fait, elle peut sentir cette pluie" Lucas Clavel.
Je venais de fermer mon livre, durement entamé dans le train et le rangea dans mon sac avant de sauter sur le quai. Aujourd'hui, mon euphorie à l'idée de travailler est quelque peu différente des jours précédents. J'ai cette envie, cette pointe de curiosité d'arriver au studio photo. Après le départ de Charlie, j'ai continué à mener mon enquête mais rien. Peut-être qu'après tout, Arthur n'était pas une personne fan des réseaux sociaux. J'avais rapidement éteint mon ordinateur et avait tenté tant bien que mal de me changer les idées. Après quelques minutes de marche, j'arriva dans le studio. Je fis ma petite routine matinale et alla checker la liste de chose à faire. Nettoyage de la salle de stockage, changement des batterie des appareils photos, vérification de l'agenda, etc. Je remarquai qu'a côté de chaque tache, un nom y figurait à gauche de l'activité. Je cherchai à l'aide de mon index la corvée m'étant attribuer et je vis que j'étais chargé de transférer les derniers rush photos et vidéo sur le cloud du studio.
J'alla dans la pièce ou l'ordinateur réserver au montage vidéo et au retouche photo se trouvait. Je m'assis sur la chaise quelque peu bancale et vérifia que les clés USB et autres disques dur soit sur la table. Ils y étaient tous, parfaits. Après une demi-heure à avoir uploader tous les derniers clichés captés la semaine dernière, je suis tombé sur un rush vidéo de trois minutes. Pas de nom de fichier, juste une date. J'ouvris le fichier vidéo dans mon logiciel et une musique retentit. Je pouvais y voir la vidéo d'une maman entrain de tendre les bras à son enfant, un petit garçon, il ne devait pas avoir plus de quelques mois tout au plus. La caméra utilisée devait surement être un vieux caméscope à en juger par la qualité d'image, de son et le balancement du cadre. Plusieurs séquence similaire ou l'on voit à nouveau cette femme, ce qui semble être son fils et à quelque reprise un homme se succèdent sous des airs de Billie Eilish.
Plus les photos avancent, plus l'enfant semble grandir pour laisser place à un jeune garçon d'une dizaine d'années. Quant à sa mère, des rides viennent sculpter son visage d'ange, ses longs cheveux châtain laissent maintenant place à un carré court, parsemé de mèches irrégulières. Puis... Les photos et les vidéos filmées dans un cadre joyeux disparaissent laissant place à des clichés, des prises de vues, tous pris dans la même pièce austère. Une chambre d'hôpital. Je ne pus cacher ma surprise, ma peine. Une larme s'échappa sans que je ne puisse l'empêcher, s'écraser sur le surface de la table. La femme, qui au début de la vidéo était rayonnante comme le soleil, ses cheveux capturant la moindre étincelles de lumière était maintenant invisible, cacher sous un turban grisâtre, comme sa peau laiteuse. La vidéo se finit sur un fond sombre avec écrit « What was i made for ».
What was i made for :
I used to float, now i just fall down
I used to know, but i'm not sure now
What i was made for
What was i made for ?
Je soupirai avant d'essuyer ma joue. Un soubresaut traversa mon corps encore secoué par la vidéo que je venais de voir. Elle devait surement être un projet vidéo pour l'un des membres de la famille, pour le fils, le compagnon, la mère ou les trois. La vidéo ne mentionnait pas l'état de santé de la femme. Impuissante, je ne pus que voir l'état de la mère de famille dégringoler en boucle. J'avais le morale à zéro, pas étonnant... Je sortis de la salle de montage lorsque ma respiration s'était apaisée, mon esprit libéré de cette brève mais forte mélancolie.
Je vis que la porte venant au photomaton résidait était entre ouverte. Un large sourire naquit sur mes lèvres, je courrai vers l'appareil et m'assis sur le siège. Je fermai les yeux, je passai ma main sur l'écran et pris un cliché. Le clic mécanique que j'aimais tant retentit. Je tendis mon bras pour attraper mon cliché. Il n'était pas seul pensais-je en sentant deux feuilles rectangulaires de papier argentique. Je n'ai pas pu attendre et pris les deux photos. Je posai le mien entre mes jambes pour ne pas le faire tomber, le temps que je lis ce que mon inconnu, Eros, avait bien pu m'écrire.
Chère inconnue, tu as aimé mes lettres et tu n'imagines pas à quel point ça me rend... Heureux. Cela fait quinze jours que l'on correspond par l'intermédiaire de mots laissés ici, dans ce photomaton défectueux et je voudrais continuer, encore. J'attends avec impatience tes lettres, moi aussi j'ai des questions auxquelles je veux des réponses. Je n'ai pas encore réussi à tirer les vers du nez à Charlie. Si je le soudoie avec un Ramen, il va peut-être accepter de cracher le morceau ? Bref. Aujourd'hui j'ai décidé que tu allais voyager, pas de panique... Tu ne vas pas aller bien loin. Il y a une fête foraine itinérante en ville et je me suis dit que tu aimerais sûrement y aller. Je t'y laisserais un mot. Rendez-vous sur la place Kingdover, à 13h demain mon inconnue. Signé Eros.
Un rire rempli de joie, de douceur et d'excitation emplit la cabine photo. Cette amitié, ces échanges de petit mot embaume un peu plus mon cœur à chaque mot de plus coucher sur la pellicule de ce photomaton. Je ne pris pas plus de temps pour attraper le marqueur caché comme à son habitude sous le cuir du tabouret et écrivit rapidement quelques mots. Trop de mots, trop de choses à raconter car j'avais ce sentiment que chaque échange était un partage de mon âme à la sienne. Après tout, peut être que le hasard, quelque soit le prénom qu'il porte n'existe pas. Possiblement que ça aussi, s'était écrit.
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Ink and Paper
RomanceEt si l'amour ne se trouvait pas sur un trottoir mais sur un ticket de cinéma et derrière de multiples clichés provenant d'un photomaton ? Et bien, c'est comme ça que l'amour frappa à la porte d'April, une jeune fille travaillant chez un photographe...