Flash-back
Cher Inconnu, j'ai trouvé ton message ou plutôt, on me l'a donné. Premièrement, j'aimerais bien récupérer ma photo si tu n'y vois pas d'inconvénient. Ensuite, qui es-tu ? Pourquoi ne pas avoir laissé ma photo à sa place ? Je parle trop ? Je parle trop. Excuse-moi ou pas, à toi de voir. Si tu souhaites me contacter, tu sais où écrire. Au Revoir peut-être, Eros. J'écrivais sur le ticket acheter la veille.
Le lendemain matin
Good to be :
Going top down in that old Mercedes
Music loud, go ahead and hate me
Spare the nickel, I'll just keep the dime
Find ways to cut the fat
Hot coffee and a Trident pack
Damn it, it's so good to be alive
Six heures trente, mon réveil se mit à sonner. Le son strident résonna dans ma chambre. Le massacre de mes oreilles ne dura pas longtemps, il ne se reproduira plus de sitôt vu la chute qu'il vient de faire. En souhaitant l'éteindre, mon bras l'envoya valser à l'autre bout de la pièce. Tant pis pour lui, il n'avait qu'à ne pas sonner aussi tôt ce matin. Je me lève difficilement de mon lit. Ma couette duveteuse, mes oreillers en coton et la chaleur de mon matelas me donnent envie d'y plonger et de ne plus en sortir, mais j'ai des obligations donc les retrouvailles se feront plus tard. J'allumai la radio, pas d'information ce matin, que des musiques. Cela me va. Je me fis ainsi un café sous les airs de good to be. Mon café bu, je filai m'habiller en quatrième vitesse avant de courir jusqu'à la gare pour prendre mon train. La ponctualité et moi, ça fait trois mille.
Eclipse du trajet
Le clapotis de la pluie sur le pavé m'annonça qu'il y aura sûrement peu de monde à la boutique. Je m'étais trompée, pensais-je lorsque je vis le petit groupe d'adolescents discutant avec Aria dans le studio photo. Certains des jeunes étaient en train de sortir de la pièce dans laquelle se trouvait le photomaton. J'entrai et salue ma collègue, les clients et me dirigèrent vers les vestiaires pour y déposer mes effets, signer la feuille de présence et je me mis immédiatement au travail. En rejoignant ma collègue, j'ai appris la raison de toute cette agitation, le bal d'été. Cette année, les dernières années avaient décidé d'organiser la soirée dansante sur le thème des mythes et légendes. Cette fête est l'un des évènements de l'année, ici à Charleston. Le comté est connu pour ces festivités saisonnières dont le bal d'été et le festival d'art annuel. Il restait encore quelques détails à régler comme les décors pour la zone photo. Aria m'informa que les maquettes se trouvaient dans la réserve. Ni une, ni deux, j'allai chercher les prototypes. Posé près d'une caisse en carton, se trouvait trois panneaux d'un mètre cinquante sur un mètre quarante. Les trois plaques de carton étaient décorées. Elles arborent toutes des nuages, des étoiles et colonnes gréco-romaines habillant les coins des supports. Le milieu avait été creusé, permettant de voir les personnes derrière. Je les ai prises sous mon épaule et les amenait devant le jeune groupe. Avant de quitter la pièce, un bruit résonna dans la pièce, me faisant sursauter.
- Mais bordel, tu ne sais pas regarder où tu vas ? Dis une voix rauque dont le ton sembla acerbe.
Je me retournai vers l'origine du bruit et fut sonné. Une caisse remplie de rouleau à papier en cellulose se déversa sur le sol dans un fracas assourdissant. Je cherche du regard l'auteur de cette maladresse. Il paraissait qu'il s'agissait de moi vu l'emplacement de la caisse, à présent vide. Le jeune âpre qui venait de l'interpeller me lança un regard froid et incendiaire.
- Tu es sourde ou tu le fais exprès ? Aide-moi à nettoyer tout ce bazar ! Allez, du nerf ! Cracha l'auteur de cette voix rauque.
- Oui, c'est bon ! Pas la peine de me hurler dessus ! Dis-je agacé par le comportement désagréable de ce jeune homme.
Je m'agenouille au sol et ramasse tant bien que mal le papier photo qui glisse des doigts. Les mains tremblantes, je tâtonne le sol à la recherche de la caisse. Aucune trace de celle-ci. Juste le frôlement d'une main. Sa main. La paume de celle-ci est brûlante comparée à la froideur des miennes. Une décharge électrique irradie mes doigts et se propage dans tout mon corps. Je retire ma main précipitamment, me relève en gardant les rouleaux récoltés aux creux de mes bras et quitte la pièce de stockage sans échanger un mot.
Quel con pensais-je. Il n'avait pas l'air déterminé à ranger le débarras, car à peine étais-je sortie de la pièce qu'il tapa les rouleaux qu'il venait de prendre dans le premier bac venu. Il passa près de moi, manquant de me bousculer par la même occasion. Je laisse retomber mes bras le long de mon corps. Faisant tomber le matériel photo qui reposait dans mes bras dans une caisse d'apparence vide et me dirigea vers la salle au photomaton. J'avais besoin de souffler et mon précieux appareil était bien la seule chose qui arrivait à me calmer lorsque mes émotions ne pouvaient plus être contenues longtemps.
La pièce, comme à son habitude était plongée dans le noir complet. Je ne pris pas la peine de fermer la porte. Je m'installai sur le petit siège en cuir, ferma le rideau bleuté et appuya sur la console. Un flash sonore retentit dans la machine suivie d'un cliquetis mécanique. Un léger son de papier glacé sonna à mes oreilles. Ma photo est prête. Je tendis le bras et je la saisis. Je n'avais pas encore eu de réponse à mon premier et dernier message. L'avait-il reçu ? Je balayai d'un geste de main cette idée de ma tête. Pas le temps de ruminer. Je vais plutôt passer à l'action. Je sortis le stylo bic de sa cachette, c'est-à-dire de la doublure du tabouret et écris un petit mot à mon inconnu. Eros. Il va falloir que je m'habitue à l'appeler ainsi même s'il ne s'agit que d'un pseudonyme.
Cher inconnu, j'espère que ce message trouvera un destinataire. Je n'ai pas eu de réponse à ma première lettre si on peut l'appeler ainsi. En tout cas, encore merci pour la recommandation, j'ai adoré Singing in the rain. Si tu souhaites que l'on continue à correspondre toi et moi, laisse une photo à côté du siège du photomaton. Je saurai la trouver. Au fait, cela te dit de sortir de ta zone de confort ? Rends-toi au brunch "26 Divine". Tu me remercieras. Signée l'inconnue. Rédigeais-je avant de mettre ce cliché dans le boîtier ou les photos arrivent lors de leurs impressions.
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Ink and Paper
RomansaEt si l'amour ne se trouvait pas sur un trottoir mais sur un ticket de cinéma et derrière de multiples clichés provenant d'un photomaton ? Et bien, c'est comme ça que l'amour frappa à la porte d'April, une jeune fille travaillant chez un photographe...