Chapitre deux

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La clochette du studio se mit à retentir. Une dame âgée d'une quarantaine d'années rentra accompagnée d'une fillette. Toutes deux étaient habillées de manière distingué, la petite portait une robe jaune pastel à volant. Les pans de sa robe avait des touches de blanc cassé. La dame quant à elle, était vêtue d'un tailleur couleur gris anthracite, parfaitement ajusté. Elles se dirigèrent vers moi d'un pas décidé après avoir regardé minutieusement l'ensemble du magasin.

- Bonjour madame, Je souhaite engager un photographe pour un événement au sein de l'école de ma fille. Je représente le comité des élèves de l'académie de musique de Charleston et comme chaque année, notre établissement organise un festival des arts sonores. Pour cet événement, nous aurions besoin de deux photographes. Cela est-ce possible ? Demande-t-elle en m'indiquant la petite du regard.

Ce n'était pas la première fois que le studio proposait ce genre de service aux écoles situées aux alentours. L'académie des Arts ne faisait pas exception. Surtout que monsieur Hassan ne proposait pas de simples prestations photo. Il fournissait également la possibilité de louer les services d'un ou plusieurs photographes à la journée. Mariage, baptême, fête en tout genre, si vous un jour, vous avez besoin de ses services, vous savez dorénavant qui appeler disait souvent Riad ! Et ça, c'est ce qui en faisait l'une des boutiques photo les plus appréciées ici.

- Bonjour. Oui, bien sûr, cela est tout à fait possible. Je vous invite à me suivre, nous allons convenir de la date de la prestation. Est-ce bon pour vous ? Dis-je en l'accompagnant vers le comptoir.

En me voyant arriver vers lui, Hassan me céda le passage pour me laisser avoir accès à l'ordinateur.

- Pouvez-vous me confirmer quelles sont les dates auxquelles vous souhaitez louer du personnel ?

- Cela serait pour le douze, treize et quatorze juin.

Je vérifiai l'agenda, aucune réservation à ces dates-là. Parfait, je relevai la tête vers la cliente et inscrivis les dates citées plus tôt dans le logiciel de réservation. Il va falloir qu'on s'arrange avec Hassan. L'école souhaiterait louer deux photographes. Qui va s'en charger, me demandais-je. Après avoir finalisé les derniers détails administratifs, nous organisons un rendez-vous pour l'installation du matériel et pour faire des essais techniques. La cliente partit avec la petite, toujours accrochée à son bras. Rapidement, le petit studio photo se vida de la foule de visiteurs qui s'était rassemblée quelques minutes plus tôt.

La boutique était maintenant déserte de tout client, il était encore tôt, les aiguilles de la montre d'Aria affichaient neuf heures trente. Je me décidai à faire un peu de rangement dans la boutique. Celle-ci était séparée en quatre parties distinctes. Il y avait l'entrée composée du comptoir, la pièce servait à prendre rendez-vous, à régler les photos et à louer nos services de photographe pour une date ultérieure. La seconde pièce était la partie studio, dans celle-ci, il était possible de se faire tirer le portrait et de retoucher les photos ayant été capturées. La troisième pièce n'était autre que le stock ou tout l'inventaire tel que le papier photo, les rouleaux bancontact étaient entreposés.

Et la dernière, ma préférée. Une pièce vide ou presque, le seul meuble qui habitait là l'alcôve était un photomaton. Un peu vieux voir vétuste au vu de son design, de ses contours noir, de sa peinture jaune soleil et de son rideau rouge. Malgré cela, il était encore en service. Le seul souci de cette cabine était que la lentille de l'appareil était abîmée, créant un halo de lumière sur la pellicule photo. Manque de bol, cela cachait les visages à chaque fois. Durant mon temps de pause, j'avais pris pour habitude de venir me réfugier ici. J'adorai m'asseoir sur le siège en cuir marron de l'appareil, prendre un cliché et y dessiner, rédiger quelque chose à l'arrière de la photo. C'était ma manière à moi de libérer mes pensées quand ces dernières polluaient mon esprit.

Je décidai de m'installer dans la cabine photo comme tous les jours et je fixai l'écran avant d'afficher mon plus beau sourire. Même si je savais que ce dernier ne serait pas visible sur la photo et que personne ne pourrait le distinguer. Une feuille composée de trois clichés sortis de la machine, tous les mêmes, un énorme halo de lumière, je m'empressai donc de prendre la photo entre mes mains. Je tâtonnai et sortit un feutre indélébile qui était caché sous le rebord du siège. J'avais tellement d'idées... Un poème, un dessin, les paroles d'une chanson. Je décidai d'écrire le refrain d'une chanson qui retentit à l'instant dans le studio.

Dear Arkansas daughter :

You with the dark curls

You with the watercolor eyes

You who bares all you teeth in every smile

He say i can always hear you sing

I wanna hear you speak to me

Après avoir rédigé quelques paroles sur ce bout de papier photo, j'y rédige la date du jour et mis la photo dans l'une de mes poches arrière de mon pantalon. Je n'allais pas tarder à me remettre au travail. La matinée passa à la vitesse de l'éclair. Il n'y avait pas eu beaucoup de passage cette après-midi, il n'empêche que ce fut une belle journée. Je vis du coin de l'œil Aria finir de servir les derniers clients avant de leur dire au revoir.

- Au revoir, bonne soirée à vous dit Aria à l'intention du couple qui sortait de la boutique, une enveloppe contenant plusieurs photos avant de se tourner vers moi tout en replongeant son regard vers l'écran.

Eclipse de quelques heures

- Dix-huit heures trente ! Et ben, la journée est passée tellement vite demande ma collègue en consultant la luminosité dehors.

Le soleil était encore haut dans le ciel. Ce dernier quant à lui était similaire à une fresque. Des nuances de rose magenta, d'orange et de jaune formaient un dégradé. Il faisait plutôt bon dehors, les rayons du soleil étaient encore perceptifs, ces derniers traversaient la vitre du studio et dessina plusieurs traits lumineux sur le parquet en chêne clair. Associé à la légère brise qui soufflait, cela donnait une atmosphère fort agréable pour rentrer à la maison. Je me rendis au vestiaire. Je pris mes affaires, m'habille et signe la feuille de présence. Après tout cela, j'allai dire au revoir à tout le monde. Je me fis à la réflexion que je n'avais pas vu Charlie et Ian de la journée. Encore moins Arthur. Pas grave, je les verrai un autre jour.

Eclipse du trajet en train

Enfin arrivée à la maison, il ne me fallu pas longtemps pour enfiler mon pyjama et m'affaler sur mon lit. Je me rappelais avoir rangé la photo dans la poche de mon pantalon. Je me levai pour aller prendre la photo et l'épingler à mon mur comme je le faisais avec toutes les précédentes photos. Introuvable. Comment sa introuvable ? Peut-être l'avais-je mise dans mon sac ? Aussitôt, je vidai mon sac sur le sol. Des papiers, tickets de caisse, trousse de maquillage, chargeur mais, pas de photographie.

- Où ai-je pu laisser cette photo ? Dis-je affoler par l'absence de la pellicule optique dans ma poche.

Ink and PaperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant