Chapitre quatre

17 4 4
                                    

- Ça vous fera dix euros mademoiselle. Prononça le guichetier en me rendant ma monnaie et mon ticket.

Mon achat effectué, je me dirigeai vers la salle de projection et attendis patiemment que le film commence. Je trouvai rapidement ma place, vers l'avant de la salle. J'ai eu de la chance sur ce coup-là. Le long-métrage conseillé par l'inconnu du photomaton se retrouvait à nouveau à l'affiche d'un petit cinéma, l'American theater, au nord de Charleston. Pas bien loin de la boutique en soit. Après avoir effectué quelques recherches sur le fameux film, j'ai découvert qu'il s'agissait d'un des monuments de l'Hollywood classique. Rien que ça ! Je suppose que mon inconnu doit être un fan de cinéma. Ou alors, il aime juste ce film et je m'emballe, ça ne changerait pas de d'habitude pensais-je en ayant en mémoire de nombreuses fois où mon esprit avait espéré monts et merveilles pour finalement être déçue. Je relus une énième fois le résumé trouvé sur Internet pour ne manquer aucun détail avant que la séance ne commence.

"Sorti en 1952, le film Singing in the rain raconte l'histoire de Don Lockwood et Lina Lamont, star montante hollywoodienne de la Monumental Pictures studio. A deux, ils forment le couple emblématique du cinéma muet. Couple faussé tant les deux artistes ne peuvent pas se supporter hors des plateaux de tournages. L'arrivée du cinéma parlant provoque une catastrophe. Lina ne sait pas chanter".

Je relevai le regard de mon écran lorsque la publicité se finissait. Faisant place au générique du film. Je n'ai pas eu à attendre longtemps avant que la salle ne sombre dans l'obscurité. La salle était quasiment vide. Beaucoup plus petite qu'une salle de projection traditionnelle, elle avait ce côté intimiste qui a su m'enchanter dès que j'ai franchi ses immenses portes en bois. Le bruit des pop-corn, des boissons sirotées et du froissement des paquets de bonbons s'étouffa sous le son des haut-parleurs fixés en amont de la pièce. Plus un bruit dans la salle de cinéma, seul de bruit des popcorns et des respirations étaient audible hormis le film. L'heure et quart de film passa tellement rapidement que lorsque la lumière fut, les téléspectateurs eurent du mal à quitter leur siège. J'étais l'un d'entre eux. La musique résonnait encore dans la salle, je me suis retrouvée seule le temps de quelques minutes. J'ai aimé chaque séquence, chaque scène. C'est difficilement que je quittais mon siège, enjambant les rangées pour atteindre le couloir me ramenant à l'accueil du cinéma.

- Mademoiselle ? Dit la voix derrière moi.

Je me tournai et fis face au guichetier qui m'avait servi plutôt dans l'après-midi. Toujours derrière son comptoir, elle m'interpella d'un signe de main. Je m'approchai plus près du guéridon derrière lequel se tenait, debout, mon interlocuteur.

- Re bonjour. Votre séance, s'est-elle bien passée ? Me dit-il, scrutant la moindre micro-expression face à la séance qui venait de se finir. Il devait sûrement s'agir d'un étudiant au vu de son allure. Un long t-shirt dépassant de sa vareuse de travail et un pantalon trop grand pour lui. Vers le haut de son blazer, il y avait un badge nominatif accroché maladroitement avec une épingle de sûreté, il y avait un prénom écrit au marqueur indélébile, "Hermès".

- Re, bonjour, c'était super. J'ai bien aimé. Dis-je toujours euphorique de ma projection.

Le jeune homme m'afficha un sourire radieux. Il sembla sincère à la vue des creux qui se formèrent aux commissures de ses joues, dessinant de légères fossettes. Ce dernier sembla chercher du regard quelque chose sur son comptoir. Après un bref instant, il releva le regard vers le mien et me tendit un morceau de papier, un ticket de cinéma. À première vue, il semblait vierge. D'une main peu assuré, je tendis mon bras vers la crédence du meuble lorsque que la guichetière déposa le bout de papier thermique devant moi. Je n'eus pas le temps de poser de question que je vis une inscription annotée sur la face arrière du ticket. Ma réaction du l'amusait tant mon visage changea brusquement d'expression dès que je mis à lire.

Chère inconnue, j'ose espérer que tu as apprécié cette petite séance de cinéma. J'ai demandé à un ami de jouer le rôle de "messager". Si celui-ci fait bien son travail, tu dois avoir reçu mon message. Dans le cas contraire, je vais devoir engueuler mon "émissaire". J'attends ton cliché avec impatience, signé, Eros.

Je relevai mon nez quelques instants interloqués. Il savait que je viendrais ici. Il ne faut pas être un génie non plus pour savoir qu'il y avait quatre cinémas sur King Street, rue non loin du studio photo. Seul l'un d'eux proposait "Singing in the rain" à l'affiche. Il est logique qu'il était au courant. Ce n'est peut-être pas une proposition hasardeuse. Mes yeux fixèrent plus intensément l'insigne de mon messager. Hermès ? Cela m'étonnerait que cela soit plus qu'un pseudonyme. Cela me semble étonnant vu la situation. Donc... Passionné de cinéma et en plus de mythologie grecque ? Il y a de quoi faire, on dirait. Je commence à en savoir de plus en plus sur toi "Eros". Plus que toi, tu n'en sais pas sur moi. Je rangeai le ticket d'Eros dans mon sac. J'ai retenu la leçon... Ne plus rien mettre dans mes poches. À moins que je veuille perdre quelque chose. Je sortis mon ticket et demandai un bic, un crayon, n'importe quoi qui me permettrait de lui répondre.

- Je... Je peux avoir un marqueur ? Bégaie-je rapidement avant d'attraper l'outil qu'Hermès me tend.

Que pourrais-je écrire ? J'ai plutôt l'habitude de lire, de parcourir les lignes à l'aide de mes doigts, survolant les pages. Mais écrire. Trouver assez d'ingéniosité et de créativité pour coucher sur le papier mes états d'âmes, quel que soit la forme n'a jamais été coutume. Que faire ? Que dire ? Le bruit de la mine de mon bic tapant à répétition sur le bois du comptoir attira l'attention du guichetier qui me fit part de sa présence par un raclement de gorge. Sans arrêter mon geste, je portai mon attention sur mon interlocuteur.

- Tu sais que tu ne vas pas trouver du pétrole en martyrisant ce pauvre feutre ainsi ? Dit-il en souriant.

Sa phrase me fit l'effet d'une gifle. Trop occupée dans ma réflexion, je n'avais pas cessé de torturer l'objet écrasé entre mes phalanges. Nos deux regards entrent en collision et nous échangeons tous deux un rire plus que communicatif et bruyant. Une idée me vint en tête. L'interroger.

- Alors... Je suppose qu'Hermès n'est pas ton vrai prénom ? Demandais-je innocemment.

- Exact ! Petite idée d'Eros, mais ça, je pense que tu l'as compris... Et n'essaie pas d'avoir des informations de ma part. Tu n'en auras pas. Dit-il nonchalamment avant de se diriger vers la droite du comptoir ou attendaient un couple.

Je n'aurai pas de réponse à mes réponses. Pas de sa part en tout cas. Je rédige donc un bref message dans l'espoir d'en savoir plus même si les quelques informations que j'avais n'allait pas me mener à grand chose. Alors, je sais qu'il aime le cinéma et la mythologie. Qu'il est probablement d'ici, de Charleston et qu'il fréquente la boutique de Riad. Mais comment a-t-il fait pour aller jusqu'au photomaton ? Après ma brève enquête mentale, je pris mon message maintenant rédigé, le remis à Hermès et quittai le vieux cinéma.


*                           *                             *


Bonjour tout le monde !

Je tenais à écrire un petit mot à la fin de ce chapitre. Quatrième et non pas des moindres chapitres de ma nouvelle histoire. Ce petit bout de moi existe grâce à l'encouragement de plusieurs de mes proches. Tout comme eux, j'espère que cette histoire vous plaira !

Bonne lecture !

Ink and PaperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant