Chapitre dix-neuf

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Une nouvelle année s'annonçait. Les quelques derniers flocons de neige sur l'appuis fenêtre, vestige d'un noel blanc accueillait cette énième renouveau marquer sous grandes pompes. Les fêtes avaient été synonyme de douceur, de moments passés auprès d'un réconfortant feu de cheminée et d'un doux chocolat chaud. Aujourd'hui, je suis retournée à mon appartement de bonne heure. Assise sur mon lit, triant les clichés que j'avais pu capturer et développer grâce à mon appareil, je ruminais. Encore et toujours. Je ne recommençais à travailler que cet après-midi. Dix jours sans travailler, sans nouvelles ni contacts d'Eros. Le temps semblait long depuis la journée à la fête foraine. La peluche que j'avais gagnée à l'un des stands, certainement choisie par ses soins reposait fièrement sur l'un de mes oreillers. Témoignant de la douceur de cette épopée. J'avais de l'espoir, peut-être pas le même que ressent mon correspondant, mais tout aussi puissant circulait dans mes veines. Une idée avait germé dans ma petite tête rousse durant mon trajet retour, assise sur l'un de ses sièges rouge velour, j'avais décidé que j'allais laisser à Éros une photo provenant de mon appareil. Non pas de mon visage, dévoilant ainsi mon identité et jetant au oubliette mon anonymat mais une photo de la peluche, que j'ai pris soin de nommer jackalope. Petit clin d'œil mythologique malgré les origines amérindiennes et non grecque de ce surnom.

J'espérais que la peluche m'apporterait chance et courage, comme l'animal sacré aux bois de cerf et physique de lapin. Je retrouvai enfin le cliché de la peluche. J'inscrivais au recto la date d'aujourd'hui et tourna la feuille et m'arma rapidement de mon fidèle feutre noir. Au verso, je me suis mise à écrire. Un geste, simple en apparence, connu par cœur par mes phalanges et mes paumes mais qui est si complexe. A chaque fois, mes mains vacillaient légèrement, trop pour que cela soit visible ou perceptible mais assez pour que le tremblement se lise dans mon écriture. Je me demandais si quelqu'un, un inconnu, aurait pu deviner ma nervosité à la lecture de mes poèmes... Eros, lui, pourrait le faire aisément pensais-je. Je me leva et rangea précautionneusement mon appareil photo et l'album maintenant décorés par des polaroid, des annotations et des stickers colorés. Plus kitch et enfantin, ça n'existait pas. Pas encore. Je fonça prendre une douche, n'ayant pas eu le courage de le faire plus tôt dans la journée et cria lorsque le jet d'eau froide atterrit sur le visage. Je ne pu m'empêcher de jurer, surprise et manqua de tomber, distraite par cette soudaine attaque glacée.

- Bordel ! C'est glacée ! Jurais-je

Mes dents claquèrent et mes mouvements étaient ralentis par la froideur ambiante, m'assomment un peu. Pas d'eau chaude... Je pris rapidement ma douche, tentant de ne pas hurler à mainte reprise sous le jet d'eau coulant le long de mon dos, m'arrachant quelques frissons dans l'échine. Je me sécha et m'habilla tout aussi vite. Il ne restait plus qu'à sécher mes cheveux et je pouvais prendre mes clics et mes claques et partir en direction du studio photo mais apparemment la chance n'était pas avec moi. Une fois, deux fois, ce fichu sèche-cheveux ne voulait pas s'allumer. Je donne un petit coup de main à l'appareil. Une décharge électrique de faible intensité traversa le bout de mes doigts et éradique mon corps. Une vague de frisson m'envahit. Je reposais l'appareil sur le comptoir du meuble de salle de bain et le débranchais. C'est pas aujourd'hui que je vais changer de vocation pour celle de bricoleur. Je pris rapidement un petit essui de bain, tamponna comme j'ai pu ma tignasse et embarqua mes affaires avant de filer au boulot.

Eclipse

- On dirait une folle... Dit une femme une soixantaine d'année, le regard moqueur, détaillant avec minutie mes cheveux roux, encore humide.

Je ravala mon ennui et regarda par la fenêtre du train le paysage défiler. Les arbres et buissons de la campagne anglaise défilaient devant mes iris noisette. La voix criarde et nasillarde, quoique insupportable, résonnait pour une énième fois non loin de moi. Je vis une jeune femme, plus ou moins mon age marcher rapidement dans ma direction et s'assoir précipitamment en face de moi. L'emplacement de quatre sièges se faisant face étant maintenant rempli. La demoiselle semblait remonter, ses bras croisés, écrasant son torse à s'en étouffer me prouva le cas. Elle marmonna tout en recoiffant ses tresses rageusement.

- Quelle connasse cette vieille harpie... Grogna la jeune métisse. Je rie à sa tirade courte. Elle me fusilla du regard avant de rire nerveusement. Mon rire accompagne le sien. Ses grands yeux brun me fixaient avec amusement. Une moue joueuse et taquine habillait désormais son visage déjà parsemer de tache de naissance tel que des grains de beauté et tâche de rousseaux. Ses longs cils se soulevèrent plusieurs fois sous le papillotement de ses cils avant qu'elle ne m'adresse un sourire.

- Désolée... Je suis tombée sur une... Une personne peu appréciable. La manière dont elle s'efforce à être polie m'a fait sourire. Changement d'ambiance totale pensais-je.

- Seulement peu "appréciable"? Dis-je avec une moue espiègle.

- Bon j'avoue que c'est une connasse... Dit-elle, m'arrachant un fou rire. Elle me rejoint aussitôt. Nous purent sentir le regard de la mégère en question se poser sur nous, amplifiant notre fou rire. La dame poivre et sel se leva de son siège et vient se poster près de nous, son regard désapprobateur brûlant notre épiderme se mit à grogner tel un chien enragé.

- Comment osez vous sales petites... Commença la dame. Prise de colère, toujours pliée en deux, tant l'hilarité m'avait envahie, je ne pu réprimer mes pensées et jura, interromptant sa phrase insolemment.

- Oh ta gueule...

Un silence de mort règne dans le compartiment du train. La femme me jaugea, tremblante. Sûrement étonné que quelqu'un ose lui tenir tête. Quant à moi, j'étais muette, surprise de moi-même. Plus que bouche bée de ma prouesse. Je ne devais pas être fière, j'avais été impolie mais le comportement était plus que douteux. Son insubordination et son manque cruel de respect de cette harpie me restait en travers de la gorge. Cette dernière tenta d'articuler quelques mots mais d'un geste de main, je l'invitais à fermer ce qui lui servait de bouche et la toisa amèrement.

- Je vous ai dit de vous taire. Si c'est pour être méchante et dire une énième connerie, je vous invite à aller vous faire voir.

Tremblotante, la mégère retourna silencieusement jusqu'à son siège et se cacha derrière un journal chiffonné. Ses mains ridées étaient toujours prises par de sec soubresaut. Ma camarade de siège, toujours tourné vers moi, m'afficha un sourire chaleureux et reconnaissant. Elle s'installa plus confortablement dans son siège et sortit un livre de son sac-cabat.

- Donne moi un numéro... Dit-elle. Je réussissais à lire la couverture du livre, du "lait et miel". Je réfléchissais un instant.

- Page trente et une !

Elle humidifia le bout de son index et feuilleta son livre. Après quelques secondes de recherche, elle s'arrêta à la page quémander et lu d'une voix calme.

"Je suis un musée rempli d'œuvres d'art mais tu avais les yeux fermés". Rupi Kaur.

Ink and PaperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant