Une bouffée de regret envahit mes poumons. Puis l'impression de me prendre une douche froide s'abattit, aussitôt, je m'agenouillai devant la chaise qui servait de portemanteau... J'étais pourtant sûre d'avoir rangé cette maudite photo dans l'une des poches de mon jean évasé. Je vérifiai une énième fois le pantalon, en vain. Tentant de reconstituer ma journée afin de savoir où ce cliché aurait bien pu se perdre. J'imaginais le cliché gisant seul, sans vie sur la surface froide et rugueuse de la moquette du photomaton. Je me levai immédiatement, déterminée à retourner à la boutique en espérant qu'il y ait encore quelqu'un. Je me rhabillai en quatrième vitesse, dévalant la rue menant à la gare et je consultant les horaires. Plus aucun train...
- C'est bien ma chance... Dis-je en sifflant rageusement.
Peut-être qu'il y a des taxis devant la gare ? Pense-je en analysant toutes les options qui s'offraient à moi. Après une lutte acharnée pour trouver un taxi, le conducteur entra dans son GPS l'itinéraire et démarra en trombe.
Ellipse trajet
Vingt-minutes plus tard, je traversais les rues animées de la ville. Mes pensées étaient encore agitées par cette perte soudaine. Je me figeai lorsque mes pas s'arrêtèrent devant la devanture de l'échoppe. La boutique semblait verrouillée. L'intérieur du magasin était sombre. Mon cœur se serra, réalisant que mes espoirs, de retrouver cette photo bien-aimée semblaient s'évanouir. Cette photo devra donc attendre demain... Cependant, une lueur faible filtrait à travers l'encadrement de porte de la réserve, révélant que quelqu'un était encore à l'intérieur. Je n'attendais pas plus longtemps et je frappai à la vitre, espérant que l'un de mes collègues viendrait m'ouvrir. Je fus soulagée quand je vis Hassan, le responsable de la boutique se diriger vers la porte.
- April, que fais-tu ici ? Demanda Hassan, les yeux écarquillés d'étonnement.
Je lui souris brièvement, gardant mes inquiétudes pour moi.
- J'ai - j'ai égaré une photo tout à l'heure et j'ai réalisé que je l'ai peut-être laissée ici. Je me demandais si tu l'avais trouvée quelque part.
Ce dernier hocha la tête, comprenant soudainement le but de sa visite impromptue.
- Oui, j'ai effectivement trouvé une photo dans le photomaton, un peu après ton départ. Je savais que c'était la tienne. Dit-il en souriant.
Il se tourna vers le comptoir sans plus attendre pour trouver l'objet à l'origine de cette panique nocturne. Un soupir de soulagement s'échappe de mes lèvres lorsqu'il pose la photo entre mes mains.
- Oh, mon Dieu, je suis tellement soulagée ! J'ai cru que je l'avais perdue ! Dis-je en sautillant d'un pied à un autre.
Mon responsable me tendit la photo avec un sourire rassurant. Mes yeux s'emplirent de gratitude. Cela peut paraître idiot, mais chaque photo prise dans ce photomaton y comporte une part de moi. Les paroles d'une musique que j'aime, un dessin, un poème ou juste un souvenir. J'avais pris pour habitude d'accrocher chacun des clichés pris dans ce photomaton. Une entorse à la règle m'aurait fait de la peine tant, ce petit rituel commençait à me plaire. Nous nous regardons un instant, partageant un sourire réciproque. Je fixe ensuite le sol, consciente du fait que mon étourderie ne m'avait pas aidée, encore une fois. J'étais tellement concentrée à rêver que j'en oubliais parfois ou étais ma tête, cette perte accidentelle m'aura servie de piqûre de rappel. Je regardai plus attentivement la photo, malgré le dysfonctionnement de l'appareil, je pus distinguer une silhouette. À l'évidence, ce n'était pas la mienne. Celle-ci était celle d'un jeune homme, je n'arrivais pas à voir plus de détail comme les cheveux et encore moins le visage.
- Je ferai plus attention à l'avenir. Et encore une fois, merci de m'avoir sauvé cette photo dis-je souriant une énième fois.
Je le remerciai néanmoins et rangeai la photo dans mon sac. Je ne comprends pas pourquoi il m'avait donné ce cliché. Où était passé le mien ? Trop fatigué pour me poser plus de questions, mes pieds me menèrent vers l'entrée de la gare où je fis signe à une voiture de m'attendre. Je repris le taxi pour rentrer chez moi.
Ellipse trajet
Quand mes pieds foulent l'entrée de mon appartement, l'horloge affiche vingt-heure. Mes habits aussitôt remis se retrouvent une énième fois sur ma chaise de bureau. Je m'installe devant mon ordinateur et sort le cliché récupéré à la boutique. Je réessaye de capter le moindre signe distinctif qui pourrait m'indiquer qui aurait pu prendre cette photo ? Cela doit sûrement s'agir d'un essai technique. Malgré le fait que la machine est "hors service", Riad nous a toujours demandé d'effectuer un certain nombre de tests pour s'assurer que certains composants de la machine soient toujours en service. Tout ça en vue d'une prochaine mise en vente. Triste de la nouvelle ? Oui, malheureusement, je n'ai pas mon mot à dire. Il est vétuste et certaines pièces coûtent très cher donc il est normal que Hassan ne veuille pas investir dans ce genre d'équipement. En reposant la photo, je remarque de l'encre sur le bout de mes doigts. Intriguée, je repris la photo et la tournai, je vis une inscription et commençai à le lire :
Chère Inconnue, j'espère que cette photo te fera sourire, tout comme tu l'as fait lorsque j'ai trouvé ton cliché dans la machine. Tu as dû l'oublier, alors je l'ai gardée précieusement pour toi. Si tu veux en savoir plus, laisse une photo à côté du siège du photomaton. Au fait, merci pour les paroles, je ne connaissais pas ce groupe. Je te propose un film vu que c'est plus ma zone de confort. Je te conseille "Singing in the rain". Bon visionnage.
Les mots intrigants me firent à la fois sourire et hésiter. Qui pouvait être cet inconnu ? Quelles étaient ses intentions ? Un flot de questions se bousculait dans ma tête. Après une nuit à ruminer, mais pas seulement, je me suis mis en tête de mener ma petite enquête. Car, qui que tu sois, j'arriverai à savoir qui tu es. Mais d'abord, il faut que j'aille au cinéma. Demain, j'ai une séance de cinéma !
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Ink and Paper
RomanceEt si l'amour ne se trouvait pas sur un trottoir mais sur un ticket de cinéma et derrière de multiples clichés provenant d'un photomaton ? Et bien, c'est comme ça que l'amour frappa à la porte d'April, une jeune fille travaillant chez un photographe...