Chapitre vingt-quatre

4 0 0
                                    

Seule une tenture verdâtre me séparait d'Eros. Son père m'avait invité à aller dans sa chambre en compagnie de Charlie, ce dernier était assis sur le lit de son meilleur ami. J'avais par précaution décidée de rester derrière le pan de tissu qui servait de séparation, séparant la chambre d'hôpital en deux espaces personnels. De là où j'étais, je ne pouvais rien n'a percevoir. Ni Charlie, ni la silhouette d'Eros. J'étais sûr de ne pas enfreindre son intimité et de respecter par la même occasion son souhait d'anonymat. J'imaginais facilement qu'il était allongé dans ce lit austère, les yeux sûrement mi-clos et je n'étais pas capable de franchir ce ridicule rideau. Je n'avais qu'une envie, franchir cette ligne invisible et m'assurer de son état. Mon esprit était encore embrumé par les effets de l'adrénaline.

- Tu ne veux vraiment pas venir de l'autre côté du miroir ? Demanda soucieusement Charlie, n'oubliant pas d'ajouter une touche d'humour à la fin de sa phrase. Même dans les pires situations, Charlie n'oubliait pas d'ajouter une remarque, sarcastique, voire humoristique quand le moment s'y prêtait.

Autour de nous, le bruit régulier des moniteurs, des machines et le murmure étouffé des infirmières remplissaient la pièce et le couloir avoisinant. L'ambiance était lourde. Je savais que je ne pouvais pas rester là, planté à la manière d'un saule. Je devais faire quelque chose, faire taire ce silence lourd et lugubre.

- De quoi a-t-il l'air ? Arrivais-je à articuler.

J'entendis Charlie ricaner avant de souffler dans ma direction.

- D'un ange, enfin, je crois. Il n'a pas de cicatrice ou de corne si cela peut te rassurer Dit Charlie.

- Tout le monde à des cicatrices Charlie. Certaines sont juste cachées du monde extérieur.

Tout le monde à des cicatrices, qu'elle soit due à une chute, à une bagarre ou même que cette dernière naisse de nos propres mains, ces entailles resteront là. Visible ou non, leurs passages ne s'effaceront jamais.

Un gémissement plaintif franchissant le rideau me faisant sursauter.

- Mamaidh... Murmura Eros, toujours endormi.

- Qu'est-ce qu'il a dit ? Demandais-je à Charlie.

Ce dernier tira légèrement sur le rideau, me permettant de le voir, mais pas de dévoiler l'identité d'Eros.

- Est-ce que j'ai une tête à parler gaélique ? Non, alors tu prends ton téléphone et tu vas sur Google traduction madame "j'en pose des bêtes questions" dit-il ironiquement.

Ma mâchoire devait sûrement être par terre vue la répartie du jeune Coréen. Note à moi-même, ne jamais me lancer dans un débat avec Charlie sous peine d'être battue à plate couture. Néanmoins, j'avais une nouvelle information en ma possession. Eros savait parler du gaélique ou du moins quelques mots. Je devais donc me concentrer sur les personnes d'origine anglaise... Cela allait éliminer quelques personnes. Aria était à cent pour cent Américaines et j'avoue avec du mal à l'imaginer passionnée de mythe et de légende.

- Au fait... Je n'y ai pas réfléchis avant, mais Eros est un homme ou une femme ?

- Alors... Il ne put finir sa phrase que je lui coupa la parole, voyant arriver la blague de trop s'apprêtant à sortir du bout de ses lèvres.

- Pas de blague de cul s'il te plaît. Essaye d'être sérieux un instant... Question ridicule en plus... Il m'a embrassé et je me serais rapidement rendu compte s'il s'agissait d'une jeune femme Soupirai-je.

- D'accord ! D'accord... Tu n'es pas drôle... J'avais une excellente blague sur la taille de...

Il fut une énième fois interrompu, mais cette fois-ci par un cognement à la porte. Le père d'Eros adresse un signe de tête à Charlie, l'invitant à s'approcher un instant. Je me retrouvai donc seule dans cette chambre aseptisée. La lumière jaunâtre engloba la pièce, mais une zone d'ombre resta présente à cause de la séparation de fortune. Toujours assise sur l'un des fauteuils de la pièce, seuls la pointe de mes chaussures touchaient le sol. Mes jambes tremblotèrent sous l'effet du stress et de la nervosité. Mon regard finit de balayer le sol et finit happé par quelque chose dépassant de la tenture. Après quelques secondes d'observation, je compris qu'il s'agissait de l'une des mains d'Eros. Je sentais que mes paumes réclamaient les siennes. Le bout de mes phalanges suppliait pour ne serait-ce qu'effleurer la peau de mon inconnu.

Ink and PaperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant