43 - Eirik

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// La liberté, c'est n'aimer personne et n'être aimé de personne. //

C'était une belle journée pour ce qui allait suivre. Le soleil brillait haut dans le ciel, les oiseaux gazouillaient et, dehors, le carnage l'attendait. Misk et Yoren, les deux derniers de ses hommes, étaient en train de se préparer. Ils devaient faire leurs adieux à une fille quelconque ou tenter de voler les restes du repas en cuisine, quelque chose dans ce genre-là. En attendant, Erik se balladait au petit bonheur la chance parmi les cellules. Il avait fait ce qu'il avait à faire, vu qui il devait voir et il pouvait maintenant profiter des quelques moments de quiétude qui lui restaient. L'avantage de savoir quand on allait, c'est qu'on profitait mieux des petites choses.

Il ne croisait pas grand-monde, mais les gens s'écartaient de lui à son passage. Ca le tracassait un peu. Au bout du compte, il n'aurait jamais compris. Depuis tout petit, on l'avait traité traité comme un paria, un marginal. Un fou. Mais il n'était pas fou, ha ! Ce qui lui avait valu d'être mis à l'écart par sa famille, son village, de ne pas pouvoir se faire d'amis, ça c'était un sacré mystère. Ce qu'il avait fait après, ça oui, mais c'était après qu'ils l'aient rejeté. On ne peut pas dire à un gamin qu'il est un animal et venir lui reprocher après coup d'être quoi ? Eh, un animal !

Bref, il ne leur avait rien fait à ces gens-là. Il était même dans leur camp et s'ils savaient ce qu'il s'apprêtait à faire, ils riraient bien. Ah, ils se riraient, mais ils en attribueraient le mérite à Jack, n'est ce pas ? Il était malin, cet étranger, c'était vrai, ça, mais pas malin au point de savoir ce qu'Eirik avait prévu. Oh ouais, ça allait être quelque chose.

Il commença à se diriger vers l'escalier principal, mais il passa devant cette cellule, un de celles qui devaient être libres, et il le vit. Il pensait sas doute être discret, là, tapi dans l'ombre, mais Eirik voyait les choses. C'était comme ça, quand les gens vous maintenaient à la lisière du monde, vous développiez un don pour observer. Parce que que pouviez-vous faire d'autre, à part regarder depuis l'extérieur ?

Il avança en se disant que ça ne le regardait pas mais, de toute manière, rien ne le regardait et il avait envie de fourrer son nez là-dedans. Juste comme ça, pour l'emmerder. Alors il revint sur ses pas et s'appuya contre le chambranle de la porte. Le type essaya de rester immobile, caché dans les ténèbres, croyant peut-être qu'Eirik ne l'avait pas vu. C'était ridicule, et il n'avait pas le temps pour jouer à ces petits jeux, alors il parla.

—  Hé, cher prince. On plie bagage, à ce que je vois. Plutôt désertion ou trahison ?

Julius essaya de cacher sa panique quand il se releva pour lui faire face. Il n'y arriva pas très bien. Sans surprise, cet abruti essaya de mentir.

—  Je ne pars pas, Eirik, et tu ferais bien de faire attention à tes paroles. 

—  Ah, pardon, mon prince. C'est juste que je vous ai vu empiler des affaires dans ce sac. Ouais, celui-là, dans l'ombre. J'ai des bons yeux, vous savez. C'est utile quand on se terre dans les bois.

—  Ce sont les bêtes sauvages qui se terrent dans les bois, gronda-t-il. Et on ne parle pas avec les animaux. Soit on les domestique, soit on les abat.

Julius ponctua sa phrase en pointant le regard sur sa foutue lance, qui était posée contre un mur. Ca avait vocation à être effrayant, surement. Il ne se rendait pas compte à quel point la dague d'Eirik lui brulait les doigts, et à quelle vitesse il pourrait se retrouver avec la gorge ouverte. Mais bon, il avait l'habitude d'être traité de la sorte, et il avait autre chose à faire aujourd'hui que de mettre un terme à la lignée des Tiberius. Il étira donc la bouche dans quelque chose qui pourrait, avec un peu de chance, passer pour un sourire.

They who grow smallerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant