Chapitre 29 : descente aux enfers

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Lorsque je me réveille, il me faut un moment pour réadapter mes yeux. Tout autour de moi, les images sont flous ; je vois seulement de la lumière semblable à du feu, qui me brûle la rétine. Mon corps tout entier me fait souffrir. En essayant de bouger mes bras, je me rend alors compte que je suis immobilisée, et que mes jambes semblent liées entre elles. On dirait bien que les craintes de Joel ont finis par se réaliser, quelles qu'elles soient.

Alors que mes yeux commencent enfin à s'habituer à la lumière, je fais presque une crise de panique en voyant ce qu'il se trouve autour de moi. Nous sommes tout les cinq ligotés dans ce qui semble être une prison de fortune. Des corps se meuvent autour de moi, mais je ne vois que nous cinq, et la douleur de mes attaches me ramènent à la réalité brutalement.
Lorsque mes pupilles finissent par s'habituer à l'environnement qui m'entoure, j'aperçois des gens rire, parler et chuchoter au loin. Le brouhaha ne me permet malheureusement pas de comprendre quoi que ce soit. Je cherche vivement Joel des yeux, cherchant avec désespoir une réponse aux questions qui m'assaillent.
À la place, c'est le regard d'Ellie que je croise. Elle me jette un regard de compassion, ce que je ne comprends pas pendant un instant.

- Est ce que ça va ? Me chuchote-t-elle.

Ma bouche engourdie arrive à peine à lui former une réponse correcte, mais j'ai malgré tout réussi à hocher de la tête, je crois.

- Bon allez, c'est l'heure de manger, dit quelqu'un en face de nous.
Il nous passe des assiettes qu'il fait glisser en dessous des barreaux de fortune.
- Mon prénom est Dylan. Tu dois être Ellie, et lui c'est Joël, si je me souviens bien ? Demande-t-il.
Ellie le regarde avec haine, sans lui répondre quoi que ce soit.
- Pas besoin de me regarder comme ça, joli coeur. C'est pas de ma faute ce qu'il s'est passé à l'époque. Pas de mauvais sentiments, ok ?
- Mais de quoi tu me parles, putain ?! Crie Ellie.

Le mec fait des gros yeux, hésite un moment à répondre, puis il se met à rire frénétiquement.
- Ah, merde ! C'est vrai que tu sais pas qui on est. Merde. C'est vrai que maintenant que tu as tué David et James, c'est difficile de nous reconnaître, pas vrai ? Tu connaissais personne d'autre et pourtant, tu n'as pas hésité à faire feu sur nous.
- Putain d'enfoirés... Vous êtes les cannibales de Silver Lake City, réponds Ellie entre ses dents.
Des cannibales ? Je comprends pourquoi Joel avait si peur. Mes doigts commencent à trembler de peur.
- Non, non. Ça, c'était avant. Maintenant, c'est moi le chef de ce groupe. Et on n'a plus recours à ce genre de pratiques barbares. David était un sale con, mais il faisait ce qu'il pouvait pour qu'on survive à cette époque. C'était pas facile de vivre à Silver Lake, surtout avec la pénurie de nourriture. Mais c'est fini maintenant. On a déménagé après la mort de David. On a pris nos affaires et on n'a plus fait demi tour. Et maintenant, on a des animaux, des légumes, et j'ose dire qu'on s'en sort plutôt bien.
- Mais putain... Comment vous avez fait pour nous reconnaître ?
- C'était pas difficile, avec le boucant que vous faisiez. On n'a pas eu de problèmes pour vous repérer. Et Joel, c'était pas difficile de le retrouver. Il a exactement la même gueule de con. Mais maintenant qu'on l'a retrouvé, je suis désolé gamine, mais il va devoir mourir.

Forcément, ça ne pouvait pas être aussi facile. Il fallait forcément que quelque chose de ce genre arrive. Je m'en doutais un petit peu, quand Ellie m'a dit que Joel avait beaucoup d'ennemis dû à leur passé.

- Et tu peux me dire ton petit speach et qu'on en finisse enfin avec ces conneries ? Dit Joel à son tour.
Je n'avais même pas remarqué qu'il était réveillé.
- Eh bien, tu n'as toujours pas payé pour tout les gens que tu as tué, dans le Colorado. Tu te souviens, le bâtiment des sciences à l'université ? T'as tué un paquet de gars. Y'avait mon frère, parmi eux. C'était le mec le plus gentil que je connaisse. Il voulait même pas rentrer dans le bâtiment. Mais toi, tu l'as tué sans aucun ressentiment.
- J'en ai rien à foutre, de tes histoires. Fais ce que t'as à faire, et arrêtes de déblatérer.
- Putain... T'es vraiment un sale con, tu sais ?
- C'est pas lui qui a tué ton frère, réponds alors Ellie. Joel la regarde un moment, comme si il lui demandais de se taire. Mais de tout évidence, Ellie ne l'entend pas de cette façon. C'est moi, reprend-elle, en lui jetant un regard plein de haine. 

- Super, dit le mec après quelques secondes d'attente. Tu viens de signer ton arrêt de mort. 

Ellie a l'air soulagée pendant un moment, puis l'homme se retourne de nouveau et dit :

- Ah, mais on vous tuera tout les deux, ne crois pas que tu as sauvé ton père.

Joel regarde Ellie pour voir sa réaction, mais Ellie ne prend même pas le temps de laisser l'homme parler qu'elle lui saute à la gorge. Pendant un moment, je me demande comment elle a fait ; puis je me rend compte que pendant tout le temps où elle parlait à l'inconnu, elle était en train de défaire ses liens. 
En un coup de pied, elle réussit à détruire la cage de fortune qui nous retenait prisonniers et avant que le gars ait compris ce qui lui arrivait, il était déjà mort.
Un frisson me parcoura l'échine.
Si Ellie avait eu envie de me tuer avant, elle aurait pu le faire. Mais visiblement, elle me fait vraiment confiance.

Très vite, je décide de l'imiter, mais après s'être relevé, Ellie se précipite vers moi pour m'aider. Elle défait mes liens, puis ceux de Joël, qui s'occupe de Dina et Jesse. Il nous faut un temps d'adaptation pour nous relever, parce que je me rend compte que le choc de notre capture nous a tous beaucoup touchés physiquement. J'ai très mal aux jambes, mais au moins, l'adrénaline a fait retomber la fatigue.
Heureusement pour nous, personne d'autre nous a entendu.

Joel s'approche alors d'Ellie, puis lui marmonne quelque chose que je n'entends pas.
- On en parlera plus tard, lui chuchote alors Ellie.
Nous regardons tous les gens qui discutent au loin, et essayons de trouver un moyen de nous échapper sans être vus. Comme nous sommes en plein milieu de la forêt, nous ne savons malheureusement pas où se trouve notre route.
- Où sont passés les chevaux ? Dit alors Jesse.
Nous étions tellement absorbés par notre fuite que nous n'avions même pas réalisé le plus important : nous avons perdu nos chevaux, ainsi que sacs, qui contiennent nos provisions, nos armes... Et la photo de mes parents.

- Il faut qu'on retrouve nos affaires, dis je en me retournant vers les autres.
- Bon... On n'a pas le choix, il va falloir qu'on fouille leur campement. Mais ils sont beaucoup trop...
- On a la chance qu'il fasse nuit. C'est un atout, on pourra se déplacer sans se faire voir.
- Oui, j'imagine. Mais certains d'entre nous sont trop faibles pour bouger.
Joel met sa main sur l'épaule d'Ellie.
- On va faire deux groupes. Ceux qui sont encore en capacités de se battre vont fouiller les campements, les autres cherchent les chevaux.

Fait chier. Nous étions si prêts du but, mais nous voilà encore ralentis par les histoires du passé d'Ellie et Joel. Un jour où l'autre, ils devront vraiment nous dire la vérité sur ce qu'il s'est réellement passé. Ils sont tellement focalisés sur les preuves de mon passé, qu'ils ont oublié le leur.
Je n'ai pas le choix, je vais devoir demander à Ellie des explications sur son passé, et le plus vite possible.

Le Dernier EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant