Chapitre 20

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Le calme était agréable.

Elle aurait aimé que cela dure plus longtemps, mais il faut toujours une fin à tout. Même quand on s'y attend le moins.

Cette fin avait été causée à l'instant par Ace, qui avait failli casser la porte tellement elle avait été ouverte brusquement.

Parfois elle souhaitait le frapper, lui faire remarquer qu'il était bête comme ses pieds - elle ne se gênait d'ailleurs absolument pas pour le faire - mais c'était son frère.

Et elle l'aimait. Même si parfois c'était malgré elle.

- Purée, tu peux pas toquer avant d'entrer ! lui reprocha-t-elle en lançant son coussin sur lui, sans aucune douceur. Y'en a qui essaient de se reposer, ici !

- Hé ! Je te rappelle que c'est ma chambre ! Donc je fais ce que je veux ! et il lui balança à son tour le coussin sur la tête.

- D'accord ! Donc tu ne vois aucun problème à ce que j'aille dormir dans un des dortoirs ? le provoqua Johanne.

- Arrête de dire n'importe quoi. Tu fais même pas partie de l'équipage. Donc tu restes ici, un point c'est tout.

- J'ai envie de te baffer parfois, Ace, et là c'est le cas. Sauf que j'ai la flemme de me disputer avec toi, parce que je suis crevée, donc je te prierai de bien vouloir la fermer pour que je puisse avoir un minimum de tranquillité.

- Ne parle pas comme ça à ton grand frère, lui ordonna Ace d'un ton moqueur.

- Petit frère, tu veux dire...

- Non, non, t'as bien entendu.

Johanne se releva en position assise sur le lit, commençant à s'énerver. Elle était un peu à cran, en ce moment.

Elle devait déjà rester constamment sur ses gardes, en plus de la tension qui régnait dans n'importe quelle pièce à chaque fois qu'elle y entrait, alors si Ace commençait à l'embêter, elle allait vraiment péter un câble.

Il faut dire que dans ces petites querelles entre frère et soeur, elle ne marchait pas, elle courait, même.

- C'est moi la plus grande de nous deux !

- Bien sûr que non, c'est moi ! renchérit le brun.

- Nan !

- Si !

- Nan !

- Si !

Leur dispute aurait pu continuer bien longtemps si on n'avait pas toqué de façon exagérée à leur porte en criant aux jumeaux de se taire une bonne fois pour toutes.

- Je vais me coucher, je suis vraiment fatiguée, déclara Jo, mettant fin à la dispute.

- T'en fais trop en ce moment, Jojo, lui fit remarquer le jeune homme. Je sais ce que tu as l'intention de faire, et sache que même moi je n'ai pas réussi à le battre !

- Peut-être, mais moi j'y arriverai.

- Mais rentre toi ça dans le crâne : c'est un em-pe-reur ! T'y peux rien, à part te tuer mentalement et physiquement. Pourquoi t'es crevée à ton avis ? Parce que tu dors plus ! Tu manges plus ! Ce soir t'as mangé ? Non ! Ça fait depuis ce matin que je te croise plus au réfectoire, alors que, te connaissant, t'y serais toutes les deux heures ! Il faut que t'apprennes à lâcher prise, Jo.

Johanne le regarda sans émotion apparente. Elle ne voulait rien laisser passer, aucune larme, aucun sanglot, ni même un froncement de sourcil qui pourrait révéler son état mental à la limite du désespoir.

En voyant qu'elle ne lui répondrait pas, Ace soupira, et vint s'asseoir à côté de sa sœur sur le lit.

- Sinon, t'es arrivée hier, et on a toujours pas eu le temps de parler, depuis ce matin. Thatch m'a dit qu'ils t'avaient recueillie alors que t'étais au seuil de la mort, criant famine, mais bizarrement, je n'en crois pas un mot... se moqua le brun, détendant par la même occasion l'atmosphère.

Johanne sourit et un léger rire lui échappa, tandis qu'elle commençait à raconter à son jumeau toutes ses péripéties, et comment elle avait embobiné l'équipage grâce à son incroyable jeu d'actrice.

Ace l'avait écoutée attentivement, faisant quelques remarques ici et là, ou riant à ses bêtises. Il lui raconta ensuite ses propres aventures, même si elle en connaissait déjà quelques-unes, tenue au courant par Crocodile ou par le journal.

※⁂※

- Attends, attends, tu t'es entraînée avec un grand corsaire ! s'écria Ace.

- Eh oui ! Ça t'en bouche un coin, n'est-ce pas ?! ricana Jo.

- Pfff, tu parles ! Je suis encore beaucoup plus fort que toi !

- N'importe quoi ! C'est pas parce que maintenant t'as mangé un fruit du démon que t'es plus fort !

- Bien sûr que si !

- Pas du tout !

- D'accord, donc demain, Jo, je te défie ! On verra si t'es si forte que tu ne le prétends !

- Parfait ! Prépare toi à manger le sol Ace !

Les jumeaux se couchèrent alors, tout excités de leur combat de demain.

Tandis que Ace ronflait aussi fort qu'un moteur de moto en marche, Johanne ne parvenait pas à trouver le sommeil. Même si elle avait hâte de se battre avec son frère, elle avait peur de griller sa couverture, et même pire : de se faire ridiculiser !

C'était sa plus grande peur. Faire preuve de faiblesse était pitoyable selon elle, il fallait toujours qu'elle soit forte pour protéger ceux qu'elle aimait. C'est pour cela qu'elle détestait être une femme. Vue par tous comme une créature faible, à protéger, ou même, parfois, comme un bout de viande qui ne sert qu'à avoir des enfants.

- Purée, fait chier ! jura-t-elle en chuchotant.

Elle se leva du lit et se dirigea vers la salle de bain. Ce qui était bien chez les commandants, c'est que chacun avait une douche, des toilettes et un lavabo dans leur chambre. Elle entra donc dans la douche et fit couler l'eau froide directement sur son corps, sans attendre que l'eau se réchauffe, se rappelant alors que sa dernière douche ne datait pas d'hier...

L'eau froide ruisselant sur son corps tremblotant lui faisait un bien fou, malgré le froid qui s'emparait de Jo petit à petit.

La jeune fille n'était plus sûre. Cela lui arrivait de façon assez régulière, de douter de tout, sans trouver de solution et de se retrouver dans une phase d'état second qui la plongeait dans ses pensées les plus profondes. Elle ne pourra pas battre son frère. Elle ne pourra pas faire ses preuves. Elle ne pourra pas battre Barbe Blanche, ni l'un de ses commandants. Et elle ne pourra donc plus protéger ce qui lui est cher.

Elle ne sera alors plus rien.

Ou seulement une enveloppe corporelle sans âme. Une coquille vide.

Jo l'increvableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant