Chapitre 25

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- Cha chuffit ! cria Johanne à son propre reflet, une brosse à dents dans la bouche.

Elle était enroulée dans sa serviette, après sa douche matinale, et se brossait les dents en criant. N'importe qui l'aurait prise pour une folle, mais selon elle, elle était simplement en train de se remonter les bretelles soi-même.

- Ça fait déjà trois jours que je suis ici et je ne fais que des bêtises ! elle cracha le dentifrice qui lui restait et se rinça la bouche. Déjà je fais une crise : ridicule ! En plus je me mets à chialer : pitoyable ! Et pour finir, j'ai passé une journée entière à dormir : lamentable ! Il faut absolument que je me reprenne en main !

Elle prit la brosse à cheveux qui traînait sur le bord du lavabo et se coiffa sans aucune douceur, à la limite de s'arracher les cheveux.

- Même Thatch m'a fait une remarque ! Et puis quoi encore, chuis pas une p'tite nature non plus !

Elle pesta encore un bon quart d'heure avant de finalement s'habiller léger au vu des fortes températures cette semaine.

- Bon, c'est décidé ! conclut-elle. Aujourd'hui je ne me repose plus sur mes lauriers roses... non bleus... attends, ça existe les lauriers bleus au moins ? Enfin bref ! Et donc je disais : aujourd'hui je me rapproche le plus possible des grosses primes et j'établis un premier plan d'attaque !

Sur ce, elle s'élança en dehors de la chambre pour rejoindre le pont où elle trouverait au moins une tête primée. Enfin, seulement si elle réussissait à ne pas se perdre dans ce rafiot... ou plutôt dans ce labyrinthe !

※⁂※

En ouvrant enfin la porte qui menait au pont, Johanne souffla un bon coup. Elle ne comprenait pas comment le Moby Dick pouvait être si grand et mal indiqué ! Elle s'était perdue au moins une dizaine de fois !

Le soleil n'était pas encore à son apogée mais cela ne saurait tarder puisqu'il devait être dix heures trente du matin. La vie sur le pont battait son plein : quasiment tous les pirates étaient réveillés à cette heure-là et s'occupaient à l'extérieur au vu de la chaleur et du grand soleil. Certains effectuaient des tâches ménagères, du style balayer, chiffonner serpillèrer... Euh, passer la serpillère, plutôt. D'autres lézardaient face au soleil tout simplement. Et le reste papotait avec ses amis ou s'échangeait simplement des cordialités.

Le pont grouillait donc de monde.

Johanne déglutit, pas vraiment à l'aise, mais finit tout de même par avancer et se frayer un chemin dans cet amas de gens. Elle regarda autour d'elle essayant de repérer des commandants ou d'autres hauts gradés, mais elle ne trouva absolument personne. Soupirant de frustration, Jo s'avança vers la rambarde et s'y appuya, la tête tournée vers la mer, les yeux dans vide. Elle prit cet instant pour réfléchir à tout et à rien à la fois.

Soudain, alors que ses pensées devenaient n'importe quoi, une voix s'éleva juste à côté d'elle, la tirant de sa réflexion profonde.

- C'est toi Johanne ?

Elle se tourna vers l'auteur de cette question qui, selon elle, était totalement idiote, et vit un jeune homme de vingt ans environ, les cheveux blonds très mal coiffés et vêtu d'un short effiloché marron avec une chemise bleue marine. Il ne possédait aucune barbe, même pas deux trois poils qui trainaient, donc soit il était imberbe soit c'était un as du rasage.

- Non, répondit Jo seulement pour l'embêter.

- Ah bon ? T'es qui alors ? Parce qu'à part les infirmières et cette Johanne y'a pas d'autres femmes à bord...

- Je suis la vierge Marie.

Gros blanc.

Le pirate la regarda avec un air béat, ne sachant apparemment pas comment réagir face à cette annonce quelque peu déroutante. En effet, si au début de l'histoire la jeune fille aux cheveux noirs et aux tâches de rousseur, jumelle de Ace, a été présentée en tant que "Johanne", elle n'est autre que la vierge Marie...

Non, c'est faux.

Johanne avait un humour lourd et insupportable que, malheureusement, très peu comprenaient. Et ce jeune garçon, qui se trouvait être assez beau gosse, n'avait pas saisi l'ironie de la phrase.

- T'es vierge ? demanda-t-il les sourcils froncés d'incompréhension.

- C'est pas la question, soupira Jo. Bon, vu que t'as pas capté que c'était une blague je suppose que t'as deux neurones mais bon, pour un pirate comme toi ça m'étonne pas ! Sinon, oui, c'est moi Johanne. Qui d'autre, sinon ?

Le blondinet grinça des dents à la remarque de la jeune brune mais se contenta d'éviter son regard et il se concentra sur la surface de l'eau, pas très agitée aujourd'hui.

- Et toi, t'es qui ? demanda Jo par curiosité.

- Je m'appelle Uramono.

- Ok... Et tu veux quoi Curamano ?

- C'est Uramono.

- Oui, 'fin bon, on s'en fiche. Réponds à ma question : tu m'veux quoi ?

- Euuh... rien du tout ! fit-il en levant les mains en l'air en signe de paix. J'étais seulement curieux de voir à quoi ressemblait la naufragée qu'on a recueilli et en même temps la sœur de Ace.

- Je. ne. suis. pas. une. naufragée. s'énerva Johanne. Bon allez, salut, j'ai pas qu'ça à faire !

Et sur ce, elle s'en alla, laissant le pirate blond bouche bée face à tant de culot. Cette fille était étrange et elle n'avait pas l'air d'avoir peur le moins du monde, surtout sur le bateau d'un empereur... Il y avait anguille sous roche.

※⁂※

Johanne venait de se glisser dans la cuisine en faisant attention à ce que personne ne la voit. Elle regarda si la voie était libre autour d'elle et alla se placer à côté des casseroles. Sur le plan de travail seule une assiette était posée et ce n'était pas une simple assiette, non, c'était une assiette de géant ! Bingo ! C'était exactement ce qu'elle cherchait. Jo commença à fouiller ses poches. Au bout d'un certain temps elle trouva un flacon bien fermé dans la poche droite de son pantalon.

La jeune fille inspira un bon coup, comme pour se donner du courage et se répétait en boucle ô combien son plan était parfait. Sa main qui tremblait il y a à peine quelque secondes cessa de trembler et elle se saisit fermement du récipient, déterminée. Cependant, au moment d'ouvrir le bouchon, la porte s'ouvrit en grand et Thatch apparut dans son champ de vision. Johanne sursauta de terreur et le flacon lui glissa des mains s'éclatant par terre dans un bruit fracassant.

- Johanne ? demanda le cuistot alerté par le bruit. Qu'est-ce que tu fais là ?

Jo l'increvableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant