Chapitre 30

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Johanne était encore toute chamboulée.

Uramano lui trottait encore dans la tête et elle ne parvenait pas à enlever son visage de ses pensées. Elle avait peur de cet attachement soudain qui s'était produit en elle. Elle le connaissait à peine, et voilà qu'elle commençait à éprouver des sentiments pour ce pirate blond.

Que lui avait-il fait ?

L'avait-il ensorcelée ou jeté un maléfice ? D'innombrables scénarios commencèrent à défiler dans sa tête, la faisant paniquer. Elle se laissait submerger par une angoisse infondée. Non, non, non, il ne faut pas dérailler, restons pied à terre et tout se passera pour le mieux, pensa-t-elle. Il ne fallait absolument pas qu'elle s'attache à un inconnu aussi rapidement, cela allait lui attirer de gros ennuis et les conséquences seraient lourdes par la suite, surtout que cet inconnu faisait partie de l'équipage du pirate le plus fort du monde. Déjà que ce n'était pas courant pour Johanne d'éprouver une quelconque attache sentimentale pour une personne, alors en si peu de temps... Elle se sentait désarçonnée, et elle détestait perdre le contrôle de la situation de manière aussi soudaine.

Et si elle tombait amoureuse de lui ? Qu'il l'utilisait pour parvenir à ses fins ? Qu'il se moquait d'elle ? Qu'il profitait de ses sentiments pour l'abuser ? Qu'il lui faisait faire des choses qui se retourneraient contre elle plus tard ? Non, non, non, c'est impossible. Elle ne pouvait juste pas. Elle ne pouvait pas avoir des sentiments pour lui, pour un inconnu aux beaux yeux. Ca se retournerait contre elle, comme d'habitude.

D'une façon presque mécanique, Johanne porta les mains à son cou et commença à se gratter furieusement, elle n'avait pas le droit. Pas le droit de se permettre d'éprouver un quelconque sentiment amoureux. Ça finissait toujours mal. Toujours.

Son cou devenait de plus en plus irrité et ses larmes commencèrent à perler au coin de ses yeux. L'oppression de sa cellule s'ajouta à son angoisse grandissante, elle commença à suffoquer, elle manquait d'air. Ses ongles grattaient la peau de son cou. Elle tentait de prendre des grandes inspirations, sans grand résultat. L'air restait bloqué dans sa bouche et ne descendait pas plus bas, dans ses poumons. Les larmes inondèrent ses joues. Sa vue se brouilla. Elle ne voyait plus aucun détail. La cellule se faisait de plus en plus oppressante. Les murs se rapprochaient. Un peu trop : ils allaient l'écraser et l'étouffer. Elle tenta une autre inspiration avec peine, l'air resta coincé dans sa gorge et elle s'étouffa avec sa salive. Un toussotement la prit, suivi d'un deuxième, et d'un troisième, sans s'arrêter. Elle continuait de gratter son cou, comme pour libérer l'air qui restait bloqué. De longues griffures apparurent, laissant perler quelques gouttelettes de sang.

Elle ne parvenait plus du tout à respirer, l'air lui manquait cruellement, et la quinte de toux dont elle était victime actuellement puisait dans ses dernières ressources.

※⁂※

C'était encore une journée tout à fait normale pour Marco le phénix, malgré ses pensées sans arrêt tournées vers la jeune femme prisonnière sur leur bateau. Il ne pouvait s'empêcher de penser que son instinct avait eu raison de se méfier d'elle, mais il se surprenait à éprouver certains remords quant à la violence dont il avait fait preuve. C'était tout de même la sœur de Ace, et il savait à quel point la famille était importante, pour la flammèche comme pour lui. Alors le simple fait d'imaginer que quelqu'un puisse s'en prendre à ses frères le mettait hors de lui.

Si c'était la sœur de Ace, elle ne devait pas être si méchante qu'elle le laissait penser, non ?

Cependant un cri coupa court à ses réflexions.

- MARCOOOO !

C'était Ace. Le blond paniqua un instant, se demandant ce qui avait bien pu arriver à son frère de cœur, et accourut vers l'endroit d'où provenait son cri. Il se fia à son instinct, et commença à descendre dans la cale. Il retrouva son frère, paniqué.

- Ace, yoi ?! Que se passe-t-il ? demanda le premier commandant, inquiet.

- C'est ma sœur...

Le visage de Marco se ferma imperceptiblement. Ace continua :

- Je suis allé la voir pour m'excuser, mais en arrivant, elle était en train de suffoquer dans la cellule, c'est vraiment grave ! Je t'en supplie, Marco, je sais que tu t'en méfies fortement, mais fais quelque chose, c'est ma sœur, le supplia-t-il.

Le blond ne prit pas la peine de répondre au brun, et se précipita dans la cave où les prisons se trouvaient. Tant pis si c'était une ennemie, dès qu'il s'agissait de quelqu'un à soigner, ses valeurs de médecin prenaient le dessus. Elle restait une vie à sauver, une personne à secourir, et il ne pouvait laisser passer cela.

En arrivant dans la prison de Johanne, Marco ouvrit la porte et entra en urgence. De ce qu'il voyait, Ace avait raison : sa sœur était accroupie au sol, ses poumons se révulsant, et des perles de sang commençaient à s'échapper de sa bouche. L'air lui manquait cruellement et elle haletait, dans un vain réflexe de survie.

L'unique docteur des trois présents dans la pièce, s'accroupit à son tour, se mettant au niveau de Jo. Il la redressa pour permettre à l'air de rentrer à nouveau, car sa position actuelle ne faisait que bloquer sa trachée. Il vit dans son regard un éclair de panique quand elle aperçut Marco devant elle, et comme un automatisme, sa respiration s'accéléra.

- Chuut, Johanne, je ne te veux aucun mal, tenta-t-il de la rassurer, fais moi confiance, juste pour cette fois, yoi.

Le phénix posa une main sur la cage thoracique de la jeune femme et l'autre sur son dos. Il alluma ses flammes bleues, dans le but d'apaiser ses douleurs intérieures. Sa gorge lui brûlait, et les larmes continuaient de couler. Il tenta de respirer plus fort, afin de lui montrer le rythme à suivre. Elle commençait à fatiguer, et elle sentait qu'elle ne tiendrait plus longtemps éveillée, chose que le blond remarqua. Il décida alors de la porter directement à l'infirmerie, loin de cette cage oppressante.

Ace le suivit, au pas de course, comprenant ses intentions, sans qu'aucun mot n'ait été échangé. Il s'inquiétait énormément pour sa sœur. Il ne pensait pas que les récents évènements l'avaient autant marquée. Il se rappela alors qu'ils avaient passé plus de huit mois séparés, ce qui n'était jamais arrivé auparavant, et des remords le prirent soudainement. Il n'avait pas pu être là pour elle. Le brun se rendit compte maintenant qu'un écart, bien qu'imperceptible, s'était creusé entre eux pendant leurs voyages respectifs.

Prenant garde à éviter le plus de monde possible, les deux commandants arrivèrent rapidement à l'infirmerie et déposèrent Johanne dans un lit libre, le plus possible à l'écart des autres. Entre temps la jeune brune s'était évanouie.

- Marco ! Dis-moi qu'elle n'a rien de grave !

Ace était totalement affolé et Marco dut le faire sortir par des coups de pieds aux fesses pour qu'il laisse les infirmières s'affairer, sans avoir un boulet dans les pattes.

Directement, une petite équipe médicale aida le médecin en chef à remettre Johanne sur pieds. Il lui fit passer un masque respiratoire, afin de libérer ses poumons une bonne fois pour toutes et soigna les plaies qu'elle s'était faites. Il n'y avait plus grand chose à faire, à part attendre qu'elle se réveille, et vu la fièvre qui commençait à pointer le bout de son nez, elle n'allait pas sortir des bras de Morphée de sitôt...

- Il va falloir être très vigilants quant à son état, déclara finalement Marco. Tout peut basculer en un instant, yoi. De plus, elle est fragilisée par ces quelques jours en cellule qui n'ont absolument pas été bénéfiques pour son corps. Faites lui passer une transfusion avec les anti-douleurs et pour la nourrir également, elle semble sous-alimentée.

En regardant les infirmières obéir à ses instructions, Marco prit sa tête dans ses mains.

Qui était cette jeune fille et que fallait-il faire d'elle maintenant ?

Il sentait qu'il n'était pas au bout de ses peines, si même Ace était perdu face à elle...

Jo l'increvableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant