Avant l'heure

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Bagha se relaxe dans une baignoire remplie d'eau chaude. San, assise sur un banc à côté, lui tourne le dos. Le visage de Bagha se détend, au fur et à mesure qu'il se laisse porter par la douceur de l'eau.

- Quel régal, l'eau chaude, dit-il. Cet effet relaxant... un pur délice, et surtout de nuit. Les hôtels de cette ville sont absolument divins. Vivement qu'elle devienne mienne, elle aussi. Bon, en réalité, ce n'est plus qu'une question de temps.

Il se redresse légèrement et tourne son visage vers San. Celle-ci, toujours le dos tourné, tremble rien qu'en sentant son regard sur elle.

- Tu nuis à mon heure de relaxation, lui lance-t-il furieusement. Tu dégage beaucoup trop de mauvaises ondes.
- Désolée, dit-elle. Il fait un peu trop chaud, je ne me sens pas à l'aise.
- Non, ce n'est pas ça. Je peux le sentir d'ici. Tu es préoccupée. Par quoi, dis-moi ? A cause de ton ami que tu as trahi ?
- Non, pas du tout, dit-elle en serrant les dents.
- Tant mieux. Mais qu'est-ce que t'as alors ? Ce ne serait pas au sujet du duel entre Kazan et son père ?
- En fait... oui. Comment faites-vous pour rester aussi calme ? N'avez-vous pas peur qu'il prenne la place de son père ?
- Il n'a aucune chance. Je ne sais pas d'où lui est venu l'idée de faire ce duel stupide, mais ça m'évitera de le tuer moi-même.

Il replonge dans le bain, et son visage se détend encore.

- Haaaa ! Ils me font rire, les gens d'ici. Des procès, des duels, des traditions... Quel perd-temps ! Le petit n'avait finalement pas tort, tout cela n'est qu'une mascarade. Dès l'instant où je m'emparerais de cette ville, je ferais cesser ces sornettes qui me font gerber. Je serais le roi de la Nouvelle Arcadie, et ensuite... Je viserais encore plus haut ! Rien ne m'arrêtera !
- Et le Wendigo ? Il est encore dans la nature, et il vous a battu la dernière fois que vous l'avez croisé.
- Le Wendigo... souffle-t-il en grognant. Ce n'est pas un véritable problème. Dès que j'aurais assez de puissance, soit les pouvoirs des quatre alphas des différentes meutes, je serais en mesure de l'affronter. Et je lui volerais ses pouvoirs, ce qui me rendrais encore plus puissant.

Saisi par sa folie des grandeurs, il se lève complètement de la baignoire, se tenant debout et complètement nu.

- Je serais le loup le plus puissant qui n'ait jamais existé ! crie-t-il, le visage déformé par l'excitation. Je conquérirais le monde ! Arcadiens et humains se prosterneront devant ma majesté ! Tel est le but que je nourris...
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- Tu vas te faire tuer, dit Luna à Kazan.

Debout sur le toit de l'immeuble où se trouve son appartement, Kazan ignore les avertissements de sa grande sœur. Son regard est tourné vers l'horizon, éclairé par les rayons éclatants du soleil. Il passe certainement ses dernière heures parmi les mortels, se dit-il.

- Tu m'entends au moins ? rétorque Luna. Tu n'as aucune chance de vaincre Alpha.
- Ce n'est pas vraiment mon objectif.
- Qu'est-ce que tu compte faire, alors ?
- Prends ça comme un règlement de compte.
- Un règlement de compte d'où tu ne risque pas de revenir.
- Qu'il en soit ainsi, alors.
- Et le Wendigo ? Sans toi, on aura pas de chance de l'attraper ! Tu veux vraiment laisser ça pour un règlement de compte ? Tu m'écoute au moins ?

Kazan n'écoute qu'à moitié les paroles de Luna. Il reste pensif, face à l'horizon, ressassant tout ce qui lui était arrivé ces derniers temps. Son retour au sein de la meute, l'évasion de Larkan qui l'a mit sur sa première piste vers le Wendigo, l'attaque des loups de l'Est... Tous ces événements l'avaient amené à cet instant fatidique, à l'instant qui se préparait ce soir. Ce soir, c'est la Pleine Lune, la date limite pour l'union des deux meutes. Ce soir, New Moon City perdra son autonomie au profit de la mégalomanie de Bagha. Et il se sent désormais comme le seul rempart entre cet instant présent, calme et serein comme l'horizon qu'il fixait depuis déjà des heures, et le chaos qui s'apprêtait à s'abattre à cause des têtes faibles et corrompues qui sont censées veiller sur la ville, mais qui au contraire se complaisent dans la médiocrité. Cette meute l'avait auparavant rejeté injustement, mais elle restait sa meute, son monde. Et, par sentimentalisme ou par instinct, il se sentait l'obligation de tout faire pour la protéger. De la protéger du Wendigo, comme sa mère l'avait fait avant lui, ou encore de Bagha. C'est là, son devoir envers New Moon City.

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