Le Procès ( Franz Kafka)

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"Le Procès", publié après la mort de l'auteur, raconte l'histoire de Josef K., un homme qui est arrêté et poursuivi sans connaître la nature exacte de son crime ni les raisons de son arrestation.  Joseph K est comme plongé dans un mauvais rêve, un cauchemar sans fin sans lequel il a une tout entière lucidité mais peut à peine manœuvrer et agir en sa propre faveur. Même le style a quelque chose d'onirique, au fond : tout semble absolument réaliste et réel et cependant on sait que l'on rêve, parce que cette réalité est malgré tout déformée, exagérée de manière outrée. Le personnage est accusé, il se défend pour son procès mais jamais il ne s'interroge plus que ça sur le motif et les charges, jamais il ne se scandalise ni ne réclame justice avec suffisamment de virulence et de colère. Jamais aucune situation farfelue ne l'interroge ni ne l'indigne vraiment ni absolument. Voilà là l'apanage du rêve : tout semble réel mais rien n'interroge vraiment le rêveur, même les rebondissements les plus saugrenus et improbables.
Ce joseph K est englué dans une situation plus qu'absurde qu'il ne peut vraiment changer malgré ses maigres tentatives. S'il prend d'abord à la légère ce « procès » en cours ou en devenir, procès sans charges ni accusations précises au demeurant, il glisse peu à peu dans une sorte d'engrenage, de suite de rouages dans lesquels l'accusé doit agir un peu dans le vide, cesser toutes ses activités et préoccupations pour se consacrer tout entier à son procès, ce qui ne mène nulle part au fond. C'est un peu comme nager de toute ses forces à contre-courant mais sans jamais se noyer tout à fait, ce qui n'est pas sans rappeler le rêve une fois encore. À présent que le monde sait qu'il a un procès, que sa famille (son oncle en l'occurrence) y est en loin impliquée de manière indirecte et par lien de parenté (encore une aberration qui ne le questionne pas), il doit agir, se soumettre aux juges, aux avocats et apprendre les fonctionnements des administrations, des magistrats, de tout un système qu'il ignore et qui est absolument opaque et irrationnel.
L'histoire se déroule dans une société bureaucratique et oppressive où les règles et les procédures sont plus importantes que la justice elle-même. C'est comme une farce qui ne s'arrête pas, qui ne cesse jamais. En témoigne l'autre accusé qu'il rencontre dans une salle d'attente et qui est tout entier à son procès depuis cinq ans, procès qui est, selon l'avis de l'un de ses nombreux avocats, pas même commencé : situation devenue tout à fait absurde par le fait que cet étrange personnage dort chez son avocat tant il craint de ne pas être là quand il sera appelé.
N'importe son innocence ni même les motifs du procès, Josef K se retrouve pris lui aussi dans un système kafkaïen, burlesque. Il doit parlementer avec des juges, consulter des avocats, jouer l'amour avec des femmes proches de la justice, visiter un étrange artiste qui a des amis hauts placés dans la justice, et tout cela non pour prouver son innocence ou négocier une peine mais uniquement pour qu'on lui accorde des faveurs, que ces gens qui connaissent d'autres gens lui rendent la chose un peu moins pénible. Et tous ces protagonistes ont l'air de détenir un pouvoir immense sur son destin. Mais quel destin, au juste ? Lui même l'ignore. Il n'a rien fait, en somme. Un matin on lui annonce qu'il aura un procès, voilà tout. S'en suivent d'abord une sorte de révolte passive, puis, peu à peu, une véritable aliénation. Josef K. est sans cesse frustré dans ses tentatives de comprendre les charges qui pèsent contre lui et débouté dans sa défense. Personne n'est-il compétent, intègre ? Visiblement non. Il se sent impuissant et isolé et son procès devient une expérience déroutante, parce que sans issue. C'est même infiniment drôle, cette vision critique de la bureaucratie et du système judiciaire, où des individus ordinaires et innocents peuvent être écrasés par une machine impersonnelle et déshumanisante. Absurde, irrationnel, injuste, ce procès qu'il doit subir, mais n'importe : tel est son sort. À aucun moment il ne se figure qu'il est dans un mauvais rêve. Et cependant il serait inutile de s'offusquer fort : il faut s'en sortir comme on peut, voilà tout. La justice est insensée et arbitraire, comme l'est la vie.
C'est sombre et drôle à la fois. Les personnages sont grotesques, les situations absolument ineptes, confuses, déconcertantes. Et l'atmosphère y est aussi oppressante, frustrante, agaçante qu'empreinte de fine drôlerie.

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