Prologue - Jour 0

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Hermione tournoyait sur elle-même dans un tumulte de couleurs et de bruits qui étourdissaient ses sens.

Ses oreilles sifflaient et la faisaient atrocement souffrir. Ses membres, tirés par une force invisible, semblaient vouloir se détacher de son buste et s'étiraient toujours plus, si bien que la Gryffondor avait l'impression d'être plongée dans une centrifugeuse géante.

Elle arrivait à peine à ouvrir ses yeux, aveuglés par toutes les images qui se bousculaient devant elle. La jeune femme ne distinguait plus rien, sinon des tâches colorées derrière ses paupières et un bourdonnement incessant qui fatiguait ses oreilles.

Et tout ça à cause de Ron, maugréa-t-elle en son fort intérieur.

Ils avaient assisté, cachés, à la dernière entrevue entre le Seigneur des Ténèbres et son fidèle serviteur, qui n'était nul autre que leur professeur de potions : Severus Rogue. Le premier décidant qu'il n'avait plus besoin du second, avait ordonné à son gigantesque serpent de le tuer avant de retourner auprès de ses troupes.

La jeune femme, alors mortifiée à l'idée de perdre l'homme au centre de ses pensées, s'était précipitée à son côté avec les soins de premier secours. Malheureusement, cela n'avait pas suffi et dans la précipitation, elle s'était emparée du Retourneur de temps, voyant en lui son dernier espoir. En ces temps sombres, les précieuses petites chaînes dorées ne couraient pas les rues et elle voyait en sa présence un signe.

Un signe qui lui prouvait qu'elle faisait le bon choix.

Un signe pour le maintenir en vie.

Seulement encore une fois, les choses ne se passèrent pas comme elle l'avait prévu...

Si l'Élu avait immédiatement compris ce qui se tramait dans la tête, mais surtout dans le cœur de sa meilleure amie, ce n'était pas le cas de Ronald. Ce dernier, aveuglé par la haine qu'il éprouvait envers son ancien professeur, ne comprenait pas pourquoi Hermione tentait le tout pour le tout pour lui sauver la vie.

Après tout, il avait passé le plus clair de son temps à les traumatiser, s'évertuant à leur rendre la vie insupportable durant leurs longues heures de cours. Il s'était montré particulièrement hargneux envers Hermione, n'ayant de cesse de l'humilier et de la rabaisser devant ses camarades.

Et alors qu'ils l'avaient presque accepté au sein de l'Ordre du Phénix, il avait tué Albus Dumbledore. Ce geste impardonnable avait précipité sa chute au sein des troupes de la lumière mais surtout, lui avait fait perdre le peu de confiance que lui accordait l'Ordre. Sa nomination à la tête de l'école de sorcellerie Poudlard avait suivit, ouvrant les portes à bon nombre de pratiques inhumaines. Il avait mis le château au service d'un Ministère corrompu et de ses Mangemorts, exaltés par les nouveaux pouvoirs que leur conférait la magie noire dont les abreuvait le Lord Noir.

Ainsi, aux yeux du rouquin, cet homme méritait plus que la mort.

Une telle rage le consumait de l'intérieur que, s'il avait pu, s'il n'avait pas su se maîtriser, il aurait pu l'achever de ses propres mains. Il avait vu les mains tremblantes d'Hermione faire glisser la longue chaîne en or autour du cou lacéré de leur enseignant qui se vidait, lentement et dans un gargouillement affreux, de son sang.

En un coup de baguette il aurait pu en finir avec lui.

Puis, elle avait commencé à faire tourner plusieurs fois le petit sablier doré sur lui-même. Cependant, s'il n'avait aucune pitié pour leur ancien professeur, Ronald se refusait de blesser Hermione avec un sort malvenu. Et alors que le Retourneur de temps se mettait en marche, le jeune homme avait pointé sa baguette sur Rogue et lancé un Protego retentissant.

À partir de ce moment-là, une boule bleue avait émergé du sablier et le temps s'était brutalement figé. Personne n'avait pu bouger, le sang s'écoulant de la plaie béante avait coagulé et chacun regardait avec un mélange de peur et d'ébahissement la sphère bleue qui grossissait encore et encore.

Hermione avait fusillé Ron du regard. Comment avait-il pu ? Après tout ce que Rogue avait fait pour eux...

La jeune femme avait toujours eu un esprit aiguisé et repérait des détails négligés ou mal interprétés par les autres.

C'était en troisième année que ses doutes quant à son appartenance à leur camp avaient surgi. Tout d'abord, elle avait pressenti bien avant ses camarades la véritable nature du professeur Lupin, et une fiole de potion Tue-Loup déposée sur le bureau du potionniste lui avait permis de confirmer ses hypothèses. Puis Rogue s'était mis entre eux et le professeur Lupin, alors sous sa forme incontrôlable et elle avait su.

Lors du Tournois des trois sorciers, il s'était méfié du Professeur Maugrey et c'était aussi lui qui avait prévenu l'Ordre quand Harry avait cru son parrain entre les mains du Lord Noir. Ainsi, tous ces exemples mis bout à bout formaient la trame de ses actions en faveur de la Lumière, soigneusement cachées sous une couche de sarcasmes dégoulinant et un comportement à en faire pâlir plus d'un.

La mort de Dumbledore avait quelque peu perturbé ses conjectures mais en y réfléchissant bien, là encore, tout était soigneusement calculé : en début d'année, il lui avait semblé que leur Directeur n'était plus habité par sa folie habituelle. Il semblait plus renfermé et sa main noircissait de plus en plus rapidement. La Magie Noire n'avait aucun remède et il était de toute évidence condamné. Si elle avait vu juste, sa mort de la main de leur enseignant lui avait fourni une couverture parfaite pour ses activités d'agent double.

Elle avait passé des nuits entières à ressasser ces pensées en boucle et au final, une sorte de profond respect mêlé à de l'admiration avait surpassé n'importe quel sentiment.

Comment ne pas admirer cet homme brillant ?

Rogue avait assurément fait de mauvais choix, mais il s'était largement racheté et avait accepté de jouer son rôle dans l'ombre, se cachant de la reconnaissance qui lui était due.

Mais l'explosion de la boule bleue l'avait sortit de ses pensées, l'emportant elle ainsi qu'Harry, Ron et leur professeur, dans un tourbillon glacé et aveuglant.

Quand la Gryffondor avait rouvert les yeux, elle avait vaguement distingué un château au-delà du tourbillon avant d'être contrainte de fermer les yeux devant la puissance des vents qui la malmenaient comme une vulgaire poupée de chiffon, venant faire germer des larmes aux coins de ses yeux.

Peut-être était-ce Poudlard ?

Mais l'absence de lueur orangée, témoignant de la bataille qui y avait fait rage, ne lui permit pas de déterminer avec exactitude où elle se trouvait. La Gryffondor tourna encore pendant plusieurs minutes, qui lui parurent une éternité. Puis tout s'arrêta d'un coup et elle fut projetée avec force vers le sol où sa tête heurta une grosse racine et ce fut le noir total.

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