40. Lettre à mon fils

154 1 15
                                    

⚠️ Les sujets du cancer et de la négligence familiale seront abordés ⚠️

Kenma,

Mon premier né, mon fils.

Ça y est, je saute le pas.

Si je t'écris cette lettre, c'est parce j'ai honte et que je n'ose pas me tenir devant toi. Affronter ton regard serait trop dur. Ce que je fais est lâche, tu as le droit de le penser et tu aurais raison. Mais s'il te plaît, accepte au moins de lire ces quelques mots.

Quand tu es venu au monde, nous étions fous de joie avec ta mère. J'espère que tu le sais. Tu étais un bébé rieur, espiègle et joyeux. Ton prénom signifie "fort, authentique". En te le donnant, nous voulions que tu sois paré pour la vie, que tu trouves ta place parmi tes semblables. En grandissant, tu n'as pas changé, tu es resté toi-même. Tu continuais de nous combler malgré le petit caractère que tu commençais à te forger.

J'étais tellement fier de toi...

Je le suis toujours.

Je suis juste complètement parti en vrille depuis ton année de troisième. Au début, je ne savais pas ce qu'il se passait. Ta mère se plaignait de diverses douleurs dans les muscles, les os et au sein. Enfin bref, plus le temps passait, plus les désagréments augmentaient. Après une consultation chez sa gynéco, elle a été réaliser son examen anatomopathologique. C'est-à-dire qu'on lui a prélevé des tissus au niveau de l'anomalie pour que le diagnostique soit confirmé. Cette biopsie a été le point de départ de notre parcours du combatant. Ta mère a dû subir une opération qu'on appelle la mastectomie partielle pour lui retirer ce qui devait l'être. Puis elle a suivi des séances de radiothérapie cinq jours consécutifs pendant trois semaines un mois après l'intervention pour éliminer des éventuelles cellules cancéreuses restées dans le sein. Et ensuite, il y a eu toute la surveillance et les effets secondaires des traitements, notamment la prise de poids.

C'était dur.

Quand j'ai appris que ta mère était atteinte d'un carcinome lobulaire, malgré qu'il soit non invasif (la tumeur reste "localisée"), je me suis effondré. Même si ce type de cancer est plus facilement traité que ceux qui envahissent les tissus voisins, je n'ai pas réussi à redescendre. Je n'ai pas su me comporter comme un homme et comme la figure paternelle que j'aurais dû être pour toi depuis qu'on a appris la nouvelle. Tu en as pâti et je m'en voudrais éternellement. J'ai tout fait pour cacher mes émotions mais j'avais la rage. Je ne comprenais pas pourquoi elle, pourquoi ma femme, votre mère, à Sora et à toi.

Parlons en...

Tu avais 15 ans et ton frère, 8. Et je pense que la raison de pourquoi je me suis déchaîné sur toi restera un des plus grands mystères de mon être. La seule explication que j'ai (et quelle explication de merde...), c'est que tu étais plus en capacité de comprendre. Tu avais tout pour toi. Comme tu me l'as dit, tu avais des amis, des bonnes notes à l'école, une super équipe... Évidement, tu as toujours tout ça mais mon mépris et ma colère envers la maladie et envers toi ont disparu. Aujourd'hui je suis triste, peiné, désemparé.

Je voudrais réapprendre à te connaître et à t'accepter dans ton entièreté.

Ensuite, comment ne pas parler de Tetsuro ? Quand il est entré dans ta vie, j'étais content que tu rencontres quelqu'un de ton âge. Tu as toujours eu besoin de stabilité et il t'en a tout de suite apporté. À mon inverse. Depuis neuf ans, vous avez fait les quatre cent coups ensemble, on ne pouvait plus vous séparer. Ta mère aimait bien prendre des photos de vous dans le jardin. Des fois même, elle se joignait à vous. Quand votre relation a commencé à changer, j'ai eu peur de ce que j'ignorais. Je ne connais pas grand chose à l'homosexualité ou aux autres orientations. Je n'ai pas vraiment été éduqué dans une famille très ouverte. Aussi, avec tout ce qu'il s'est passé depuis deux ans et la relation que tu vis avec ton capitaine, je ne sais plus comment t'aborder (c'est peut-être pour ça que j'ai choisi l'écriture au lieu de la parole...). Par contre, je t'observe, Kenma. Discrètement, mais je t'observe : le sourire qui illumine ton visage quand tu lui parles au téléphone ou quand tu lui écris, l'entrain avec lequel tu prépares tes tartes aux pommes fétiches quand on sait qu'il va venir à la maison, ta sérénité mêlée à ta concentration quand tu joues au volley (ça, c'est Sora qui me l'a raconté)... Je vois comment tu te comportes quand vous êtes ensemble. Et crois-le ou non mais ça me rend heureux.

Haikyuu : neuro a...nxiétéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant