Part XIV - La Rage au Ventre

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Les nuages se dispersaient peu à peu alors qu'Enid marchait seule dans les rues de Jéricho. Après l'entretien avec Bruce Wattman, qui avait exposé son plan d'attaque pendant plus d'une heure et demie, la jeune fille, dont le comportement de Mercredi tendait les muscles de la nuque, présenta ses excuses auprès de la famille Addams et prit conger dans l'espoir de s'évader de cette prison d'angoisse perpétuelle. Elle aimait sa nouvelle famille. Morticia et Gomez étaient les parents qu'elles avaient toujours rêvé d'avoir. Mais dans l'attitude de sa petite amie (pouvait-elle encore l'appelée ainsi ?), il y avait une toxicité qui l'empoisonnait. Mais maintenant qu'elle avait pris ses distances, Enid se sentait terriblement seule. Les gens marchaient autour d'elle, sans la regarder. De temps en temps, quelques normis, rempli de crainte, lui jetaient des regards méfiants. Malgré le statut de Jéricho, celui de la ville qui mélangeait normis et marginaux, le racisme persistait. Une maladie qui s'étendait dans le cœur de chacun. Ainsi, malgré le silence qui couvrait les insultes, la haine gardait la couronne sur toute autre philosophie. Les vaines tentatives du maire pour rapprocher ces deux communautés qui avait opéré un quelconque changement sur les mentalités. La majorité des normis détestait les élèves de Nevermore. Et les marginaux attisaient une colère face à cette injustice. En temps normal, Enid ne se souciait pas de ces combats en dehors que sur les réseaux sociaux. Mais alors qu'elle se promenait dans cette solitude accablante, la distance qui la séparait des normis lui semblait bien plus tragique encore.

Un rayon de soleil, tiède et moite à cause de l'atmosphère, caressa son visage. Les cicatrices, derniers cadeaux du Hyde, la démangèrent alors que sa peau s'abreuvait de cette lumière chaude. Il avait plu pendant deux jours entier, sans aucune interruption. L'air, chargé d'humidité, paraissait étouffant durant la journée, et frais pendant la nuit. Au cours de cette période où la pluie se déversait sur les tuiles de l'académie, Enid n'avait point dormi, tourmentée par des sanglots intermittents et une colère diffuse que Yoko tentait avec désespoir d'apaiser. La blessure, cependant, était trop profonde. Aucun médicament ne pouvait soulager la louve du saignement de son cœur. Ce dernier avait été confié à Mercredi Addams et elle l'avait brisé. Alors, Enid avait passé deux jours, roulée en boule dans le lit de Yoko à pleurer. Si bien que la vampire, pourtant téméraire, avait tout bonnement renoncé à lui apporter du réconfort, son aide se limitant désormais à lui serrer la main ou la bercer jusqu'à ce que la louve s'accorde une heure ou deux de sommeil.

Enid sentit une gêne étouffante envahir son thorax, comme si un liquide immergeait ses poumons et comprimait son cœur. Un sentiment qui ne l'avait presque jamais abandonné depuis sa dispute avec sa colocataire. Son seul répit fut à l'arrivée de la famille Addams. Les mots doux de Morticia et l'attitude paternel de Gomez avait fait office de pansement sur cette blessure neuve. Mais cela ne l'empêchait pas de s'infecter. Maintenant qu'Enid se promenait seule, sans personne autour pour lui changer les idées, la douleur devenait insupportable. Sa potentielle rupture avec Mercredi n'était qu'une pièce de ce tragique puzzle qu'était sa vie. Le procès en approche lui fournissait une indicible angoisse qui s'enracinait dans son estomac à chaque fois que son esprit s'égarait vers ce sujet épineux. A la fin du trimestre dernier, elle avait vaincu Trent et sa bande en employant toute ses forces. A la sortie de ce combat, elle s'était bercée dans l'illusion que tout était terminé. Sublime mensonge...

En plus de ces deux événements, qui mettraient probablement à terre la majorité de ses camarades de classe, ses cauchemars s'acharnaient chaque nuit, à chaque bribe de sommeil dont elle pouvait profiter. Leur violence et leur noirceur augmentait au fil des nuits. Chaque fois qu'elle succombait à sa fatigue, Enid revivait son viol avec toujours d'avantage de détails. Alors, elle se réveillait en hurlant comme pour chasser ces chimères dans les confins de son esprit. Il lui fallait plusieurs heures pour se rendormir... et revivre une fois ce plus cet événement traumatisant. La seule source d'apaisement était les étreintes étonnamment chaleureuses de Mercredi. Désormais, Enid en était privée et même si Yoko faisait de son mieux pour remplacer la gothique dans cette tâche, cela ne suffisait pas.

La Vengeance n'est pas la Justice (Fanfiction Wednesday) tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant