Leurs Noms

Chapitre 17 - Trigon

------------- Violet -------------

Le soleil commençait à illuminer ma chambre quand j'entendis les premiers pleurs.

Fronçant les sourcils, je sortis à pas lents de ma chambre, comme un enfant qui sent que quelque chose a changé dans la maison. Retenant de ma main gauche mon plâtre pour éviter qu'il ne heurte mes côtes contusionnées, je m'approchai de la source, alors que peu à peu, les sanglots s'intensifiaient. Enfin, j'ouvris la porte du temple et trouvai Christopher et Jane face au lever du soleil. Mais les pleurs saccadés de la blonde reflétait une peur si profonde que je frissonnai malgré la chaleur du soleil qui caressait ma peau.

- Qu'est-ce qui se passe ? chuchotais-je, effrayée par les sanglots incontrôlables de mon amie.

Christopher porta son regard vert sur moi, et répondit :

- May a été...

Soudain, son regard s'illumina, et il se leva rapidement pour se diriger un peu plus loin en sortant son téléphone. Il était trop loin pour que je l'entende, et je fronçai les sourcils, contrariée. Puis je rejoignis Jane, qui était secouée par le désespoir.

- Jane... dis-je en l'attirant dans mes bras.

Elle mit du temps à se calmer. Des minutes interminables passèrent avant que les pleurs ne la laissent, et enfin, elle réussit à prendre de grandes inspirations. Ce ne fut qu'à ce moment-là que je demandai d'une voix douce, en caressant ses cheveux blonds :

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Elle renifla, puis répondit, son visage niché dans mon cou :

- May a disparu. Elle... elle a été enlevée par la famille ennemie au Delta, les Trigon.

J'étouffai un cri, comprenant soudain l'état de la jeune femme. Comprenant quelques secondes plus tard la fin de la phrase, je fronçai les sourcils. Le nom de famille m'évoquait quelque chose mais je n'arrivai pas à trouver quoi. Alors que j'hésitais entre la rassurer et lui demander des explications, elle me surprit en poursuivant d'une voix faible :

- Depuis la découverte des Amériques, les deux clans se sont opposés, l'un basé aux États-Unis, l'autre en Angleterre. La guerre d'indépendance fut extrêmement sanglante pour les deux familles, et c'est à ce moment-là que la véritable rivalité est née. Au cours des années suivantes, durant l'essor des États-Unis, la compétition devenait toujours plus importante aux yeux de chaque membre des clans. C'était comme si le but ultime de chacun était de battre à plate couture l'ennemi. Sans succès, cependant. Les victoires se sont enchaînées, et à chaque fois qu'un clan provoquait l'autre, changeait de propriétaire. Alors la colère s'est transformée en haine, si puissante que les chefs de familles se sont rencontrés dans l'année 1900. La guerre n'était plus acceptable, disaient-ils, car trop mortelle et dangereuse. Ils ont fait un pacte pour permettre à tous de faire la paix. Aujourd'hui, c'est la première attaque depuis 123 ans. Et ils ont attaqué ma fille.

Quand j'entendis l'amertume dans ses derniers mots, je me rendis compte que Jane était en colère. Et quand elle se dégagea de mon étreinte, et que je vis son regard brûlant, je me dis que l'adjectif « enragée » convenait mieux. Elle se leva et se mit à faire les cents pas.

- Euh... je peux faire quelque chose ? lui demandais-je.

Elle me jeta un regard furieux.

- Non, parce qu'à cause de toi, Christopher ne peut pas repartir en Amérique.

Je reculai devant son reproche, contrariée.

- En quoi c'est ma faute ?

- Réfléchis, Rose ! Caleb a provoqué une gigantesque chasse à l'homme dont tu es le visage ! Tu ne peux pas retourner là-bas ! Et jusqu'à ce que quelqu'un d'autre arrive, Christopher doit rester là pour veiller à ta sécurité !