Chapitre 28 - Ennemis

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-------------Christopher-------------

- Je crois qu'on a tout.

Je relevai le regard vers ma mère, qui fixait les dizaines de dossiers éparpillés sur le sol, comme pour voir s'il en manquait un. Satisfaite de son inspection, elle me regarda et me demanda :

- Qu'est-ce que tu en penses, chéri ?

Je hochai la tête, et esquissai un sourire fatigué. Ma mère avait l'arbre généalogique de Bès Crey sur vingt-trois générations, son acte de naissance, tous ses établissements scolaires, ses allergies, son dossier médical, son CV, toutes ses lettres de motivation, ses métiers, le bail de la librairie que ses parents puis lui avait tenu, ainsi que celui de son appartement à Manhattan. Moi, j'avais son contrat de mariage (très détaillé), tous les contrats signés entre Trigon et lui (très nombreux), et une quantité astronomique de clichés pris de lui au cours de sa vie – photos de classe, photo d'identité, photos qui venaient des réseaux sociaux, photos qui venaient des caméras de surveillance. Je devais en avoir plus de trois mille. Et encore, j'avais aussi des vidéos. Et j'avais enfin fini les cinq possibilités de journée type de Bès Crey.

- Oui, je pense qu'on a fini.

Bien sûr, tout ça, c'était sans compter l'entièreté de ses relevés bancaires, que ma mère était en train de mettre sur clé USB.

- Je vais envoyer ça à ton père.

- Tu es sûre ? lui demandais-je.

Elle me jeta un regard interrogateur.

- Ce n'est pas le but ?

- Si... mais il m'a dit qu'il voulait les voir quand il rentrerait. Je ne pense pas qu'il faut qu'on les lui envoie.

- Mmh... il ne vaudrait pas mieux lui demander ? proposa-t-elle en repassant une courte boucle blonde derrière son oreille.

- Si tu veux. Mais appelle-le, parce que...

- Je sais, dit-elle en se levant.

Elle me lança un sourire, et je soupirai en la voyant s'éloigner avec son téléphone. Regardant l'heure sur mon ancien ordinateur que j'avais laissé ici, je fermai les yeux en voyant qu'il était minuit passé. En Angleterre, il devait être cinq heures du matin.

Alors, pour la première fois depuis l'appel de mon père, je m'autorisai à penser à Violet.

Elle doit être en train de péter un câble.

Voir son père – qui n'avait pas l'air terrible, selon les maigres informations qu'elle m'avait donné – débarquer chez les Trigon, et les menacer d'une arme ? Je frémis à cette idée.

Si j'avais été là-bas...

Bès Crey serait déjà mort.

Je baissai le regard, et vis mon téléphone, qui bien qu'à 100% de batterie, continuait de charger depuis une heure et demie.

Tu devrais l'appeler, Chris.

Non, elle est déjà bouleversée, je ne vais pas en rajouter une couche.

Peut-être que ça lui ferait du bien, au contraire ?

Non.

Pourtant, elle t'a dit que tu lui...

NON !

Je pris une grande inspiration. Depuis notre dernière conversation – c'est-à-dire il y a un peu plus de vingt-six heures – son aveu ne cessait de revenir. Mais je le repoussai, à chaque fois.

Leurs NomsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant