Chapitre 19,5 - Caleb

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Observant d'un œil distrait la pluie qui battait les fenêtres, j'attendais, impatient.

Elles vont arriver d'une minute à l'autre.

Je fixai, agacé, mon pied qui s'agitait. D'habitude, j'arrivais à contrôler mon hyperactivité, à l'aide d'exercices de respiration, mais cette fois-ci faisait exception.

Elles arrivent.

Je n'arrivai tout simplement pas à rester calme. Mon pied frappait le sol à un rythme soutenu, presque aussi fervent que la pluie qui tombait dru à l'extérieur.

Soudain, l'impatience qui brûlait en moi fut la plus forte. Je me levai, puis me mis à faire les cents pas, ignorant totalement le luxe du salon dans laquelle j'attendais. Elles avaient toujours haï l'ambiance du QG dans lequel j'évoluais. Alors, pour leur faire plaisir, j'avais fait l'effort de me rendre dans l'un des appartements privés des Delta, au Plaza. La première fois que je m'y étais rendu avait été une occasion spéciale...

Mon mariage.

9 ans plus tôt,

- Je n'aurais jamais cru sourire à mon mariage, soufflais-je en regardant mon reflet dans la glace.

Haussant un sourcil, mon frère m'observa, l'air narquois, alors qu'il essayait la panoplie de cravates à notre disposition.

- Je n'aurais jamais cru que tu aurais un mariage.

Lui lançant un doigt d'honneur, je masquai mon amusement. Christopher allait dire quelque chose, quand on ouvrit la porte de l'appartement dans lequel je me préparais. Mon corps se tendit, préparé à une confrontation avec mon père. Mais je soufflai de soulagement quand le miroir sur pied me renvoya l'image de la mère de Jane, Meredith Black. Splendide dans sa robe turquoise, ses cheveux blonds lâchés comme des rayons de lune, elle fixa son regard bleu sur moi. Je me tournai vers elle, légèrement nerveux. M'analysant de la tête aux pieds, elle finit par hocher la tête.

- Dépêchez-vous, les garçons. Ça va bientôt commencer.

- Tout le monde est prêt ? demandais-je.

Mon esprit ne pouvait s'empêcher d'essayer d'imaginer Jane. Aurait-elle les cheveux attachés ou lâches ? Sa robe serait-elle simple ou sophistiquée ? Porterait-elle des fleurs ou des diamants ? Meredith claqua les doigts devant mon nez, et je clignai des yeux.

- Pardon ? fis-je, confus.

Elle leva les yeux au ciel. Puis elle répéta :

- Oui, Caleb, tout le monde est prêt. Christopher, tu as bien les alliances ?

Mon frère hocha la tête. À cet instant précis, je mesurai à quel point il avait grandi. Il n'était plus un enfant, à seize ans, et s'approchait de l'homme qu'il deviendrait. Ses traits s'étaient affinés, sa stature s'était étoffée, et la lueur d'innocence qui brillait dans ses yeux verts lorsque nous étions plus jeunes s'était éteinte. Il fixa sur moi son regard, fier et grave.

- Je les ai, Meredith.

Celle-ci hocha la tête. Dans l'encadrement de la porte, je vis apparaître un visage familier. Ma mère esquissa un sourire tendre, me regardant de ses yeux pistache. Elle tendit la main vers moi, m'invitant à la rejoindre. Prenant une grande inspiration, je jetai un dernier regard vers le miroir. La glace me renvoya l'image d'un jeune homme pâle, grandi par les obstacles que la vie avaient peu à peu mis en travers de son chemin. Ses yeux, d'un vert émeraude, étaient froids. Mais je parvenais toujours à voir le fantôme d'un sourire malicieux sur ce visage. Fermant les yeux, j'imaginai ma vie dans un an.

Leurs NomsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant