HOME - Chishiya x OC [AIB]

Ch37

"Mademoiselle, vous m'entendez ?"

Ren se réveilla prise d'un sursaut, elle regarda ses alentours, le souffle court, paniquée, comme si quelque chose de dangereux était là, et pouvait lui faire du mal. L'infirmière qui bordait le lit avait l'expression sombre, combien de patients avait-elle déjà vu avoir cette réaction à leur réveil ? Combien de fois devrait-elle répéter la catastrophe qui avait frappé le Japon ?

"Où je suis ? - demanda Ren, d'abord sans comprendre.

Après une seconde d'inspection où elle balaya la pièce du regard, elle comprit. Les raisons lui restaient obscures. Elle fixait son corps, dépassée, tous ces bandages, et cette douleur, cette douleur oppressante qui l'immobilisait dans le lit.

"Qu'est-ce que je fais à l'hôpital ?
- Vous avez été une victime de la météorite qui s'est abattue sur Shibuya, vous avez survécu."

Et elle s'était demandée si c'était le premier avril, parce que jamais dans sa vie elle n'aurait cru entendre quelque chose d'aussi impensable. Sa mâchoire s'était décrochée, elle la fixait, incrédule. Ça doit être une mauvaise blague. C'est impossible. C'était possible. C'était arrivé. Elle le réalisait en voyant le sérieux sur le visage de cette pauvre femme. C'est bel et bien réel.

"Vous avez beaucoup de chance, vous êtes restée entre la vie et la mort un instant, mais vous vous êtes réveillée."

Entre la vie et la mort. Elle avait failli mourir alors. Elle aurait pu mourir. Mais elle était là. Réveillée et vivante, un cœur battant en elle. Mille questions la prenaient d'assaut. Un élan de culpabilité l'empara. Elle était vivante, mais combien avaient péri ? La dévastation la rongeait, petit à petit.

"Combien de temps j'ai passé entre la vie et la mort ?
- Une minute.
- Une minute ?"

Une minute et tout aurait pu se terminer. Une minute mais elle avait l'impression de revenir de tellement loin. Une minute et tout avait été effacé. Elle ne se souvenait de rien. Rien du tout. Aucune météorite, aucun bruit, aucune sensation, juste un trou, et du noir. Après ça, plus rien.

Elle contractait son cerveau pour essayer de se souvenir, une petite chose, peu importe quoi, et c'était comme si une bribe de rêve lui était revenu. Elle voyait des couleurs dans le ciel, et elle sentait, qu'il y avait comme une présence à ses côtés, quelqu'un était là, mais elle ne pouvait pas voir qui. Le choc doit me donner des hallucinations.

« Vous feriez mieux de vous reposer. Vous pourrez sortir dans deux jours. »

Elle était sortie. Le regard de Ren s'était dirigé sur la télé presque inaudible de la chambre, sur l'écran, les nouvelles relayaient l'information. Quoi que, c'était un programme un peu spécial, un hommage, à tous ceux qui n'avaient pas eu la chance de se réveiller.

Pourquoi je suis restée en vie ?

Elle se demandait pourquoi. Pourquoi elle. Elle se demandait combien étaient morts, et combien auraient aimé revenir. Pourquoi avait-elle été ramenée à la vie ? Une personne comme elle. Quelqu'un qui n'avait nulle part où aller, personne à enlacer, rien. Elle n'avait rien à quoi se raccrocher. Elle pensait à tous ces gens qui devaient regarder la télé, médusés, à prier, prier que le nom de leur proche ne s'affiche pas sur l'écran, et elle se disait que personne ne devait avoir prié pour elle.

"Vous repensez à votre vie ?"

C'est seulement là qu'elle remarqua qu'elle n'était pas seule, dans cette chambre trop grande et trop blanche. Il y avait un homme, couché dans le lit d'à côté, lui aussi amoché, elle le devina, lui aussi un survivant.

Elle resta bloquée sur son visage, cette apparence peu ordinaire et ce regard qui lui rappelait quelque chose, mais sans savoir exactement quoi. Mille choses sur lesquelles elle ne pouvait pas mettre de mots. Quelque chose de terriblement familier mais aussi terriblement lointain. J'ai l'impression de le connaître. Pourtant, elle était certaine de ne l'avoir jamais vu. C'était une impression bizarre, une sorte de déjà-vu, et des réponses étranges de son corps. Qui est cet homme ? Pourquoi j'ai l'impression que quelque chose m'échappe ?

"Euh... oui, je suis... perturbée."

Et qu'est-ce que je vais faire maintenant ? Elle se demandait. Dans cette vie désordonnée qu'elle avait mené jusque-là, où rien ne comptait et rien n'avait jamais compté. Retourner dans le trou miteux qui me servait d'appartement ? Retourner voir mes parents et présenter mes excuses ? Continuer à vivre de rien ? Pourquoi continuer à vivre une vie qui m'écœure autant ?

C'était comme une deuxième chance. Une deuxième chance pour changer sa vie, et lui donner du sens. C'était peut-être pour ça qu'elle était encore vivante.

"C'est normal, c'est le choc.
- Vous avez l'air de vous y connaître.
- Je me suis réveillé hier, j'étais aussi choqué que vous.
- Et alors ? Vous savez ce que vous ferez en sortant ?"

Il avait eu l'air pensif. Ce n'était pas une question facile, après tout.

"Moi aussi, j'ai beaucoup repensé à ma vie à mon réveil, certains choix. J'ai envie de prendre un nouveau départ, un truc comme ça."

Un nouveau départ. C'était peut-être ce qu'elle voulait, elle aussi. C'était peut-être pour ça qu'elle était revenue, elle, de tous les autres. C'était peut-être une chance de recommencer à zéro, une façon de se rendre compte de l'insatisfaction qu'elle vouait à son ancienne vie, et d'en faire quelque chose de meilleur.

"Alors vous aussi, vous n'aimiez pas votre vie avant ?
- Ouais.
- Je crois que moi aussi, j'aimerais pouvoir tout recommencer, peut-être que c'est pour ça que des gens comme nous sont revenus.
- Revenus ?
- De la mort."

Il l'avait épiée dans le silence, comme si quelque chose l'avait frappé. Il la détaillait et il se demandait s'il ne l'avait pas déjà rencontrée, quelque part. Il en avait vu des gens dans sa vie. Ça ne l'étonnerait pas d'avoir déjà croisé son chemin. Elle était peut-être une ancienne patiente ? Ce n'était pas impossible, compte tenu de la sensation bizarre qu'il avait en la regardant.

"Sûrement."

Il s'était redressé du lit, elle avait continué à le suivre du regard, interloquée. La curiosité la rongeait. Elle ne pouvait pas se débarrasser de cette impression bizarre qui lui donnait envie de poser mille questions. Alors qu'il était à deux doigts de sortir de la pièce, elle craqua.

"Dites..."

Il se retourna.

"On s'est déjà rencontré ?"

Il avait esquissé un sourire.

"Je ne crois pas."

Elle s'était redressée malgré la douleur, tourmentée.

"Vous êtes sûr ? - insista-t-elle. - J'ai l'impression que... c'est quoi votre nom ?"

Son sourire s'était agrandi.

"Chishiya. Shuntaro Chishiya."

Et il était sorti de la pièce.

Ren était restée interdite, les mains serrés sur ses draps.

"Chishiya... — répéta-t-elle."

——

the end