•Chapitre I•

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Été 1995.
Lucius Malefoy fulminait dans son bureau. Seules les bougies éclairaient la pièce froide, révélant des rides fatiguées tirant les traits lisses de l'homme.
La nuit était tombée, laissant le père Malefoy dans l'obscurité, lui et ses pensées toutes plus sombres les unes que les autres.
D'un revers, il souleva sa manche gauche pour y découvrir l'encre noire, la tâche recouvrant son avant-bras pâle, presque translucide, où l'on pouvait nettement observer les veines qui parcouraient le membre.
Elle était là, bien visible, dégoûtante, aussi ignoble que l'âme de son auteur — en avait-il même une ? — le corps longiligne du blond trembla d'effroi.
Lucius n'avait pas rêvé. Le seigneur des ténèbres était bel et bien de retour.
Désormais, il devait agir, et vite.

Lucius Malefoy craignait le mage noir — il ne l'admettra jamais, cela va de soi — et il sait qu'il n'aurait pas dû s'intéresser à ce personnage volontairement, de façon si obstinée.
Le riche sang pur avait décidé qu'il ne se pardonnerait jamais son erreur de jeunesse. L'excitation de rejoindre un groupe d'élites partageant sa vision du monde l'avait amené à s'agenouiller aux pieds d'un sang-mêlé, fils d'un piteux moldu et d'une vulgaire cracmol, afin de prêter allégeance à ce monstre complètement fou.

Le seigneur des ténèbres détestait les moldus et tout ce qui leur était lié. Lucius partageait cette répulsion. Certes.
Cependant, le mage noir haïssait également l'entièreté du monde, qu'importe le statut, sang pur ou moldu.
Il avait tué en masse, n'accordant aucune importance au rang, au sexe ou à l'âge.
C'est d'ailleurs suite à la nuit du 31 octobre 1981 que le tout juste père Malefoy avait commencé à observer la situation sous un angle différent. Son maître suprême était prêt à tuer un bébé sorcier, fils de sorciers estimables, bien que méprisables : ils restaient un traître à son sang et une sang de bourbe.
Le bébé avait le même âge que son fils unique. Drago aurait pu être la cible du seigneur des ténèbres.
Ce n'était peut-être pas une pensée rationnelle, mais peu importait :  il était jeune père, protecteur de son nom et de sa lignée, il protégerait sa descendance, en l'occurrence son fils, avec la véhémence.

Une légère détonation provint de derrière son dos. Lucius se retourna, surpris. C'était un elfe. Le blond tiqua sans poser son regard sur la créature.

— Qu'y a-t-il ?

— Le dîner est prêt maître, la maîtresse et le maître fils vous attendent.

L'elfe reçut un violent coup de canne et glapit. Sans un mot, et après s'être inclinée jusqu'à avoir le nez par terre, la créature magique disparue, laissant l'homme seul. Il soupira en ôtant son veston en jersey et se dirigea vers la grande porte à double battants. Il sorti rapidement de ce bureau trop froid.

Lucius avait encore en tête l'image du corps de son maître revenu d'entre les morts. Il était effrayant. Lucius ne pouvait plus moralement le comparer à un homme.
L'être était plus livide qu’une tête de mort. Ses yeux écarlates étaient grands ouverts et son nez plat ressemblait à celui d'un serpent, avec deux fentes en guise de narines.
Jamais le mangemort n'aurait imaginé que cela puisse arriver.
Il avait été soulagé lorsqu'il avait appris la mort du mage noir, et — comme il le lui avait reproché — Lucius n'avait jamais cherché son maître, ne serait-ce que pour comprendre la disparition de celui-ci.
Harry Potter était présent lui aussi. L'adolescent avait assisté à la renaissance du monstre, et a dû se battre un tant soit peu contre le meurtrier qui a mené ses parents à leur perte. Lucius eut presque envie de plaindre le garçon.
Presque. Si ce fichu gamin ne criait pas sous tous les toits que "Vous-savez-qui est revenu".
Bien heureusement, personne ne semblait le prendre au sérieux. Si par malheur le ministère commençait à fouiller dans cette affaire, les plans minutieusement pensés par le père Malefoy seraient mis à rude épreuve. Ce qu'il fallait absolument éviter.

Un Retour InattenduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant