Ch. 4 : Confidences

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- Laissez-moi vous aider, m'interrompt Jérôme alors que je traverse le jardin avec un sceau rempli d'eau pour la cuisine.

- Ne vous en faites pas, je suis plus forte que j'en ai l'air, répondis-je pour décliner son offre.

- J'insiste, rétorque-t-il en saisissant l'anse.

J'obtempère et poursuis mon chemin en sa compagnie. Il reste silencieux mais le sourire qu'il affiche est celui d'un homme heureux de sa condition, il parait serein le regard rivé droit devant lui.

- Vous m'observez et cela me rend nerveux, se confie-t-il timidement en glissant sa main dans ses cheveux.

- Veuillez m'excuser Jérôme, ce n'était pas mon intention, seulement je suis curieuse de savoir comment vous êtes arrivé dans cette maison.

- Je suis orphelin de père et ma génitrice était une prostituée. Elle exerçait dans un bordel de la ville et je passais mes journées à airer dans les rues pour occuper mon temps. J'avais environ 15 ans lorsque je fis la rencontre de Monsieur le comte, je venais de voler une pomme sur un étale du marché, le gros commerçant m'a attrapé par le col et criait qu'il me livrerait à la police si je ne lui payais pas son dû. Je commençais à paniquer parce que je savais que celle qui m'avait enfanté ne me garderait pas si j'avais à faire avec la loi. Alors, je suppliais l'homme de me lâcher et de m'offrir un travail pour le rembourser. Il ne voulait rien entendre, c'est alors que Monsieur le comte est intervenu, il a réglé ma dette et m'a emmené avec lui au château. Nous sommes rentrés par les cuisines, Madame Chang m'a offert un bol de soupe le temps que Monsieur se rende auprès du comte et de la comtesse pour leur demander de me donner le gîte et le couvert contre un travail. Et depuis, je n'ai plus quitté le château, finit-il son récit.

Je suis émue par son histoire, elle évoque la générosité du comte, celle dont m'a parlé le majordome et celle dont il a finalement fait preuve avec moi en m'autorisant l'accès au petit salon pour lire. Un homme de caractère, avait-il évoqué, mais un homme juste...

Notre trajet est interrompu par la course effrénée de Charlotte vers nous.

- T/P, dit-elle essoufflée, Monsieur le comte souhaite te voir. Il te cherche dans tout le château depuis un moment. Et il semble énervé de ne pas t'y trouver.

- Où se trouve-t-il en ce moment ? demandais-je soudain affolée.

- Il fait les cent pas dans le couloir qui mène à sa chambre.

Je lève les yeux pour rencontrer le regard courroucé de celui qui m'attend et m'observe par une fenêtre de l'étage.

Je quitte précipitamment mes nouveaux amis pour me diriger en courant vers le lieux indiqué.

- Monsieur le comte, je suis là, suffoquais-je en apparaissant devant lui.

- Puis-je savoir où flânait ma gouvernante ? demande-t-il mécontent.

Sa réflexion, supposant que je rêvassais dans un coin du château, me vexe. Je lui réponds aussi froidement que possible que j'étais occupée à remonter de l'eau, ce à quoi il répond contrarié.

- Avec le palefrenier ?

Sa réplique me coupe l'herbe sous le pied, je regarde médusée l'homme devant moi. Il reste stoïque et rien ne transparaît dans son attitude. Je me radoucit et lui demande pour quelle raison Monsieur m'a fait venir.

- Je souhaitais vous prêter cela, dit-il en me tendant un livre.

Mes yeux s'arrondissent de surprise, je le saisis pour en lire la couverture, "Les contemplations" de Victor Hugo.

Monsieur Le ComteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant