Monsieur Le Comte

Ch. 56 : The end

- A-t-elle convenablement dormi ?

- Oui Madame. Iseul ne s'est réveillée qu'une seule fois au cours de la nuit, m'informe sa nourrice alors que je prends dans mes bras ma petite princesse.

Je prie la nouvelle domestique de bien vouloir me laisser seule afin que je profite pleinement de mon bébé. Elle s'incline poliment et referme la porte derrière elle. Je m'installe dans le rocking-chair en bois blanc proche de la fenêtre pour admirer le soleil qui joue dans les glycines et la brise printanière qui remue délicate les feuilles des arbres. Mes yeux se perdent dans ces immenses jardins pour se poser sur le dernier parterre de fleurs que Jérôme a gracieusement agrémenté de roses rouges et de lys blancs en hommage à la naissance de Iseul. L'horizon qui se peaufine bien après le liseré de la forêt m'invite à un voyage sur les terres de Franckois. Là où la guerre se poursuit, là où se trouve encore Jungkook, peut-être blessé ou prisonnier ... Mes yeux sombrent et mon cœur chavire à l'idée de ne jamais le revoir. Je tente de ne pas me laisser aller au désespoir alors je reporte mon attention sur ce petit ange.

Calée dans le creux de mon cou, ma fille termine sa nuit en bavant sur le col de ma chemise en coton blanc. Je cajole cette enfant dont les traits apaisés me réconforte, ma joue contre la sienne, je ferme les yeux et rêve de bientôt la présenter à son papa. J'imagine comme il serait fière de son enfant, comme il la choierait, la dorloterait pour soulager ses chagrins. Il s'occuperait d'elle comme de la chose la plus précieuse au monde. La gâterait surement trop, la consolerait plus que de raison. Il serait un papa si extraordinaire ...

- Ma chérie comme ton papa serait fière de toi, sanglotais-je contre sa tête reposée.

- Je le suis déjà ...

Cette voix sensuelle si particulière à mes oreilles, cette odeur à la fois boisée et épicée si chère à mon souvenir, je n'ose ouvrir les yeux. Est-ce mon imagination qui me joue des tours ? Je serre un peu plus ma fille contre moi et un instant de flottement s'étire dans la chambre d'enfant. Ma main, posée sur le haut de son crâne, cajole la chevelure douce tandis que des larmes dévalent mes joues pour mourir sur mon menton. Les doigts caressants d'un homme glissent sur les miens, ils me quittent pour essuyer les perles salées sur mon visage. Sa paume s'attarde sur ma joue dans laquelle je me blottie. Un souffle léger semble s'approcher de mon visage, et des lèvres douces se pressent contre les miennes. Je les reconnais immédiatement, il n'y a plus aucun doute, il est de retour parmi nous. Jungkook est rentré ...

Je rouvre les yeux pour le découvrir accroupie près de nous. Ses yeux se posent sur sa fille dont il découvre l'existence. Ses traits sont ceux d'un homme épuisé mais l'amour qui luit dans ses prunelles sombres sont celles d'un père et d'un mari. Il ne détache pas son regard du nouveau né dont il semble scruter la moindre parcelle de peau.

- Elle est aussi belle que toi, souffle-t-il.

Je ne parviens pas à émettre le plus petit son. Je ne fais que l'observer sans vraiment réaliser qu'il se trouve à mes côtés. J'approche ma main de son visage, j'effleure sa peau, je glisse dans ses mèches trop longues. Je me délecte de cet homme qui m'a tellement manqué, sa bouche parfaite, ses prunelles noires, son nez droit mais je remarque aussi ses joues creusées et sur l'une d'elle une blessure, une petite entaille sur laquelle la pulpe de mon pouce s'attarde et semble chercher à en retirer la trace. Mon geste lui arrache un sourire doux et aimant, il s'ancre à nouveau à mes yeux et le baiser que nous échangeons est plus passionné. Ma main s'agrippe à sa nuque quant à la sienne, elle s'imprime sur ma cuisse comme pour signifier de son retour.

Il se redresse, je lui tends Iseul, il la blottit contre son torse et la petite semble trouver immédiatement ses marques dans les bras de son papa. Il me propose sa main pour m'aider à me relever. Je lui emboîte le pas en direction du salon où nous retrouvons Charlotte timidement accrochée au bras de Taehyung.